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La Izquierda Diario
20 de décembre de 2018 Twitter Faceboock

Réponse à Paris luttes infos
Mobilisation à Tolbiac et Paris 8 : Le NPA mange-t-il les enfants ?
Léo Valadim
Elsa Méry
Abel Otxoa

Le 16 décembre dernier a paru, sur le site Paris Luttes infos, un article fustigeant les prétendues pratiques de noyautage et de sabordage des militants du NPA sur les sites des Université de Paris 8 Saint-Denis et Paris 1 Tolbiac. Militants du NPA, de Révolution Permanente et du Poing Levé, nous souhaitons exercer notre droit de réponse.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Mobilisation-a-Tolbiac-et-Paris-8-Le-NPA-mange-t-il-les-enfants

De l’accusation de noyautage bureaucratique

L’article paru sur Paris Luttes.info fait aux militants du NPA présents à Paris 1 et Paris 8 un certains nombre de griefs parmi lesquels le fait de tendre partout « vers les mêmes objectifs », de vouloir « faire croitre [nos] propres rangs » et de « tendre vers la convergence des luttes ». Pour des raisons politiques assez peu explicitées, l’auteur de l’article nous reproche en fait ce que nous revendiquons de façon transparente. Que nous, militants du NPA, nous nous efforcions d’avoir une orientation commune dans toutes les facs n’est absolument pas une faute à nos yeux. Au contraire, nous avons toujours explicitement revendiqué notre volonté de forger dans la lutte une orientation collective unifiée (et non point unique) de tous les étudiants en lutte, convaincus qu’il s’agit là du fondement indispensable pour construire un rapport de force réel face à un pouvoir très organisé et unifié lui aussi, bien plus que notre camp : comment gagner face à Macron si les étudiants de Paris 1 manifestent seuls le mardi pendant que ceux de Saint Denis manifestent seuls le mercredi ?

Dans le prolongement de cette conception, nous n’avons jamais dissimulé notre volonté de construire une organisation dotée d’un programme clair et cohérent qui soit capable de proposer dans les luttes une orientation efficace pour la victoire. Nous cherchons à convaincre loyalement de nos conceptions tous ceux aux cotés de qui nous militons sans calomnier, sans diffuser de fausses rumeurs et sans intimider aucun militant appartenant à d’autres courants politiques que le nôtre.

A propos de la convergence des luttes

Ensuite, on nous accuse de vouloir tendre à la convergence des luttes. Mais c’est pour nous un motif de fierté. Le combat des gilets jaunes a en effet donné une signification beaucoup plus profonde et concrète à ce mot d’ordre devenu, il est vrai, une sorte de rengaine creuse au fil des mouvements sociaux cadenassés par la bureaucratie syndicale. La véritable contamination de la colère à l’œuvre dans le mouvement des gilets jaunes exigeait que nous poussions de toutes nos forces les mouvements étudiant et lycéen naissants pour qu’ils deviennent des piliers, en propre et avec leurs revendications, de l’offensive contre le gouvernement. C’est d’ailleurs dans cette logique que nous nous sommes efforcés de construire des cortèges communs, très réussis en dépit des fortes intimidations policières, avec le Comité Adama, le collectif de cheminots de l’Intergare et de nombreux militants, le samedi aux côtés des gilets jaunes.

Mais l’article nous reproche d’avoir voulu faire des mobilisations un levier pour « nos » mobilisations plus larges. Là encore l’auteur est, comme il s’en rend compte d’ailleurs lui même, « tristement schématique ». D’une part, s’il s’imagine que les luttes plus larges et notamment celle des gilets jaunes sont « nos » mobilisations alors il tient là un scoop et devrait sans tarder écrire un autre article sur la question qui fera assurément grand bruit. D’autre part, faire de nos luttes un levier n’est, encore une fois, pas un problème selon nous. Nous avons une conception marxiste révolutionnaire des combats sociaux et non corporatiste, c’est-à-dire que nous pensons que chaque lutte qui combat les oppressions, l’exploitation et l’inégalité tend à l’abolition progressive de l’ordre existant et qu’elles peuvent et doivent s’appuyer les unes sur les autres et converger pour se donner toute la force qu’elles peuvent, dans l’intérêt de tous. Macron, à l’instar de l’auteur, trouve également cela « ignoble », c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a sollicité les bureaucraties syndicales (les vraies), afin qu’elles en appellent au calme et à la responsabilité.

Pour autant, nous ne pensons pas que cette convergence implique la dissolution des spécificités de différents mouvements dans l’horizon d’un combat commun. Selon nous, et comme nous l’avons défendu tout au long de la mobilisation, la jonction des étudiants avec les gilets jaunes ne peut se faire que sur la base d’intérêts communs, en cherchant à faire le pont entre les revendications des deux mouvements, sans les faire disparaître dans leur particularité. En clair, les gilets jaunes ont intérêt à ne pas voir les frais d’inscription à l’université augmenter, quand bien même cette mesure ne concernerait temporairement que les étudiants étrangers, tandis que les étudiants ont intérêt à un recul de la précarité et de l’injustice fiscale. Cette logique se situe à des années lumières de l’invisibilisation des questions étudiantes qui sont essentielles et qui doivent même s’étendre, par-delà la hausse des frais d’inscription, à la revendication d’une université ouverte à toutes et tous, gratuite et émancipatrice.

