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La Izquierda Diario
6 de août de 2019 Twitter Faceboock

Mouvement étudiant
#JusticePourSteve : cette violence que la jeunesse étudiante ne peut plus ignorer
Paul Morao

La mort de Steve, jeune travailleur de 24ans, a ému et révolté largement. Tué à la suite d’une intervention policière lors de la Fête de la Musique, l’histoire de Steve souligne à quel point l’extension du domaine des violences policières n’épargne aucun espace, et doit interpeler la jeunesse étudiante qui s’est tenue majoritairement à l’écart du mouvement historique des Gilets jaunes.

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Crédit photo : ©PHOTOPQR/NICE MATIN/Dylan Meiffret

Le 22 juin dernier nous apprenions la disparition de Steve Maia Caniço suite à une charge policière violente au simple motif de mettre fin à une Free Party, autorisée par la mairie à l’occasion de la Fête de la Musique. Les mensonges du Préfet et l’effort très relatif déployé par les autorités pour retrouver Steve ont suscité une forte réaction sur les réseaux sociaux donnant lieux à une véritable campagne autour du mot d’ordre« Où est Steve ? ».

Depuis, la découverte du corps de Steve et la couverture de la police par le gouvernement, s’appuyant sur un rapport particulièrement complaisant de l’IGPN, ont attisé la révolte, les appels à la « Justice pour Steve » et à la démission de Castaner, ainsi que les manifestations et les rassemblements pour Steve.

Extension du domaine des violences policières

Les violences policières ont explosé ces derniers mois, blessant et mutilant des centaines de personne dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes. Dans la continuité des violences policières de 2016 mais avec une ampleur inédite, l’Etat a ainsi étendu à un mouvement social des méthodes jusque-là utilisées pour maintenir l’ordre dans les quartiers populaires, et qui provoquent régulièrement la mort de jeunes, souvent racisés.

En effet, comme le notait en 2016 Mathieu Rigouste à propos de la répression du mouvement contre la Loi Travail : « Les grandes puissances impérialistes ont généré des systèmes d’encadrement militaro-policiers pour soumettre les territoires et populations colonisées et elles piochent dans ces répertoires pour ré-agencer les systèmes de contrôle des populations des quartiers et classes populaires. L’Etat va piocher dans ces nouveaux répertoires pour y prendre des dispositifs, les rénover si nécessaire afin de les appliquer aux mouvements sociaux ou révolutionnaires. En l’occurrence, nous sommes là vraiment dans une continuité claire, étendant ainsi des méthodes jusqu’ici réservées aux quartiers populaires. »

Or, ce qui a suscité une indignation redoublée dans le cas de Steve, c’est le caractère a priori totalement banal du motif de l’intervention policière, celui de faire taire une Free Party, 30 minutes après l’heure prévue. Comme l’a noté Nantes Révoltée dans son communiqué paru à la suite de la découverte du corps de Steve : « A Nantes, tout le monde a un ami, un petit frère, une sœur ou un enfant qui était présent, sur ce quai, ce soir-là. Des centaines de familles pourraient être en deuil aujourd’hui. (…) Personne ne soupçonnait qu’on puisse mourir à 24 ans, pour avoir fait la fête un 21 juin. »

La mort de Steve apparaît ainsi comme la conséquence claire d’un durcissement de ce que l’on appelle, avec euphémisme, le « maintien de l’ordre ». Toujours plus violent, celui-ci tend à banaliser l’usage des armes non létales. Dans le cas de la répression qui s’est déployée au Quai Wilson les policiers, accompagnés de chiens, ont ainsi utilisé des grenades lacrymogènes, mais aussi des grenades de désencerclement, les armes mêmes qui ont été au centre de la répression des Gilets jaunes. Ainsi, c’est à une véritable extension continue du domaine des violences policières que l’on assiste, et dont Steve n’est probablement que l’une des premières victimes « civiles ».

La jeunesse étudiante ne peut pas rester en retrait

Cette situation doit interpeller la jeunesse étudiante qui est restée en retrait lors du mouvement des Gilets jaunes. Si des jeunes étaient bien présents dans le mouvement, les facs sont en effet restées largement atones. Distance sociologique avec les Gilets jaunes ? Pression universitaire ? Contre-coup des défaites de la veille ? Peur de la répression ? Scepticisme face à un mouvement inédit ? Adhésion au discours gouvernemental ? Les causes de cette absence sont multiples mais celle-ci a été criante, de même que la faible ampleur du mouvement contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers.

Ainsi, pour ce qui est des violences policières massives sur les Gilets jaunes, si elles ont probablement choqué sur les facs, aucun mouvement de solidarité d’ampleur ne s’est mis en place, et encore moins de façon généralisée. Un recul par rapport à 2014, lorsque la mort de Rémi Fraisse avait mobilisé étudiants en lycéens, ou encore 2016 et 2018, où la violence policière s’était même invitée dans les facs pour réprimer les mobilisations contre la Loi Travail et la mise en place de la sélection.

Un manque de réaction qui contraste par ailleurs avec le début de mobilisation qui a agité de nombreux lycées en décembre dernier, stimulé par le mouvement des Gilets jaunes. Un début de mouvement qui a été confronté immédiatement à une répression ultra-violente, dont les images des lycéens de Mantes-la-Jolie agenouillés ont rendu compte à large échelle, sans susciter là encore de réaction massive sur les facs.

Avec la mort de Steve, les violences policières semblent pourtant se rappeler à la jeunesse étudiante en faisant irruption lors de la Fête de la Musique, au milieu d’une banale soirée techno. Les effets de la lutte des classes ne connaissent pas de frontières et le durcissement policier n’épargnera pas la jeunesse étudiante, dont les aspirations à une vie décente et la souffrance croissante liée aux contraintes du système (pression scolaire, sélection, précarité, difficultés à se loger, …) mais aussi au spectacle de ses inégalités croissantes, de sa violence quotidienne (féminicides, morts d’exilés par dizaines), de ses oppressions multiples, ne peuvent trouver d’issue qu’à condition de se soulever pour les éradiquer.

Des soulèvements auxquels la jeunesse n’est d’ailleurs pas devenue totalement étrangère. Outre les mobilisations lycéennes de l’hiver dernier, l’année a été marquée par un début, bref, de mobilisation contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers et surtout par les mobilisations massives pour le climat. Mobilisant majoritairement lycéens voire collégiens, ces dernières ont montré que la jeunesse n’a pas perdu sa capacité à s’engager.

A ce mouvement pour le climat il manquait cependant le tranchant d’une radicalité qui a donné, en leur temps, aux étudiants de mai 68 la force de déclencher un mouvement historique. La mort de Steve pourra-t-elle être le ferment d’une prise de conscience plus politique de la nécessité de lutter contre un système qui détruit l’environnement, tue les exilés, mutile les Gilets jaunes et n’offre que de sombres perspectives d’avenir à la grande majorité ? Permettra-t-elle de retrouver le chemin d’un mouvement étudiant politique, capable de se lier à toutes les luttes émancipatrices et à la classe ouvrière ?

S’il serait décalé d’exiger autant de ce drame, on peut cependant espérer qu’il fasse réfléchir tous ceux qui n’ont pas abandonné l’espoir de transformer le monde. La rentrée 2019 permettra de juger des transformations à l’œuvre, en espérant qu’aux mobilisations nationales pour le climat se mêlent la mémoire des victimes des violences policières pour alimenter une révolte politique et ne plus se tenir à l’écart de mobilisations historiques.

 
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