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La Izquierda Diario
16 de septembre de 2019 Twitter Faceboock

Risque d’escalade
Les attaques en Arabie Saoudite sont un test pour les Etats-Unis et leurs alliés
Philippe Alcoy
Sadek Basnacki

Après les frappes sur les installations pétrolières saoudiennes, la crédibilité des Etats-Unis en tant que garants de la sécurité de leurs alliés est en jeu.

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Crédit photo :Capture d’écran YouTube / Tamil boy Saudi rack

Ce week-end, les installations pétrolières d’Aramco, dans l’Est de l’Arabie Saoudite, ont été frappées par une attaque de drones. Les Houthis, un groupe rebelle au Yémen allié à l’Iran, ont revendiqué la responsabilité de ces attaques. Cependant, cette attaque va bien au-delà de l’Arabie Saoudite, elle pose un défi pour les Etats-Unis et leurs alliés dans la région ; elle va tester la confiance des principaux partenaires régionaux de l’impérialisme américain envers Washington, Israël et l’Arabie Saoudite.

Comme l’explique l’expérimenté analyste géopolitique Georges Friedman, cette attaque « est également destinée à rappeler aux Saoudiens et à d’autres que, alors que les États-Unis avaient un intérêt primordial pour la protection des flux de pétrole du Moyen-Orient, ce n’est plus un intérêt majeur des États-Unis. (…) [Ils] sont maintenant en position de prendre des risques que leurs alliés ne peuvent se permettre de prendre. Les Iraniens espèrent pouvoir, avec cette attaque, diviser l’alliance américaine sur la question du pétrole ».

Cette situation met les Etats-Unis dans une situation compliquée car ne pas répondre pourrait faire surgir des frictions au sein de son alliance régionale ; mais répondre en attaquant des positions iraniennes pourrait pousser le régime iranien à répondre et en attaquant des installations pétrolières ou autres infrastructures stratégiques saoudiennes. Car une autre chose que cette attaque a révélé, c’est la vulnérabilité des installations stratégiques saoudiennes. Une escalade dans la région mettrait évidemment aussi en grand risque l’économie mondiale.

Un flou sur l’origine de l’attaque

Alors que depuis plusieurs mois, la tension entre l’Iran et les Etats-Unis monte dans la région, avec des risques réels de guerre, tous les indices pointent vers une implication directe ou indirecte de Téhéran dans cette attaque. Cependant, le gouvernement iranien nie toute implication.

En effet, le gouvernement américain part du principe que les attaques ne viennent pas du Yémen, ce qui signifie que les Houthis ne sont pas impliqués dans les attaques ou ne les ont pas menées seuls.

L’hypothèse d’un groupe affilié à l’Iran ayant frappé à partir de l’Irak est aussi avancée. Les médias au Koweït, situé entre l’Irak et l’Arabie saoudite, ont rapporté qu’une enquête avait été ouverte après le survol de leur territoire par un drone. Les responsables de l’administration Trump ont également déclaré qu’une combinaison de drones et de missiles de croisière pourrait avoir été utilisée. « Cela indiquerait un degré de portée, de précision et de sophistication qui dépasse les capacités des seuls rebelles houthis » d’après le New York Times. Ils ont également expliqué chercher d’autres preuves pour étayer leurs accusations. « Les photographies satellites publiées dimanche ne paraissaient pas aussi claires que le suggéraient les responsables, certaines semblant montrer des dégâts sur le côté ouest des installations, et non en provenance de l’Iran ou de l’Irak » révèle le New York Times.

Des responsables iraniens et irakiens ont repoussé dimanche avec force les accusations selon lesquelles les attaques seraient venues de leurs pays. Le Premier ministre irakien, Adel Abdul Mahdi a déclaré que son gouvernement « traiterait fermement » quiconque tenterait d’attaquer les pays voisins de l’Irak. Le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a expliqué que Pompeo, « après avoir échoué à la pression maximale (…) se tournait maintenant vers la supercherie », tout en suggérant des pourparlers pour sortir du conflit selon News 24.