Le refus de se lier aux autres secteurs est au contraire la rhétorique commune des directions syndicales : l’auteur aurait-il déjà oublié que le 22 mars dernier, fonction publique et cheminots défilaient séparés et que cet argument était précisément celui de Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, qui rappelait amèrement, « le statut des cheminots n’est pas celui de la fonction publique » et défendait alors l’idée d’un cortège séparé contre l’avis et l’intérêt général ?

Des méthodes pour vaincre

Finalement, l’auteur nous accuse de bureaucratisme, c’est-à-dire, d’orchestrer en sous main l’encadrement du mouvement étudiant à des fins de contrôle et pour défendre nos intérêts. Mais n’est-ce pas là justement la définition de ces initiatives du mardi 11 ? Initiatives d’appareil qui, de l’aveu de l’auteur lui-même, ne regroupaient « que des [militants] autonomes » et qui visaient à bloquer la fac sans se soucier de l’avis du plus grand nombre. Le véritable noyautage est bien au contraire l’œuvre de ces « autonomes » qui font du comité de mobilisation l’instance décisionnaire de leur petit appareil politique au détriment des étudiants. Pour être bureaucrate, nul besoin de carte.

Mais afin d’aider l’auteur à sortir de son schématisme qui manifestement l’attriste, ajoutons quelques éléments au tableau. Ce dernier néglige en effet de mentionner que ses camarades autonomes de Paris 8, organisés dans Solidaires Etudiant-e-s, se sont abstenus en Conseil d’Administration sur une motion accueillie unanimement par la bureaucratie universitaire concernant les frais d’inscription, celle là même qui par ailleurs est responsable de l’évacuation des réfugiés au printemps et de la casse des grèves étudiantes. Cette motion, visiblement bien accueillie par les autonomes élus dans les conseils, non seulement vante les "réactions" d’une présidence qui ne soutient en rien la mobilisation, mais elle dénonce également le blocage de l’université, invitant donc les étudiants à cesser de se mobiliser. Entre blocages minoritaires fantômes et cogestion compromettante, force nous est de reconnaître au moins que les autonomes ont une panoplie assez étoffée de méthodes.

L’auteur porte des accusations lourdes, puisqu’il nous reproche de vouloir consciemment « inhiber toute volonté de lutte », mais il les étaye sur des exemples partiels et entièrement fallacieux. Loin d’affirmer que notre orientation dans l’action était irréprochable, nous avons été soumis aux aléas et tâtonnements inévitables qui composent toute situation de lutte, nous pouvons néanmoins revendiquer une cohérence et une stratégie. Alors que l’auteur semble avoir vu dans nos propositions l’expression de nos intrigues et de nos arrières-pensées, nous souhaitons ici éclairer sa lanterne.

Depuis le début de la mobilisation, nous avons soutenu et participé activement à l’ensemble des actions et manifestations centrées sur la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers. Nous avons par ailleurs défendu les actions et blocages de fin de semaine pensant qu’il s’agissait là de la meilleure stratégie pour correspondre et s’inscrire dans le tempo insufflé par la mobilisation des gilets jaunes. Le reste du temps, nous n’avons pas « craché » mais critiqué la pertinence tactique du blocage, considérant que celui-ci devait être utilisé de façon parcimonieuse, comme un outil au service de la mobilisation (parce que telle est la question, à moins que le blocage de l’université ne soit un programme politique) dans un contexte où la présidence de Paris 1 s’échinait à nous couper l’herbe sous le pied en fermant administrativement nos sites pour en faire des facs mortes.

Nous avons défendu l’idée qu’il fallait reprendre la main sur la fac en suspendant le blocage certains jours afin de convaincre, car nous avons la faiblesse de croire que le combat que nous menons est dans l’intérêt du plus grand nombre et que ce plus grand nombre peut nous rejoindre comme il a rejoint les gilets jaunes. Nous sommes allé nous adresser directement aux étudiants, partout, y compris dans les filières réputées hostiles aux mouvements de grève afin de défendre nos modes d’action dont le blocage (non pas illimité mais méthodique).

Nous ne souscrirons jamais à la radicalité minoritaire qui n’est qu’une radicalité de posture, c’est-à-dire son contraire. Nous réaffirmons sans cesse la légitimité des AG non par le goût d’un pluralisme abstrait ou par fétichisme (nous cherchons à convaincre et à emporter l’adhésion) mais parce que c’est dans les AG que se forge un moral de lutte et sur leur base que nous pouvons aller de l’avant.

 
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