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9 de février de 2018 Twitter Faceboock

Chronique Cinéma
« England is Mine » : l’Angleterre de la Génération Jones
Erica Farges

England is Mine, réalisé par Mark Gill, est le portrait de Steven Patrick Morrissey avant qu’il ne devienne le chanteur emblématique du groupe The Smiths, un film sur la naissance d’un artiste dans une Grande-Bretagne et un monde en pleine mutation.

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Le blog d’Erica Farge

Au début de ce film-portrait sur la genèse d’une célébrité, Steven Patrick Morrisey, loin de la figure mythique qu’il deviendra, n’est qu’un adolescent, fils d’immigrants irlandais, vivant à Manchester au milieu des années 1970, un jeune garçon sans diplôme, perdu dans ses livres, ses carnets d’écriture, ses disques et ses rêves.

Jack Lowden dans le rôle de Steven Patrick Morrissey

La musique, qui est pour Steven une échappatoire à un quotidien morne et routinier, est très présente dans le film, pourtant, le réalisateur, Mark Gill, ne tombe pas dans la facilité de rythmer le film seulement avec elle. Si le titre du film fait référence à la chanson Still Ill du premier album du groupe The Smiths, il n’y a aucune musique du groupe dans England is Mine, la bande originale comporte surtout des musiques de groupes et chanteurs qui ont influencé Morrissey, qu’il a écouté en grandissant et qui ont fait de lui l’icône musical qu’il est devenu. Certains morceaux sont composés par Mark Gill qui a été musicien avant de se tourner vers la réalisation de films, une manière pour le réalisateur de marquer son empreinte sur ce portrait du jeune Morrissey et de signifier l’influence que le chanteur a eu sur lui pendant son adolescence, ce qui souligne l’universalité de ce biopic centré sur la construction et la métamorphose personnelle.

Jack Lowden, vu l’année dernière dans Dunkerque (Dunkirk) réalisé par Christopher Nolan, incarne à la perfection le chanteur pendant ses jeunes années de quête identitaire en revêtant magnifiquement les incertitudes et la transformation de son personnage. Le casting féminin du film se distingue de manière exceptionnelle en montrant les femmes qui ont eu une forte influence dans la vie de Morrissey, non seulement les femmes de sa famille comme sa mère, Elizabeth (Simone Kirby), et sa grande sœur, Jacqueline (Vivienne Bell), mais aussi ses amies, Linder Sterling, une artiste cinq ans plus âgée que lui qui le prend sous son aile et devient un peu son mentor, interprétée par Jessica Brown Findlay, connue pour son rôle de Lady Sybil Branson dans la série Downtown Abbey (2010-2015), et Christine, sa collègue de bureau, qui finira par devenir une de ses plus grandes supportrices, malgré des relations initialement tendues entre les deux jeunes gens, un rôle où il est plaisant de retrouver Jodie Comer, actrice connue pour avoir joué dans la série My Mad Fat Diary (2013-2015) et, plus récemment, dans les séries Thirteen (2016) et The White Princess (2017).

England is Mine est à la fois un film personnel, universel et générationnel. Si la construction identitaire est un aspect que chacun connaît au cours de sa vie, la figure de Steven Morrisey en tant que chanteur emblématique du groupe The Smith est unique. Ce film peut également être considéré comme générationnel, car il montre l’entrée dans l’âge adulte de la Génération Jones, une génération qui bien qu’elle soit souvent rattachée à celle des baby-boomers, s’en démarque, car elle était trop jeune pour prendre vraiment part aux mouvements sociaux des années 1960. England is Mine montre comment cette génération, et la Grande-Bretagne, cherche de nouvelles références après l’utopie des années 1960-1970, car elle ne peut plus se cramponner aux anciens rêves, comme dans la chanson Still Ill : « we cannot cling to the old dreams anymore ». Au cours du film, qui commence en 1976 et s’achève en 1982, ce n’est pas seulement Morrissey qui se métamorphose, passant de l’adolescent rêveur aux cheveux longs au jeune homme grave à la coupe courte, Margaret Thatcher devient Premier Ministre du Royaume-Uni en 1979, John Lennon est assassiné en 1980… C’est la Grande-Bretagne, le monde, qui se transforme en même temps que le jeune homme, qui a grandi avec des promesses de liberté et de société idéale, pour finalement devenir adulte dans un monde dur déstabilisé après les chocs pétroliers où le chômage et la précarité ont eu raison des idéaux de la population.

England is Mine est le portrait lyrique d’un jeune homme qui a su créer son propre monde, à défaut de trouver sa place dans celui où il vivait. Steven Patrick Morrissey a sublimé, avec sensibilité, poétisme, spiritualité, mais aussi avec un certain humour, son mal-être et sa solitude à travers la musique, ainsi que le réalisateur, Mark Gill, sublime la grisaille de Manchester, dont il est également originaire, avec England is Mine.

 
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