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La Izquierda Diario
30 de novembre de 2017 Twitter Faceboock

Indépendance ?
Édouard Philippe en visite un an avant le référendum sur la Kanaky
Sadek Basnacki

Le Premier ministre Édouard Philippe est en visite en Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Un déplacement sensible à un an d’un référendum historique sur l’indépendance, placé sous le signe des éléments de langage fourbis pour ne pas faire de faux-pas. .

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La première visite d’Édouard Philippe dans cet archipel du Pacifique Sud, français depuis 1853, est l’occasion, selon lui, de « faire le point sur les travaux qui doivent se poursuivre » avant la tenue du référendum, prévu au plus tard en novembre 2018. Ce déplacement intervient un mois après « l’accord politique » du 2 novembre dernier entre indépendantistes kanaks et non-indépendantistes, majoritairement caldoches.

L’accord politique du 2 novembre et la question des trois listes

Le système électoral en Kanaky est particulier. Il se caractérise par la coexistence de trois listes électorales. La première, dite générale, pour les élections nationales françaises, ouverte à tous les Français résidant sur place depuis au moins six mois. La seconde, dite provinciale, pour élire les membres des Assemblées de province et du Congrès. Et la dernière, dite spéciale, régie par la loi organique de 1999, pour la consultation référendaire.

Pour être inscrit à cette dernière, il faut l’être sur la liste générale mais les critères sont plus restrictifs. Pour les non-natifs de Kanaky, il faut y être arrivé avant le 31décembre 1994 et justifier de vingt ans de domicile en continu. A un an de la date prévue pour le référendum, près de 160 000 électeurs ont ainsi été recensés sur la liste spéciale.

Mais le principal problème, c’est qu’en croisant avec les autres listes et les statistiques ethniques, il apparaît qu’un nombre significatif d’électeurs pouvant être inscrits sur la liste spéciale ne l’était pas, et cela concerne en particulier les Kanaks.

En effet, le nombre de ces électeurs kanaks non-inscrits sur la liste référendaire s’élève à près de 23.000 personnes, soit plus de 14% du corps électoral officiel. Les non-indépendantistes faisaient valoir également que des natifs non répertoriés devaient également être inscrits sur la liste spéciale. L’accord prévoit d’inscrire seulement 11.000 natifs en Nouvelle-Calédonie y résidant de manière certaine non-inscrits sur la liste spéciale. Sur ces 11.000 personnes, seulement 7.000 seront des Kanaks.

Édouard Philippe a expliqué que c’était « le point de départ » pour une consultation « loyale et incontestable ». Mais à leur retour sur le Caillou, certains indépendantistes ont critiqué l’accord avec raison et ils n’excluent « pas un boycott du référendum ». L’une des raisons du peu de Kanaks inscrits sur les listes est que les indépendantistes ne se sentent historiquement pas concernés par les élections françaises et ont souvent prôné le boycott qui est généralement très suivi parmi les Kanaks. Le référendum est donc d’ores et déjà en faveur de la métropole puisque les Kanaks sont minoritaires sur leur propre terre. Ils ne représentent que 39% de la population. Cette situation est dûe à la politique coloniale française puisque, pour contrer les nombreuses révoltes kanakes, l’Etat français a favorisé la colonisation depuis la métropole d’européens et de populations issues des autres colonies.

Mettre le FLNKS et le RRCPR sur un pied d’égalité. Le « recueillement » de Philippe

Édouard Philippe ira se recueillir sur les tombes de deux hommes politiques de Kanaky. Celle de Jean-Marie Tjibaou, le chef du Front de Libération Kanake et Socialiste (FLNKS), tué en 1989 par un indépendantiste opposé aux accords de Matignon sur la Kanaky qui prévoyaient un référendum sur l’autodétermination 10 ans après. Jean-Marie Tjibaou, d’abord indépendantiste pacifiste, évoluera vers une confrontation plus directe suite à l’acquittement, en octobre 1987, de militants caldoches du RRCPR alors qu’il a été prouvé qu’ils avaient tué10 militants kanaks, dont deux frères du leader indépendantiste. Tjibaou change radicalement de politique estimant que puisqu’il « n’y a pas de justice pour les kanaks puisqu’on peut les abattre comme des chiens », la justice ne peut s’exercer que par la lutte armée. 8 mois plus tard, le massacre de la grotte d’Ouvéa a lieu. Suite à la terrible répression, il fera les concessions que les plus radicaux lui reprocheront.
Ainsi, Edouard Philippe tente de faire un geste envers la communauté kanake, mais il faut bien compenser. De fait il ira sur la tombe de Jacques Lafleur leader du RRCPR et grand patron qui a pris la succession de son père. Le 27 décembre 1984, il déclare que la Nouvelle-Calédonie est en état de « légitime défense » et demande au gouvernement français de faire dissoudre et interdire le FLNKS. Jamais il ne condamnera la mise en place de milices de blancs visant à « casser du kanak ». Il a été le deuxième homme des accords de Matignon. Le premier ministre cherche donc à mettre en avant ces accords et le rôle de l’Etat français comme médiateur. C’est ce qu’il a affirmé : « l’État jouera pleinement son rôle d’acteur et de garant de ce processus ». Édouard Philippe n’a pas fini de se recueillir puisqu’il ira sur la tombe du « soldat kanak de la Grande Guerre », transféré sur l’île de Tiga il y a quelques mois, à peine.

A un an du référendum

Pour la première fois, un territoire colonisé par la France, au sens des critères reconnus par l’Organisation des Nations Unies, doit se prononcer sur son avenir, décider d’être ou de ne pas être dans la République. La question qui sera posée aux électeurs n’est pas encore formulée, et fait l’objet d’un groupe de travail que le Premier ministre va rencontrer. Ce groupe de travail doit aussi se pencher sur l’organisation de la campagne électorale et la date du référendum.

Ce dernier point est du ressort du Congrès de Nouvelle-Calédonie jusqu’en mai, après quoi, faute de décision, le gouvernement français tranchera.

La date du 18 novembre, qui renverrait symboliquement au 18 novembre 1984, lorsque le Kanak Eloi Machoro avait brisé une urne à la hache pour dénoncer, déjà, le processus électoral qui favorise les anti-indépendantistes, devrait être évitée. D’autant plus que le leader indépendantiste a été assassiné par l’Etat français, le 12 janvier 1985. Un sniper du GIGN, venu expressément de France, l’a abattu en marge d’une manifestation indépendantiste.

En 1999, les Accord de Nouméa prévoyaient un référendum d’autodétermination et la possibilité, en cas de rejet de l’indépendance, de deux autres scrutins. La France ne semble pas prête à laisser voler de ses propres ailes l’une de ses colonies, car elle a trop d’intérêts en jeu comme le montre la visite que fera Edouard Philippe dans la mine de nickel du groupe SLN à Tiébaghi et à l’usine métallurgique KNS de Vavouto, qui appartiennent respectivement au groupe Aubert Duval et au groupe de feu le caldoche Jacques Lafleur. Voilà ce que représente la visite d’Edouard Philippe, comme à chaque déplacement à l’étranger : il vient représenter les intérêts du capital français et veiller à leur protection.

 
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