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La Izquierda Diario
18 de avril de 2019 Twitter Faceboock

Grand Débat
La grande hypocrisie de la suppression de l’ENA
Léo Valadim

Si Macron n’a pas encore rendu son discours post-grand débat, l’information selon laquelle il souhaiterait supprimer l’école se répand dans la presse. Mais quelle est vraiment sa démarche ?

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Alors que Macron avait prévu de diffuser un message pré-enregistré annonçant ses conclusions du grand débat, il a fait le choix lundi de repousser l’échéance suite à l’incendie de Notre-Dame. Cependant les annonces qu’il comptait faire ont fuité dans la presse. Parmi les quelques mesures qui ont pour but de calmer les Gilets Jaunes : la suppression de l’École Nationale d’Administration. Créée en 1945, l’ENA est aujourd’hui un symbole de la classe politique française et du sommet des institutions de l’État. Par cette annonce, Emmanuel Macron cherche à donner des gages à la population sur un prétendu combat contre l’entre soi des « élites » françaises.

L’école – dont la proportion d’élèves ayant un père cadre supérieur dépassait les 70% dans les années 2000 - avait été créée il y a 74 ans, dans une volonté de rendre accessible la haute fonction publique à des personnes d’origines sociales diverses. C’est aujourd’hui avec le même argument que Macron cherche à présenter sa mesure.

Déjà lorsqu’il y étudiait, l’actuel président jugeait l’école couteuse et peu adaptée, et plaidait pour une réforme de l’institution. Une volonté partagée par de nombreux autres hommes de la 5ème république, à l’image de François Bayrou, qui en avait fait un thème de campagne en 2007. Mais que souhaitent-ils changer et par quoi souhaitent-ils la remplacer ?

Une école plus ouverte ?

Si pour l’instant aucun plan précis n’a été dévoilé, la thèse la plus envisagée par les analystes est celle d’une fusion de l’ENA et d’autres grandes écoles très élitistes telles que l’ENM, l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) et Polytechnique dans une « école des service publics ». Pour se faire une idée de ce que compte faire le gouvernement, il faut s’intéresser à ce que défend de longue date l’actuel ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

Ce dernier est partisan d’un modèle calqué sur l’Ecole de Guerre. Et c’est là que le bas blesse. Cette école, très sélective, n’est accessible qu’aux officiers ayant effectué 15ans « avec succès » de service. Le ministre souhaite que la nouvelle ENA soit ouverte aux hauts fonctionnaires « les plus méritants » après 10 ans de carrière. Un modèle qui ne fait pas franchement la démonstration d’une volonté de rompre avec l’ « entre soi », mais plutôt de réserver des places de choix pour ceux qui auront déjà fait leurs preuves au sein du régime.

Une emprise plus directe encore des grandes entreprises dans les administrations

Autre objectif affiché d’Emmanuel Macron : renforcer les liens entre la haute administration et les grandes entreprises. Si selon les volontés de Bruno Le Maire l’école serait désormais accessible aux mandarins de la 5ème république ayant déjà fait la démonstration de leur loyauté envers les institutions, le président souhaite également qu’elle soit ouverte aux candidats venant du privé. Des cadres et dirigeants de grandes entreprises pourraient ainsi trouver dans ces nouvelles formations un tremplin direct pour passer de leurs postes à des sièges de hauts fonctionnaires d’État. Quoi de mieux pour diminuer les intermédiaires entre les multinationales et les décisions publiques ? Si jusqu’à présent les grands patrons étaient formés par des écoles publiques et s’orientaient bien souvent de manière définitive vers le privé, la « mobilité » sauce Macron permettra de faciliter les trajectoires inverses pour attirer les top managers des grands groupes dans la haute fonction publique.

La fusion des grands patrons et des hauts fonctionnaires, une affaire française pas prête de changer

Parmi les spécificités du capitalisme Français et de son État, hérité de la monarchie absolue, il y a la fusion structurelle entre les élites dirigeantes des administrations publiques et celles des grandes entreprises impérialistes, toutes ayant été formées dans les mêmes grandes écoles publiques (ENA, Polytechnique, etc.). Ce que compte a priori proposer Macron, ça n’est jamais que renforcer ces liens en réunissant toutes ces mêmes grandes écoles en une seule, ayant un tronc commun de formation. Bien loin de mettre fin à l’entre soi, cette mesure pourrait au contraire renforcer des cercles de décideurs économiques et politiques bien fermés, auxquels n’ont accès que les classes dominantes.

 
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