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La Izquierda Diario
23 de mai de 2018 Twitter Faceboock

Bicentenaire de la naissance de Karl
Le Jeune Marx répond à Parcoursup
Jane Mitchell

En 1835, âgé de 17ans, Marx passe son bac au lycée Frédéric-Guillaume de Trèves. Sa composition allemande s’intitule « Méditation d’un adolescent devant le choix d’une profession ». Spéciale dédicace à Jean-Michel Blanquer et sa réforme de l’éducation.

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Sept épreuves écrites – composition religieuse, composition allemande, thème latin, version grecque, composition latine, thème français, problème de math – et une dizaine de matières à l’oral – science naturelle, physique, philosophie, histoire, géographie, allemand, latin, français, religion : tel est le bac que passe Karl Marx entre août et septembre 1835, en se classant parmi les dix premiers des 22 bacheliers de son établissement.

Bon élève, doué donc de « bonnes dispositions » selon l’appréciation des ses professeurs, Marx, après son Abitur s’apprête à entreprendre des études de droit. Comme le rappelle Maximilien Rubel dans la notice qui accompagne la traduction française de la composition du jeune Karl (K. Marx, Philosophie, par M. Rubel, Paris, Gallimard, 1982), la commission espère qu’il « répondra aux attentes favorables que justifient ses dispositions ».

L’enjeu des dispositions demeure un thème crucial dans la dissertation du jeune Marx qui parcourt les étapes mouvementées des réflexions d’un adolescent de 17 ans confronté au choix de son avenir professionnel, comme tant des bacheliers français de nos jours appelés à imaginer leur futur universitaire et, plus prosaïquement, à exprimer leurs vœux.

La tâche n’est pas facile, reconnaît Marx, parce que ce « grand privilège » qu’a l’être humain et qui n’appartient pas à l’animal, « de choisir dans la société la place la plus convenable d’où il peut s’élever au mieux et élever la société avec lui », « c’est en même temps un acte qui peut détruire toute sa vie, déjouer tous ses projets et le rendre malheureux ».

Il s’agit donc pour chacun de « peser sérieusement ce choix » et « examiner sérieusement si une profession nous enthousiasme réellement, si une voix intérieure l’approuve, ou bien si l’enthousiasme n’est qu’erreur ? »

Néanmoins Marx sait bien qu’ambition et enthousiasme ne sont pas les seuls facteurs à prendre en compte. Il y a, également, la réalité sociale qui fait « qu’il ne nous est pas toujours possible d’embrasser la profession à laquelle nous nous croyons appelés, car nos rapports avec la société ont, dans une certaine mesure, commencé avant que nous puissions les déterminer ».

Prophétique, Marx voyait déjà venir les mésaventures du Parcoursup et les misères de la sélection ?

En étudiant modeste, en effet, Marx reconnaît la nécessité de bien pondérer aspirations, désirs, capacités et limites au moment de décider de son avenir. Il ne sous-estime aucunement les difficultés qui surgissent au moment de l’orientation. Il se peut, observe-t-il d’ailleurs, que « notre propre raison ne saurait pas être ici la conseillère ; car ni l’expérience, ni l’observation approfondie ne lui prêtent appui, alors que le sentiment la trompe et que l’imagination l’aveugle ». « Où donc tourner nos regards ? », finit-il par se demander. « Qui viendra à notre secours, si notre raison nous abandonne ? »

Néanmoins, Marx ne nous suggère pas de nous confier aux algorithmes de Blanquer ni aux conseils des autorités. Au contraire, en bon héritier de Lumières qu’il est à 17 ans, il en appelle à la liberté et à la responsabilité individuelle des jeunes, en ayant toute confiance dans le fait qu’une « tête froide » puisse contrebalancer proprement « le feu de notre vocation ».

La conclusion de sa Méditation ne propose pas de solutions clef-en-mains. Elle nous invite au contraire à méditer ultérieurement : « L’idée maitresse qui doit nous guider dans le choix d’une profession c’est le bien de l’humanité et notre perfectionnement. On aurait tort de croire que les deux intérêts s’opposent nécessairement, que l’un doive fatalement ruiner l’autre : l’humaine nature est ainsi faite que c’est seulement en œuvrant pour le bien et la perfection du monde qui l’entoure que l’homme peut atteindre sa propre perfection. S’il ne crée que pour lui-même, il deviendra peut-être un savant célèbre, un grand sage, un poète distingué, mais jamais un homme accompli, un homme vraiment grand. (…) Lorsque nous aurons choisi la profession qui nous permettra le mieux d’agir pour l’humanité, nous ne ploierons pas sous son faix, et ce sera un sacrifice accompli pour le bien de tous. Alors, loin de la joie pauvre, médiocre, de l’égoïsme, notre bonheur sera celui de millions d’êtres, nos actes se perpétueront, silencieux mais éternels, et les hommes généreux viendront pleurer sur nos cendres ».

Une réflexion et une conclusion à des années de Lumières du « en même temps » austéritaire d’Emmanuel Macron et de son ministre de l’Education.

 
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