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La Izquierda Diario
4 de avril de 2018 Twitter Faceboock

Fiche bristol et bricolage de langage
Pacte Ferroviaire : le gouvernement à la peine pour convaincre
Sadek Basnacki

Une scène presque désolante dans l’hémicycle, Elisabeth Borne, obligée de regarder ses fiches bristol, qui répète invariablement les mêmes phrases pour tenter de convaincre, sans grand succès, les vertus du Pacte ferroviaire. Edouard Philippe et Elisabeth Bornes ont été attaqué sur leur gauche et sur leur droite mardi à l’Assemblée nationale lors du premier jour de grève des cheminots. Mis en difficulté en interne, au parlement et dans la rue, le gouvernement mise tout sur l’opinion publique et la répression pour isoler les cheminots.

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Fabien di Filippo député LR de Moselle a dénoncé une « réforme minimale qui engendre un désordre maximal ». Edouard Philippe répond : si on leur dit que c’est une réforme à minima et de l’autre côté une casse sans précédent, il a tendance à penser que « la vérité est probablement au milieu ». Un aveu qui vient s’exploser contre les ritournelles gouvernementales qui cherchent, depuis plusieurs semaines par tous les moyens, à relativiser le désastre que présage la réforme du rail, pour les usagers comme pour les cheminots. « Nous voulons engager une réforme ambitieuse du monde ferroviaire (…). Le statu quo n’est pas acceptable (…), n’est pas tenable ».

Fiche bristol et éléments de langage à répétition

Attaquée par Ruffin, Elisabeth Borne bien à la peine pour justifier les bienfaits de la privatisation, qu’il fallait « pense[r] d’abord aux usagers, qui ont galéré ce matin et qui galéreront encore ce soir ». Le seul angle de défense du gouvernement a été de fustiger le comportement des grévistes qui font subir la volonté de réforme aux usagers. Le but étant d’essayer de récupérer l’opinion publique qui petit à petit bascule du côté des cheminots. Une mobilisation qui « est forte » mais cela « ne changera pas la détermination du gouvernement sur les grandes lignes de la réforme », pérore un conseiller du premier ministre, relayé par Le Monde. « Ce sont les syndicats qui jouent l’opinion, avec une grève perlée destinée à faire pression sur le gouvernement », accuse l’entourage d’Edouard Philippe selon le journal.

Elisabeth Bornes a tenté d’amadouer comme elle l’a pu les députés en dénonçant un « mouvement de grève long et pénalisant ». Alors qu’un sondage sur le soutien au gouvernement dans la bataille du rail, a sur une page Facebook de soutien à Emmanuel Macron, recueillit 70% de d’opinion défavorable, La République En Marche a décidé d’envoyer un mail à ses adhérents pour les soutenir face à la grève : « Comme 4 millions de Français, vous êtes peut-être touchés (…) par la grève qui perturbe fortement la SNCF et nous vous adressons notre soutien plein et entier si tel est le cas ».

A court d’argument pour défendre l’ouverture à la concurrence

Le gouvernement peine donc à convaincre l’opinion publique avec très peu d’argument si ce n’est que « ce sera mieux après ». C’était le cas de Bruno Le Maire, invité ce matin à LCI : « Nous ne faisons pas cette réforme pour nous faire plaisir », explique-t-il. Avec cette réforme, Le Maire veut « plus d’offre, de meilleures qualités, avec des trains plus sûr d’avantage à l’heure et je l’espère avec le prix du train qui se réduira » proclame, à court d’argument pour expliquer en quoi ce pacte ferroviaire y parviendrait. Lorsque l’on voit l’augmentation des accidents du rail, des tarifs, due à la concurrence dans les autres pays d’Europe, on peut mettre en doute ses déclarations. Quant au fameux modèle allemand, il s’avère que les trajets y sont plus chers et plus longs qu’à la SNCF hexagonale. Le sacro-saint argument du prix du billet qui baisserait en cas de concurrence n’est même pas assuré selon le ministre de l’économie. C’est tout une défense qui prend l’eau.

La SNCF ou…la France. Rien que ça ?

Face à ça le gouvernement est obligé de montrer sa fermeté, seul rempart face à la mobilisation. Bruno Le Maire a utilisé des termes guerriers pour marquer ses propos. Selon lui, « seul ceux qui veulent que la France soit défaite qui expliquent que c’est dramatique » en parlant de la réforme de la SNCF. C’est donc toute la diatribe sur l’élan national qui prévaut. Les grévistes et leurs soutiens sont les ennemis des français qui font« beaucoup de résistance », « ceux qui se battent » pour aller travailler, selon les propos de Le Maire sur LCI.

