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La Izquierda Diario
15 de octobre de 2018 Twitter Faceboock

Leur féminisme n’est pas le nôtre
Un an après #MeToo quel bilan pour le gouvernement Macron ?
Elsa Méry

Il y a maintenant un an qu’a éclaté le scandale de l’affaire Weinstein, où près d’une centaine de femmes ont dénoncé les viols et agressions sexuelles qu’elles ont subies de la part du milliardaire hollywoodien. Ces premiers témoignages ont donné lieu à une déferlante de réactions sur le net : 18 288 812 tweet #Metoo, 931 240 #Balancetonporc, et de nombreuses déclinaisons dans plus de 85 pays. Une expression publique et massive de la violence sexiste subie par des millions de femmes, à l’heure où Pujadas se permettait d’expliquer au journal de 20h que le « patriarcat n’existe plus ».

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Une vague progressiste ...

A partir d’octobre, Metoo a été l’expression de quelque chose que « tout le monde savait » mais dont personne ne parlait. Parti de la réalité des rapports de genre dans le monde d’Hollywood, ce mouvement a permis de mettre en lumière l’ampleur des violences subies par l’ensemble des femmes dans la rue certes, mais aussi au sein du cadre familial et dans le monde du travail. Car si les actrices de cinéma subissent du harcèlement sexuel, des agressions et des viols, c’est aussi le cas de millions de femme qui n’ont pas le même accès à la parole publique, à l’image des nombreuses internes en médecine et infirmières ou encore des travailleuses de Mcdo en grève aux Etats-Unis contre les violences sexuelles qu’elles subissent quotidiennement dans le cadre de leur travail.

Sujet de toutes les discussions d’alors, l’émergence de cette contestation a suscité une levée de boucliers des fervents défenseurs de l’ordre établi, à commencer par la tribune qui revendique la « liberté d’importuner ». Toutes ces femmes, de Catherine Deneuve à Elisabeth Levy qui regrettent de « ne pas avoir été violées » pour pouvoir expliquer qu’on s’en remet, ou qui prétendent regretter la « galanterie à la française ». Probablement celle de DSK, Polanski ou Darmanin, accusés de viols et pourtant tous relaxés. Le signe donc que lorsque les femmes prennent la parole et se défendent, cela dérange.

… « Anticipée » par Macron. Vraiment ?

Macron et Marlène Schiappa se sont empressés quant à eux de « soutenir » ce qu’ils présentent comme une « libération de la parole des femmes ». L’égalité femmes-hommes étant formulée comme une « grande cause du quinquennat », Macron a même eu l’audace d’affirmer que « la France était prête » et que le gouvernement n’avait pas « suivi le mouvement », il l’avait « anticipé ». Leurs propositions ? Pénaliser les coupables « d’outrage sexiste », un nouveau délit supposé sanctionner le harcèlement de rue. Une mesure cosmétique, qui ne changera rien à la réalité des rapports de domination que subissent les femmes à l’égard de leur patron, supérieur hiérarchique ou employeur. C’est plutôt la possibilité de donner du grain à moudre au discours formulé par Marlène Schiappa elle-même, qui, en se filmant porte de la Chapelle cherche à montrer que les quartiers où vivent des réfugies sont de véritables traquenards pour les femmes. C’est d’ailleurs ce qu’a souligné Eric Fassin dans une tribune parue sur Libération, en montrant que cette nouvelle infraction peut aisément être utilisée contre « les jeunes hommes des classes populaires et racisées [victimes de racisme, qui] subissent déjà, plus que d’autres, le contrôle policier et les violences des forces de l’ordre ». Dès lors, pour « la grande cause du quinquennat », on repassera : ce ne peut être cette police sexiste qui attouche sexuellement et viole qui peut nous protéger contre les violences faites aux femmes

Et ce n’est pas tout : ce sont bien eux qui ont couvert Hulot, accusé de viol, ou qui comptent parmi leurs ministres Darmanin, homophobe soutenant la manif pour tous et également accusé de viol. C’est aussi Marlène Schiappa, qui pour son « université du féminisme » a invité Elisabeth Lévy, signataire de la tribune pré-citée et selon laquelle « aujourd’hui la condition des femmes n’a rien à voir avec le récit victimaire qui est délivré par MeToo ». Raphaël Enthoven, également invité d’honneur, a disposé d’une longue tribune, lui permettant d’affirmer que « la souffrance n’est pas un diplôme » et qu’il aurait souhaité « être une femme noire » pour « pouvoir être écouté ». Et, comble de l’indécent, pour l’atelier « Femmes et travail », c’est la ministre du travail, Muriel Pénicaud, qui a porté la Loi Travail XXL, réelle attaque contre le monde du travail et plus particulièrement contre les secteurs les plus précaires et donc les femmes qui a défendu « la nécessité de lois relatives à l’égalité hommes femmes dans les entreprises ». Par ses ordonnances, le gouvernement a supprimé les CHSCT qui pouvaient prendre en charge les victimes de harcèlement sexuel.. Il a également établi le plafonnement des indemnités prud’homales. Une mesure loin d’être anodine : les avocats travaillistes expliquent comment ils sont très régulièrement confrontés aux licenciements des salariées qui ont dénoncé une agression ou un harcèlement sexiste. Parler sous la menace de se faire virer est difficile, mais devient illusoire lorsque même en cas de victoire au terme d’un combat acharné, les bénéfices sont si faibles.

Mais c’est aussi le retour de tous ceux qui remettent en cause une grande partie de nos acquis, à commencer par le docteur Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues qui a assimilé l’avortement à un "homicide" ou encore les conséquences dramatiques de la fermeture des maternités.

Ainsi, le « féminisme » de Marlène Schiappa, Macron et Muriel Pénicaud est bien loin de représenter l’intérêt de l’immense majorité des femmes qui subissent des violences sexistes quotidiennes.

Notre féminisme n’est pas le leur. Pour le 24 novembre, prenons nos affaires en main !

Au cours de cette même année, nous avons vu émerger des mouvements de femmes dans de nombreux pays. Des millions en Argentine pour se battre pour le droit à l’avortement légal et la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Des centaines de milliers au Brésil contre Bolsonaro. Et puis, il y a aussi le 8 mars, une journée de mobilisation historique pour les droits des femmes dans l’Etat espagnol où presque 6 millions de personnes ont suivi la grève lancée à l’appel de syndicats et de plusieurs organisations féministes. Leur mot d’ordre : « si nous nous arrêtons, le monde s’arrête ». Des piquets de grève, des arrêts de travail dans des secteurs clés de l’industrie comme la métallurgie, l’automobile. On pouvait y entendre des slogans tels que « sans les femmes, il n’y a pas de révolution" (« sense les dones no hi ha revolució »), "Capital, patriarcat, alliance criminelle" (« capital, patriarcat aliança criminal ») ; "Femme travailleuse, libre et combattive" (« mujer trabajadora, libre y luchadora »). Enfin, un an après #Metoo, ce sont les travailleuses de McDonalds aux Etats-Unis qui se sont mises en grève, contre les attouchements qu’elles subissent des clients, mais aussi de leur gérants. Ces combats montrent que les femmes détiennent un pouvoir explosif et radical : lutter contre les violences sexistes, les rapports d’exploitation qui les sous-tendent, et pour la défense du droit à disposer librement de nos corps.

Faisons ainsi, aux côtés de toutes celles qui luttent, du 24 novembre, date de manifestation contre les violences faites aux femmes, une échéance centrale.

 
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