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3 de septembre de 2018 Twitter Faceboock

Argentine
Crise en Argentine. A la dérive, le gouvernement s’entête dans sa loi économique
Fernando Rosso

Ce jeudi, la banque centrale voyait le taux directeur augmenter à 60%, alors que le dollar passait de 34 à 43 pesos. Le gouvernement de Macri, à la dérive, s’entête dans sa loi économique alors qu’il annonce un nouveau train de mesures austéritaires. Le pire est en train de se produire et le désastre est encore à venir.

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Le jeudi le plus noir que l’administration de Mauricio Macri ait connu a culminé dans l’entêtement d’une partie du gouvernement à poursuivre sur la voie austéritaire.

Au terme d’une journée de réunions multiples à la Casa Rosada, le ministre des finances, Nicolás Dujovne, a déclaré ce jeudi - visiblement déconnecté - que "c’est la seule voie, nous sommes sur la bonne voie". Après avoir annoncé un nouveau train de mesures d’austérité, il a également confirmé qu’il se rendra lundi à Washington pour rencontrer des responsables du Fonds Monétaire International.

Le chef de cabinet des ministres de la nation argentine (équivalent du Premier Ministre en France), Marcos Peña, un homme dont le prestige s’est dévalué en même temps que le peso (voire plus vite), et le ministre de l’Intérieur, Rogelio Frigerio, fonctionnaire qui prend du galon dans un gouvernement en déclin, ont fait des déclarations dans le même sens.

Ces derniers jours, aucune des réponses proposées n’ont donné de résultats dans l’éternelle course face au peso : ni le silence initial, ni le message présidentiel incertain du deuxième jour, ni les abstractions de Peña du troisième, ne sont parvenues à calmer ce qu’ils appelaient, par euphémisme, « les marchés ».

Logiquement, les membres du gouvernement ont commencé à tomber le masque, un classique des gestions en temps de crise. D’un côté, l’aile plus "politique" dans laquelle se trouve Frigerio, María Eugenia Vidal et Horacio Rodríguez Larreta, et qui pointe vers une forme de "gouvernement d’unité nationale" avec le péronisme. De l’autre, les Marcos Peña, Gustavo Lopetegui et Mario Quintana dépréciés. L’intelligence et les yeux du président, comme il l’affirmait lui-même il y a très longtemps, avant que la crise ne vienne et ne lui prenne ces mêmes yeux.

Le gouvernement court après les événements et a perdu le contrôle de la crise économique. Une preuve éclairante fut le message laconique du président. Macri a annoncé qu’il y avait un accord avec le FMI pour avancer tous les fonds de prêts pour cette année et l’an prochain, sans rien expliquer d’autre. Puis, l’organisme a publié une déclaration suffisamment abstraite pour ne pas nier, mais sans confirmer, ce que le président avait assuré. Finalement Dujovne s’est envolé pour les États-Unis afin de concrétiser la renégociation d’un pacte brisé par la dure réalité des faits.

Comme dans tout bon marasme, la crise économique aiguë et la crise des taux de change ont conduit à une profonde crise politique gouvernementale : la dévaluation effrayante de la parole présidentielle, presque immédiatement balayée par la hausse rapide du dollar du dollar qui l’a à peine laissé finir de parler, en a été un signe éloquent.

La base structurelle de la débâcle actuelle réside dans le casse-tête dans lequel se trouve le gouvernement depuis le déclenchement de cette crise monétaire, en avril : le rapport de force social en général et les événements de décembre de l’année dernière en particulier (les protestations face à la contre-réforme de la pension de retraite) ont imposé une limite à l’ajustement sauvage. Les "marchés" (le grand capital national et international) défient Macri parce qu’il ne fait pas "ce qu’il a à faire" à la vitesse et avec l’ampleur exigé. Au milieu de cela, Cambiemos, la coalition officielle perd le soutien en bas et liquide la confiance de ses principaux alliés en haut.

Les comparaisons sont aussi odieuses qu’inévitables, et les années fatidiques de 1989 [1] et 2001 [2] reviennent comme des fantômes à la mémoire brutalisée des Argentins et dans la tête des analystes.