A l’image d’un de Villepin en 2006, lors du CPE, qui avait dit « J’entends ceux qui manifestent, mais j’entends aussi ceux qui ne manifestent pas », Edouard Philippe a expliqué qu’il entendait « autant les grévistes (…) que ceux qui veulent aller travailler ». Grâce à cette petite tournure de phrase, il permet de laisser une petite lucarne entrouverte pour que les directions syndicales s’engouffrent à coup de négociations, et de l’autre de maintenir la poigne du gouvernement sur les cheminots. Ça n’avait pas particulièrement réussi à de Villepin à l’époque qui a été obligé de retirer sa loi qu’il avait fait passer par ordonnances.

Pé-da-go-gie

Une posture confirmée par François Patriat, sénateur LREM de Côte-d’Or, « le gouvernement doit être ferme et continuer à dialoguer. Il a déjà montré qu’il était capable de faire des compromis, il doit continuer à faire de la pédagogie car l’opinion publique n’est pas dupe, elle comprend bien que la SNCF doit changer. » D’ailleurs il dit « ne pas croire à une grève de trois mois », selon lui « on entend beaucoup les manifestants et les syndicats, il faut davantage entendre les défenseurs de la réforme ».

Division dans les rangs LREM sur l’attitude à adopter

Une posture de fermeté qui ne fait pas l’unanimité au sein même de LREM. Richard Ferrand, le chef de file du groupe LRM à l’Assemblée nationale, a invité, mardi sur Public Sénat, ses collègues à « ne pas humilier » les cheminots. « Il faut faire attention à la façon dont on parle. A être trop cassant, on obtient que de la radicalité. La plupart des cheminots ont des inquiétudes, et je les comprends. (…) Ils en ont un peu marre du “cheminot bashing”. Moi, je les aime les cheminots. Je vois comment ils se dévouent. Je vois comment ils bossent ». Une relation amoureuses assez conflictuelle puisque celui-ci veut tout de même supprimer le statut de cheminot et déposséder la SNCF de son réseau.

« On avancera quels que soient les risques d’opinion ». La réforme de la SNCF est basée sur une « conviction », ce n’est pas une « posture ». Un risque très dangereux pour le gouvernement qui fait face à son premier mouvement social d’envergure depuis l’investiture de Macron. Le dernier sondage de l’IFOP datant du 1er avril a de quoi donner des sueurs froides au gouvernement : en l’espace de deux semaines, les sondés sont passés de 42% d’opinion favorable aux grévistes cheminots à 46%.

Derrière les belles paroles, les lacrymos, les réquisitions, les remplacements de grévistes

La forte mobilisation, y compris reconnue par Matignon, a de quoi inquiéter. Alors si Edouard Philippe explique qu’il « respecte les grévistes, la grève est un droit constitutionnellement garanti », on voit bien qu’à côté des belles paroles, il y a les faits. Mardi, la manifestation parisienne, dont le parcours avait été déposé en préfecture, a tourné court, à grand renfort de matraque, de brigades de CRS et de gaz lacrymos, pour empêcher les manifestants de se rendre à la gare St-Lazare, destination finale. Concernant la ligne du RER D parisien, la SNCF et le gouvernement envisageraient de procéder à des réquisitions de grévistes, avec l’aide des forces de l’ordre, pour casser le mouvement de grève. Au Technicentre du Landy, à Saint-Denis, la SNCF a fait venir des cheminots anglais pour assurer la maintenance des trains au départ vers l’Angleterre, une pratique illégale pourtant. Aux cadres, la SNCF propose de doubler la prime pour les « jaunes » volontaires pour remplacer les grévistes.

La crainte de la convergence

Autre symptôme de la difficulté du gouvernement à convaincre sur son projet de réforme : sur LCI, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, est interrogé l’existence d’une convergence entre les grèves des cheminots, des éboueurs, d’AirFrance, des enseignants et des étudiants. Et il répond « Quel est le lien entre les universités, la SNCF, qu’est-ce que ça veut dire cette agrégation des luttes, si ce n’est une volonté de désordre ? ». Il parait pourtant, le lien parait clair. Une même logique ultralibérale qui s’attaque de front à ce qu’il reste du service public. Une fenêtre d’ouverture, avec la locomotive du mouvement social qu’est en train de devenir la lutte des cheminots. Et si le ministre de l’Economie et des finances explique que « le pire des risques ce n’est de rien faire », c’est un bon conseil qu’on n’oubliera pas.

crédits photo : Thomas Samson/AFP

 
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