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La Izquierda Diario
18 de septembre de 2019 Twitter Faceboock

Fête de l’Huma
Martinez à la fête de l’Huma : « généraliser la grève » ou négocier avec Macron, il faut choisir !
Mones Chaieb

A la Fête de l’Huma, on voit parfois du beau monde. Après Benalla, c’est un membre du gouvernement, et pas n’importe lequel : Delevoye, responsable de la réforme des retraites. Il était invité ce samedi 14 septembre pour débattre avec Martinez. Retour sur ce débat entre le secrétaire général de la CGT et un ennemi de classe.

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L’agora de la Fête de l’Humanité était pleine ce samedi pour assister aux échanges. Et le débat retransmis en direct sur LCI avait vocation à montrer un membre du gouvernement rédacteur du rapport qui doit servir de base au projet de loi sur la réforme des retraites, ouvert au dialogue au point de se rendre à l’un des plus gros rendez-vous annuels de la gauche française. Si l’atmosphère était tendue, Jean-Paul Delevoye ayant été copieusement hué à son arrivée sur scène, l’échéance ne lui laissait pas moins le loisir de déballer un discours ficelé.

La suppression des régimes spéciaux : une mesure « équitable » ?

Pour s’attaquer en premier lieu aux régimes spéciaux au nom de « l’équité », après la grève massive à la RATP la veille, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites a commencé en demandant « pourquoi à cotisation égale tout au long de la carrière, on n’a pas la même retraite ? » Il est évident que si parmi les 42 régimes spéciaux certains peuvent véritablement être assimilé à des privilèges, à l’image de celui des parlementaires dont bénéficient par ailleurs Jean-Paul Delevoye et l’ensemble des membres du gouvernement, d’autres comme celui des agents RATP, EDF, ou encore à la SNCF relève d’une simple contrepartie à des travaux pénibles effectués tout au long de leur carrière.

Force est de remarquer à ce sujet que cette compensation est bien minime au vu des dernières statistiques d’Eurostat qui montrent que l’espérance de vie en bonne santé en France n’est que de 64,1 ans pour les femmes et 62,7 ans pour les hommes. Ces statistiques sont en lien direct avec d’une part la pénibilité au travail, les tâches physiques et la souffrance psychique, les cadences, l’exposition à la pollution, aux produits chimiques et nuisances sonores, de même que les rythmes décalés et le travail de nuit, et d’autre part avec la qualité de vie, c’est-à-dire tout ce qui touche à ce qu’on peut s’offrir entre autre en terme de nourriture et de logement en fonction de son portefeuille, mais aussi d’accès au soin et aux loisirs tout au long de la vie. Deux volets d’autant plus mis à mal, pour les couches populaires, par la casse des services publics…

Ainsi un euro cotisé n’a pas la même valeur pour tout le monde qu’on l’ait gagné sur un chantier exposé à l’amiante, ou dans un bureau climatisé. Et plutôt que tenter de réduire la vie des salariés à une somme d’argent comme voudrait le faire Macron et son gouvernement - en repoussant de fait l’âge de départ à la retraite par la suppression des régimes spéciaux et l’allongement de la durée de cotisation -, il serait plus juste de reconnaître ces spécificités. Non seulement pour faire en sorte que ceux qui subissent des nuisances au travail puissent partir plus tôt à la retraite sans perdre de salaire, mais aussi pour faire en sorte de garantir à chacun des conditions de travail dignes, en interdisant par exemple le travail de nuit sauf cas particuliers comme dans la santé, ou encore en réduisant le temps de travail sans perte de salaire, ce qui permettrait également de faire face au chômage de masse.

Co-gestion des retraites : l’appel du pied de Delevoye

Jean-Paul Delevoye a ensuite défendu la prise en compte l’ensemble de la carrière des salariés plutôt que les six derniers mois comme c’est le cas aujourd’hui pour calculer le montant des retraites pour les salariés du public, ou même les 25 dernières années comme c’est le cas dans le privé. Tout cela en prétextant que « le système actuel avantage les carrières ascendantes et longues, et désavantage les carrières heurtées, précaires et courtes. »

Or il convient d’abord de rappeler que si aujourd’hui les carrières sont heurtées, précaires et courtes, le gouvernement actuel n’y est pas pour rien en distribuant sans contrepartie des milliards de CICE à des grandes entreprises qui ont systématiquement recours à des contrats de courtes durées, et en favorisant le salariat déguisé avec le statut d’auto-entrepreneur qui précarise les travailleurs. Par ailleurs l’attaque est importante contre les salariés du secteur public qui se contentent de faibles salaires pendant leur carrière en espérant bénéficier non seulement de la sécurité de l’emploi mais également d’une retraite correcte qui serait calculé en fonction des six derniers mois de salaire supposés être les plus élevés.