La crise actuelle est différente de celle de 2001 parce que la gestion économique n’est pas liée à la convertibilité et qu’il n’y a pas une dollarisation comparable au système bancaire de l’époque. C’est un avantage par rapport à 2001, bien qu’il soit très relatif. En outre, le système de contention sociale est plus large (conclusion stratégique que l’on peut tirer de ces dernières années) et, malgré les dévaluations et la perte de pouvoir d’achat qui en résultent, pour l’instant (et seulement pour l’instant) il permet à de nombreuses personnes de ne pas mourir de faim, même s’il devient de plus en plus difficile pour elles de vivre.

Cette crise a des similitudes avec 1989 où la ruée sur le dollar s’était répercutée sur les prix intérieurs, avait rompu les chaînes de paiement et entraîné une hyperinflation, mais elle n’aura pas nécessairement le même dénouement.

Sur le plan politique, il existe des différences substantielles entre les deux processus : il n’existe pas aujourd’hui, au sein du péronisme, de figure de l’envergure politique de Carlos Menem en 1989 ; ou avec un pouvoir territorial, comme Eduardo Duhalde et son expérience à la tête de la province stratégique de Buenos Aires. Menem en 1989 et Duhalde en 2002 tous deux présidents, avaient émergé comme gestionnaires de crise et de transition.

Dans ce scénario, comme l’a souligné le ministre de l’intérieur Frigerio lors de sa tournée des médias jeudi soir, la seule démonstration de force que le gouvernement doit afficher est la possibilité de manœuvre que lui offre le péronisme. En effet, les gouverneurs péronistes sont prêts à avancer dans l’approbation d’un budget d’austérité tandis que les directions syndicales, dirigées par les péronistes, appellent à une grève le 25 septembre qui ressemblera à une grève un dimanche (les directions syndicales ne pousseront pas à des méthodes de lutte et à la mobilisation) et dans un siècle (le 25 septembre, date démesurément éloignée au vu de l’instabilité actuelle de l’économie argentine).

De façon symptomatique, les mobilisations et les actions qui se manifestent actuellement, comme la marche universitaire massive - malgré le retour d’un climat froid et hostile - ou la grève de l’enseignement dans la province de Buenos Aires, ont deux limites. Premièrement, elles sont organisées par le haut - c’est-à-dire par des directions syndicales - et non par la base. Deuxièmement, la crise actuelle ne touche pas encore la société de pleine fouet, raison pour laquelle les mobilisations n’ont pas encore atteint leur plein potentiel.

La future stratégie électorale péroniste sous l’étiquette "Hay 2019" détermine la pratique syndicale, sociale et politique actuelle. Il s’agit de garantir la possibilité de gouverner de Cambiemos qui, avec la superdévaluation, les taux qui vont geler l’économie et la nouvelle "série de mesures" (« paquete de medidas ») promise par le ministre des finances Nicolás Dujovne pour permettre les versements du FMI, doit mettre en œuvre des mesures d’ajustement immédiatement.

Les événements vertigineux sont capables de changer dans les jours ou les heures qui viennent, les déséquilibres aigus dans l’économie peuvent donner un coup de pied dans l’agenda gouvernemental, malgré les intentions du gouvernement et de ceux qui (avec des discours différents, mais des pratiques similaires) le soutiennent par action ou par omission.

Mais la dynamique se dirige vers un ajustement féroce pour réorganiser l’économie afin que la majorité de la population en paie le prix. Avec le même radicalisme que celui porté par la droite qui cherche à tuer ou à mourir dans sa loi économique, il faut imposer par la mobilisation une réorganisation économique et sociale au profit des travailleurs et des secteurs populaires. Tout le reste est aux mieux de la capitulation, au pire, de la complicité.

[1] : 1989. Crise économique marquée par l’hyperinflation, Menem alors président, décide d’une convertibilité du peso en dollar.

[2] : Crise économique et terrible récession qui contribuent à l’émergence d’une situation pré-révolutionnaire en Argentine au cours de laquelle la répression de de la Rúa massacrera 35 argentins. Le président finit par démissionner et s’enfuir de la Casa Rosada, le palais présidentiel, en hélicoptère.

 
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