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Quelles politiques publiques face au virus ?

Zika et les femmes. Au carrefour des questions de genre et de classe

Découvert en 1942, Zika est devenu, ces dernières semaines l’ennemi public numéro 1 en Amérique latine. Mais derrière l’ensemble des débats scientifiques sur les complications et les risques encourus par les femmes enceintes ayant contracté le virus se cachent d’autres enjeux au carrefour des questions de genre et de classe.

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Le rapport entre la microcéphalie et Zika, d’une part, est loin d’être attesté. Des spécialistes de l’Organisation mondiale de la santé ont en effet récemment déclaré que les preuves sont aujourd’hui trop peu probantes pour établir un rapport sûr de cause à effet. C’est ce sur quoi insiste également Suzanne Serruya, responsable de la branche Santé des Femmes au sein de l’Organisation panaméricaine de la santé ainsi que du secteur microcéphalie de l’OMS. Non seulement le protocole pratiqué actuellement est relativement récent, mais une bonne partie des centres de santé en Amérique latine n’est pas équipée pour le réaliser. Et, de surcroît, un tiers de la population n’a pas accès à un centre de soin.

Insistant sur la nécessité de « séparer la religion des prises de décision politiques » quant à la lutte contre Zika, la spécialiste brésilienne a également pointé du doigt la question de l’accès à l’IVG pour les femmes. « Les femmes ont le droit de décider quand avoir une grossesse ou non », a souligné Suzanne Serruya. « Leur demander de ne pas tomber enceinte est une forme de discrimination socio-économique, puisque les plus vulnérables n’ont pas les moyens pour s’acheter une moustiquaire enduite d’insecticide ainsi que les sprays nécessaires pour se protéger des moustiques ».

« Au lieu d’exiger des femmes qu’elles ne tombent pas enceinte, ce qui n’a aucun impact, les pays [d’Amérique latine] devraient plutôt renforcer les investissements dans les programmes de planning familial, de façon à ce que les femmes puissent avoir un contrôle sur la décision d’avoir ou non des enfants, et quand ».

Vient ensuite la question du traitement. Même s’il se réalise à travers des antiviraux combinés à un antibiotique et un anti-inflammatoire et que la plupart de ces médicaments sont génériques, ce sont des dizaines de millions de familles qui n’ont pas les moyens de financer un tel traitement en cas de contraction de Zika.

Aujourd’hui, l’ONU et plusieurs gouvernements latino-américains comme celui du Salvador, du Pérou ou de l’Équateur recommandent aux femmes d’éviter de tomber enceinte dans les six prochains mois, voire dans les deux prochaines années, pour éviter les cas de microcéphalie. Tout ceci repose la question de l’accès à la santé et à l’IVG, de même qu’à des contraceptifs et à une éducation sexuelle dès l’école. C’est d’autant plus le cas lorsque l’on sait que plus de la moitié des grossesses, en Amérique latine, ne sont pas désirées, et que l’accès aux contraceptifs est quasiment impossible pour les adolescents et pour les femmes en situation de pauvreté. Pour ce qui est de l’IVG, la loi est hautement restrictive pour 97% des femmes qui vivent en Amérique latine. Certains pays comme Le Salvador, le Nicaragua, le Honduras, le Chili, la République Dominicaine, Haïti ou le Surinam pénalisent l’avortement, quels qu’en soient les motifs. Cela n’empêche pas 4,4 millions d’IVG de se réaliser en Amérique latine et dans la Caraïbe, selon le Guttmatcher Institute, 95% d’entre eux se déroulant dans des conditions dangereuses.
Zika met en lumière, une fois de plus, la grande inégalité de genre et de classe face aux questions de santé publique.

Du côté brésilien, en revanche, la présidente de centre-gauche Dilma Roussef, en situation d’extrême impopularité dans son pays, fait appel à l’armée. Ce sont 200.000 hommes qui devraient être habilités à intervenir, à partir d’aujourd’hui, dans les points les plus touchés du pays, avec autorisation d’intervenir dans les domiciles privés. Lorsque l’on sait que l’Aedes aegypti, le moustique transmetteur du Zika et de la dengue, avait été quasiment éradiqué des zones urbaines, au Brésil, au milieu des années 1950, pour refaire son apparition au cours des décennies de croissance urbaine anarchique qui a caractérisé les décennies de la dictature, on comprend aisément que le problème est une question de santé publique, et non militaire. Entretemps, pour les Forces Armées brésiliennes, celles-là même qui répriment les mouvements sociaux et de jeunesse, il s’agit d’une belle opération de com’, alors que la présidente entend rassurer les touristes qui devraient se rendre à Rio pour les Jeux Olympiques, qui pourraient ne pas manquer de générer, comme lors du Mondial, d’importantes manifestations contre le gaspillage et les grands projets aberrants…


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