D’intervention en intervention, de fil en aiguille, à force de langue de bois, et malgré les interruptions d’un public pas vraiment dupe, celui qui était ministre en 2003 lors de la réforme des retraites des fonctionnaires a d’abord développé sur le système de retraite par point, impératif selon lui pour « sauver […] le système de protection sociale » optant « pour la répartition ». Or si la retraite par point ne remet pas directement en cause le système par répartition, elle remplace en revanche le principe de « retraite à prestation définie » par celui de « retraite à cotisation définie ». En effet, avec le système par point les salariés paieront leur cotisation mais ne prendront connaissance du montant de leur pension qu’une fois à la retraite.

A cela Philippe Martinez demande : « Et qui va définir la valeur du point ? Est-ce qu’il ne va pas baisser au nom de la réduction des dépenses publiques ? » Et c’est dans la réponse à cette question que Philippe Delevoye explique le plus clairement ce qu’il est venu faire à la Fête de l’Humanité cette année. Selon lui, « ce qui pose potentiellement problème, c’est la confiance, qui va déterminer la valeur du point. Ce sont les partenaires sociaux. » Fort d’avoir rallié à son projet de réforme Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, le gouvernement invite les syndicats à intégrer l’instance chargée de revaloriser la valeur du point, dans la droite ligne du « changement de méthode » annoncé pour l’acte II du quinquennat.

Pourtant, négociation ou non, ce montant sera forcément revalorisé à la baisse d’années en années puisque le rapport Delevoye introduit une « règle d’or » selon laquelle le budget consacré aux retraites ne pourra dépasser 14% du PIB, alors que le nombre de retraités augmente. Ainsi avec ce système le salarié sait ce qu’il cotise mais ne sait pas ce qu’il touchera une fois à la retraite ! Et c’est précisément là que cette réforme ouvre la voie au système de retraite par capitalisation. En effet, sans savoir si le régime universel permettra de toucher une retraite correcte, les salariés risquent de se tourner naturellement vers des régimes de retraites complémentaires sur le modèle des fonds de pension anglo-saxon pour compléter leurs retraites.

Une attaque historique contre les retraites : que fait Martinez ?

Avec cette réforme le gouvernement souhaite donc modifier en profondeur le système des retraites, pour in fine baisser le montant des pensions pour tous ceux qui cotisent au régime universel, et favoriser en même temps l’émergence d’un marché juteux des fonds de pension. Cependant il tire également le bilan de la crise des Gilets Jaunes. L’absence de corps intermédiaires avec une emprise sur le mouvement pendant cette séquence, à l’image des directions syndicales, l’avait en effet empêché de négocier un retour au calme à moindre frais. La main tendue à la direction de la CGT et aux « partenaires sociaux » vient donc tenter de pallier ce vide.

Cependant le plus grave réside dans l’attitude de Philippe Martinez qui, quoique poussé par la base à « conjuguer urgence sociale et climatique », n’exprime pas a minima l’exigence du retrait pur et simple du projet de loi, et s’offusque simplement que les propositions de la CGT n’y ait pas été prises en compte. Et, alors que selon un sondage Odoxa « 6 français sur 10 considèrent que la grande concertation sur les retraites est surtout une stratégie politique pour désamorcer la contestation » il est évident que le public présent lors de ce débat à la Fête de l’Humanité ne l’était pas tant pour entendre des arguments contre un projet de réforme contre lequel il est déjà convaincu de sa battre – preuve en était les hués des militants, Gilets Jaunes et syndicalistes combatifs à l’arrivée de Delevoye dans l’Agora – que pour entendre ce que la direction de la CGT aurait à proposer.

Mais plutôt que de mettre en place un véritable plan de bataille contre ce projet de réforme qui vient tenter de régler une bonne fois pour toute la question des retraites pour la bourgeoisie française, le secrétaire général de la CGT continue de demander un « vrai débat » à Macron et son gouvernement. A l’entendre, aller négocier à Matignon après 18 mois de concertations et participer à redorer le blason du gouvernement serait préférable à la grève reconductible à la RATP.

Tandis que poussée à donner des signes de combativité par la base, Philippe Martinez affirmait lors du débat de samedi vouloir « généraliser la grève », il s’avère que lorsque que la grève massive à la RATP a fait de nouveau planer le spectre la grève générale en France et du « Tous Ensemble » contre une réforme des retraites touchant à un sujet hautement inflammable pour tous les gouvernements depuis 30 ans, le secrétaire général de la CGT expliquait le matin du vendredi 13 septembre au micro de France Info : « Nous ce qu’on souhaite, c’est que le gouvernement accepte de discuter du problème des retraites autrement que de la façon dont il l’a engagée », justifiant ainsi de ne pas souhaiter que la grève soit reconduite, contre l’avis des grévistes présents au rassemblement à la Gare de Lyon ce jour-là qui scandaient « En décembre, grève illimitée ! ».

 
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