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La Izquierda Diario
30 de octobre de 2019 Twitter Faceboock

Lutte de classe
Liban. Le soulèvement populaire continue après la démission du premier ministre
Lorélia Fréjo

Depuis le 17 octobre, le Liban est agité par un soulèvement populaire sans précédent contre le régime confessionnel, corrompu et inégalitaire. Face à cette crise, le premier ministre, Saad Hariri s’est vu obligé de donner sa démission.

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Mardi soir, les libanais faisaient la fête sur la place de la liberté à Tripoli et celle des Martyrs à Beyrouth, alors que le premier ministre a donné sa démission, sous la pression de treize jours de manifestations sans précédents au pays du Cèdre. « Nous ne quitterons pas la place tant que ces systèmes corrompus ne seront pas totalement détruits », expliquait alors une manifestante. De fait, depuis le 17 octobre, le Liban est traversé par un mouvement de contestation inédit, parti d’abord du rejet d’une nouvelle taxe sur les appels WhatsApp, perçue comme la goutte de trop par la population qui subit les conséquences antisociales des politiques néolibérales depuis la fin de la guerre civile.

Les manifestants remettent aujourd’hui en cause le système confessionnel qui a cours au Liban et l’ensemble de la classe politique corrompue responsable de la crise sociale. Ils ont ainsi bloqué les principales villes du pays, faisant front commun, par-delà les appartenances confessionnelles, contre la précarité et les inégalités sociales. De fait, alors qu’une partie de la population n’a pas d’accès stable à l’eau et l’électricité, que les prix du logement explosent, et que les salaires baissent, la classe politique libanaise cherche à appliquer des mesures de plus en plus austéritaires, notamment pour rembourser la dette contractée.

Saad Hariri et son gouvernement avaient pourtant tenté de calmer une première fois la situation, et annoncé un paquet de mesures compensatoires : taxation symbolique des banques, création d’une agence anti-corruption et même baisse de 50 % sur les salaires des ministres, députés et présidents, tandis qu’il annonçait la privatisation du secteur des télécommunications afin de s’assurer le soutien des libéraux. Ces mesures n’avaient cependant pas permis de faire baisser la contestation, bien au contraire.

Les femmes à l’avant-garde, les libanais avaient continué de demander de meilleures conditions de vie et la fin d’un régime néolibéral corrompu et destructeur. Les libanais refusent un régime fondé sur la corruption, et dont les représentants jouent avec les richesses du pays, sous l’égide des puissances impérialistes et régionales. Saad Hariri, par exemple, est accusé d’avoir offert près de 16 millions de dollars à une mannequin, alors qu’il n’a jamais payé de nombreux employeurs, lorsqu’il était à la direction d’un géant du BTP, Saudi Oger, en Arabie Saoudite.

Face à la pression, l’obligation de démissionner

Voyant les manifestations s’amplifier, et la crise sans solution interne, les différents groupes dirigeants refusant de s’accorder, Saad Hariri s’est vu obligé d’annoncer sa démission. De fait, lui qui voulait un remaniement complet du gouvernement pour satisfaire les demandes des masses populaires, et notamment supprimer les figures les plus controversées comme Gebran Bassil, n’a pas réussi à faire consensus.

Ce dernier, gendre favori du président Aoun (chrétien maronite, CPL) et ministre des affaires étrangères, est accusé d’arrivisme de dépenser l’argent de l’État, mais aussi d’être un fervent opposant au droits des femmes, notamment celui de transmettre la nationalité à leurs enfants, chose impossible au Liban à ce jour. De l’autre côté, le troisième camp, le Hezbollah, parti chiite à la direction de l’assemblée nationale, souhaitait conserver le gouvernement actuel, par peur de perdre toute place dirigeante. Les dirigeants de ce parti ont dénoncé les manifestations et appelé au calme et ne souhaitent pas voir aboutir les volontés révolutionnaires des libanais.

Derrière cette première victoire pour le soulèvement populaire au Liban, se cache aussi une tactique politique pour Saad Hariri. De fait, ce dernier ne va pas quitter le pouvoir immédiatement, mais bien plutôt conserver un rôle dirigeant dans les affaires, le temps de constituer un nouveau gouvernement qui accorde les différents partis politiques. Comme l’a signalé le président Aoun, il a « demandé au gouvernement de poursuivre la gestion des affaires courantes jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement ». De plus, aucune alternative claire n’est envisageable pour le remplacer, et sa volonté de mettre en place un nouveau gouvernement pour conserver la stabilité du régime pourrait aboutir.

Même s’ils ont été ébranlé par l’ampleur du mouvement, il est clair que les différents partis politiques au pouvoir vont chercher à résoudre la crise sans perdre leurs positions dirigeantes et continuer à répondre aux intérêts capitalistes qui nécessitent aujourd’hui de faire payer la dette aux populations par différentes réformes néolibérales. Cette démission ne suffit donc pas à déclarer victoire, car la mise en place possible d’un nouveau gouvernement de technocrates ne donnerait aucune assurance sur l’amélioration du quotidien du peuple libanais.

Quelle suite pour la « révolution » voulue par les masses populaires libanaises ?

La seule sortie possible et qui correspondrait aux aspirations des classes populaires libanaises n’est pas comme le souhaite Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères français, le retour à la stabilité mais bien plutôt que les manifestants s’unissent pour continuer de lutter et s’organisent afin de prendre le pouvoir, en comptant sur la solidarité avec l’ensemble des peuples opprimés de la région.

La seule possibilité pour les couches populaires de faire entendre leurs revendications, telles que la fin du statut de demi-citoyenne auquel les femmes sont astreintes, la fin du système confessionnel et de la corruption, et l’égalité sociale, consiste à mettre en place de cadres d’auto-organisation dans les lieux de travail, les quartiers pour structurer démocratiquement la mobilisation, et organiser la grève générale afin de mettre en place une assemblée constituante révolutionnaire, chargé d’en finir avec le régime et ses institutions, de rompre avec l’impérialisme, et de satisfaire les aspirations sociales et démocratiques de l’ensemble des masses libanaises opprimées.

 
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