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La Izquierda Diario
3 de juin de 2019 Twitter Faceboock

Système dégage
A République les algériens contre Gaid Salah et la répression
Mones Chaieb

Alors qu’en Algérie le mouvement populaire contre le régime se poursuit, autour d’un millier de personnes se sont rassemblées en solidarité sur la Place de la République à Paris ce dimanche 2 juin.

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Photos : O Phil des Contrastes.

Le rassemblement était placé sous le signe du rejet du régime désormais dirigé par le chef de l’état-major de l’armée Ahmed Gaïd Salah, et de la défense des droits démocratiques remis en cause par une vague répressive sans précédent depuis le début de la mobilisation il y a maintenant trois mois.

S’il y avait une certitude chez les algériens rassemblés sur la Place de la République à Paris ce dimanche, c’est bien que les élections du 4 juillet n’auront pas lieu. Perçues à juste titre comme l’ultime manouvre de Gaïd Salah pour parvenir à une sortie de crise contrôlée par l’appareil militaire, cela fait plusieurs semaines que le rejet de ces élections « organisées par la mafia » constituait le principal mot d’ordre du mouvement populaire.

Ainsi la mobilisation ne daignant pas s’essouffler à la faveur du jeûne de ramadan et de la chaleur printanière, celle-ci a rallié pas moins de 400 présidents d’Assemblées Populaires Communales algériennes (APC) qui ont pris position contre l’organisation de ces élections, poussant le conseil constitutionnel finalement à déclarer lui -même et pas plus tard qu’hier « impossible » la tenue du scrutin le 4 juillet prochain, non sans préciser que toutes les potentielles candidatures avaient été refusées par les magistrats, lorsque les candidats ne s’étaient pas retirés d’eux-mêmes sous la pression des manifestations hebdomadaires massives.

Tout le monde étant d’accord pour dire « yetnahaaw ga3 » (« qu’ils dégagent tous »), c’est tout naturellement que les débats ont pour sujet central les perspectives pour le mouvement tant en terme de structuration que de revendications. Sur le premier point il faut d’abord souligner qu’à la différence des premiers rassemblements parisiens comptant plusieurs milliers de personnes sur la même Place de la République, ce dimanche la place était clairsemée de plusieurs stands de diverses associations principalement issues de la communauté algérienne en France, de même que pas moins de trois tribunes différentes avaient été disposées par les différents collectifs en des points opposés de l’esplanade.

Ce foisonnement montre une forme de libération acquise par le mouvement et le départ de Bouteflika en ce qui concerne l’expression politique. En effet, alors que la politique autoritaire du régime étouffait jusqu’ici toutes les initiatives politiques qui échappaient à son contrôle, la démission du raïs sous pression de la rue à fait voler en éclat la chape de plomb imposée par vingt ans de « bouteflikisme ». Partant de là certains comme Saïd Saadi du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, reprennent l’idée que la structuration du mouvement équivaut à un retour à l’ordre ancien, lorsque l’appareil bureaucratique du FLN profitait de son hégémonie pour faire taire toutes les voix dissonantes, et s’opposent ainsi à toute forme de structuration au prétexte que celle-ci impliquerait automatiquement l’exclusion des couches populaires du terrain politique, au profit de porte-paroles illégitimes.

Refuser la structuration du mouvement actuel est au mieux une erreur pour ceux qui veulent sincèrement en finir avec un régime pourri, et au pire une volonté consciente de canaliser le mouvement vers des jours sans lendemain, en gardant le monopole de l’initiative politique à eux et à leurs appareils eux-mêmes issus de la collaboration avec le régime. Ajoutez à cela l’ajournement des revendications sociales aux calendes grecques au nom de « l’unité » du mouvement, c’est en réalité précisément ce discours qui s’inscrit dans la restauration de l’ordre ancien, en bridant les capacités de la mobilisation à s’affronter à un régime anti-démocratique et anti-social.

Car l’appareil militaire qui dirige aujourd’hui le régime l’a bien montré. Il est prêt à réprimer le mouvement en lui envoyant non seulement la police et la gendarmerie, mais en lui envoyant même des bandes de baltaguia pour provoquer des incidents et justifier la répression. C’est d’ailleurs une préoccupation majeure des manifestants, en particulier des algériens de l’étranger qui craignent d’être impuissants face à la montée en puissance d’un autoritarisme réduisant à néant les espoirs exprimés par la mobilisation des masses populaires.

Cette vague répressive s’est matérialisé ces derniers jours avec l’ingérence de l’appareil militaire dans les affaires politiques et sociales, notamment à travers l’arrestation de la dirigeante du Parti des Travailleurs Louisa Hanoune, mais aussi avec la mort de Ramzi Yettout suite aux coups de la police, celle de Kamel Eddine Fekhar suite à une grève de la faim pour protester contre son emprisonnement, ou encore au maintien en prison de Hadj Guermoul, opposant au cinquième mandat de Bouteflika arrêté avant même le 22 février, malgré les demandes de libération immédiates aujourd’hui formulées dans toutes les manifestations. Ainsi une minute de silence a été respectée lors du rassemblement ce dimanche en hommage aux martyrs de la mobilisation.

Ce saut dans la répression doit en effet pousser tous les secteurs opprimés de la société algérienne à s’organiser démocratiquement, seul moyen de faire face efficacement à la répression et d’empêcher toute forme de récupération du mouvement comme cela a trop souvent été le cas dans l’histoire, de même que de débattre le plus largement possible des revendications et perspectives en vue de satisfaire aux aspirations à la fois démocratiques et sociales du peuple algérien.

Par ailleurs la persistance dans la durée des rassemblements Place de la République à Paris, montre la force sociale que représentent les travailleurs immigrés issus des ex-colonies, dans un contexte post-élections européennes polarisé entre un Macron soutien de Bouteflika et partisan de l’Union Européenne comme alliance impérialiste contre les peuples du monde entier, et une Le Pen xénophobe et pas moins pro-impérialiste comme le montre le fait qu’elle élude systématiquement les crimes coloniaux. Pendant la guerre d’indépendance, les travailleurs algériens vivant en France avaient réussi à se structurer de telle sorte qu’ils jouaient un rôle actif contre l’Etat colonialiste, et étaient considérés comme la « 49ème wilaya ». Aujourd’hui si la domination française en Afrique a changé de forme, elle n’a pour autant pas disparu comme l’a montré la dernière affaire autour de la vente d’Andarko à Total, qui donnerait à l’entreprise française une situation de quasi-monopole sur le secteur des hydrocarbures algériens. Et fuyant la misère et le chômage, les conditions de vie des jeunes algériens immigrés en France se résument bien souvent à la précarité extrême, aux boulots mal-payés, aux interdictions de travailler et aux expulsions en charters. Cette communauté de travailleurs immigrés, en manifestant chaque dimanche depuis plus de trois mois maintenant, montre au fond que pour venir à bout de tant d’années d’oppressions et d’exploitation du peuple algérien, c’est aussi la domination de l’Etat français en Algérie et dans le monde qu’il faut abattre.

 
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