Trump avait pris à contre-pied ses conseillers en suggérant une rencontre avec son homologue iranien lors du G7, et ce sans conditions préalables, afin de renégocier les accords sur le nucléaire iranien. Proposition qu’il a réitérée cette semaine. Hassan Rohani, président iranien, a expliqué ce lundi qu’aucune rencontre n’était prévue.

Une attaque qui fait bondir le prix du baril

L’attaque des deux installations pétrolières saoudiennes ont fait bondir le prix du Brent de 18 % avant de retomber à 12 %. Donald Trump a autorisé la libération de pétrole des réserves stratégiques, « si nécessaire », pour atténuer l’impact des attaques sur le marché.

Les explosions de samedi ont touché des installations dans les districts de Khurais et d’Abqaiq. Khurais est l’un des plus grands gisements de pétrole d’Arabie saoudite, qui produit environ 1,5 millions de barils par jour. Quant à elle, « Abqaiq abrite la plus grande installation de traitement du pétrole du royaume, construite pour traiter environ 7 millions de barils de pétrole par jour et être expédiés du golfe Persique vers les marchés étrangers » selon le New York Times. L’Arabie Saoudite a produit 9,85 millions de barils de pétrole par jour en août, soit environ 10% de l’approvisionnement mondial. Aramco a déclaré samedi que l’attaque l’avait obligé à suspendre la production de 5,7 millions de barils de brut par jour, soit plus de la moitié de la production du royaume.

La société d’analyse d’informations S&P Global déclare dans le journal états-unien qu’« à court terme, l’Arabie saoudite sera en mesure de maintenir ses exportations et d’utiliser ses réserves pour assurer la sécurité de son approvisionnement ». Mais « toute preuve de perturbation prolongée de la production aurait un impact considérable sur les capacités inutilisées [de l’OPEP] et sur la capacité de l’Agence internationale de l’énergie à utiliser les réserves stratégiques de pétrole pour consolider le marché. » De plus, « la hausse des prix du pétrole aggraverait les difficultés qui pèsent sur l’économie mondiale » et « pourrait la plonger dans une récession ».

Encore et toujours la question iranienne

Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le Moyen-Orient est une région clé pour les intérêts économiques et géopolitiques de l’impérialisme. Bien que dans cette équation, la protection de l’approvisionnement de pétrole au marché mondial a toujours été centrale, depuis plusieurs décennies la production s’est diversifiée géographiquement mais d’autres enjeux sont apparus, comme la lutte contre le terrorisme.

Historiquement, l’Arabie Saoudite et l’État israélien ont joué un rôle déterminant pour garantir cet ordre impérialiste dans la région. L’Iran, jusqu’à la révolution de 1979, a aussi joué un rôle très important pour les puissances impérialistes dans la région. Cependant, depuis l’installation du régime réactionnaire des ayatollahs, qui ont renversé un non moins réactionnaire allié direct des impérialistes, les frictions entre Téhéran et Washington n’ont fait que grandir. Et les concurrents régionaux de l’Iran ont profité de ces frictions pour essayer s’imposer comme leaders régionaux.

Cependant, après la guerre en Syrie et l’échec américain en Irak, l’Iran a réussi à élargir son aire d’influence - qui reste cependant très fragile. C’est pour empêcher que Téhéran renforce cette nouvelle influence régionale que les États-Unis et leurs alliés, Israël et l’Arabie Saoudite, sont passés à l’offensive en lançant des attaques directes contre des positions iraniennes en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen. Mais à ces attaques militaires s’est ajoutée une guerre économique de la part des Etats-Unis qui est en train d’étouffer économiquement l’Iran ; c’est dans ce contexte également que l’on doit comprendre le retrait nord-américain de l’accord sur le nucléaire iranien.

Même si l’implication directe de l’Iran est pour le moment loin d’être confirmée, il y a très peu de probabilités que ceux qui ont frappé l’Arabie Saoudite l’aient fait sans au moins l’aide de Téhéran. La question qui se pose c’est si après ces attaques la position de l’Iran va se renforcer ou si nous sommes en train d’assister au début d’une escalade très dangereuse pour les populations de la région et au-delà.

 
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