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Iraq-Syrie

Washington liquide Abou-Sayyaf mais Daesh avance à Ramadi et Palmyre

Ciro Tappeste Les étatsuniens ont crié victoire, mais ça n’a été que de courte durée. Après avoir annoncé la mort d’Abou Sayyaf, le « ministre » du pétrole de Daesh, supprimé par les forces spéciales américaines dans la région de Deir Ezzor, fief de Daesh, l’administration US et ses alliés ont dû revoir leur copie. Dans la foulée, c’est la ville de Ramadi, en Irak, qui est tombée le 17 mai aux mains de Daesh, qui s’est emparé, le 21, de Palmyre en Syrie. Si la stratégie étatsunienne était de plus en plus illisible ces derniers temps, elle est aujourd’hui mise en échec dans le cadre de la guerre non-conventionnelle que mène l’Etat Islamique, qui n’a jamais autant mérité son nom.

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Le « ministre du Pétrole » de Daesh liquidé

Au cours de la première opération terrestre officielle des unités spéciales américaines en Syrie qui s’est déroulée dans la nuit du 15 au 16 dans l’Est du pays, c’est l’un des plus importants dirigeants de Daesh qui a été supprimé : Abou Sayyaf, également connu sous le nom de Abou Muhammad al Iraqi, sorte de « comptable » ou ministre des Finances de l’Etat Islamique. Selon le secrétaire à la défense étatsunien, Carter, qui a souligné que l’opération avait été conduite sous la houlette de la Maison Blanche, « Abou Sayyaf était l’un des leaders les plus anciens de Daesh et avait la charge, entre autres, de l’ensemble des opérations illicites liées au commerce des hydrocarbures. Il avait, par ailleurs, partie liée aux opérations militaires du groupe ». Il a donc été tué aux côtés de douze de ses hommes, alors que sa femme, Umm Sayyaf, enlevée au cours de l’opération, est aujourd’hui incarcérée dans un centre de détention américain en Iraq.

Dans un communiqué, Damas a défini les opérations militaires non-coordonnées avec le ministère de la Défense syrien comme une violation de sa souveraineté nationale. Pour Bashar Al Assad, cela revient à insister sur le fait que l’ensemble des raids anti-Daesh menés par la coalition depuis maintenant septembre 2014 sont concertés, de façon officieuse, entre Washington et Damas qui est mis au courant des plans de bombardement par l’intermédiaire du ministère iraquien de la Défense. La porte-parole du Conseil de Sécurité Nationale, Bernadette Meehan a beau nier les faits, alléguant que l’opération « a été planifiée avec des fonctionnaires iraquiens et non avec le régime syrien », le raid contre la résidence d’Abou Sayyaf tendrait plutôt à confirmer que les services secrets étatsuniens et leurs homologues à Damas ont bien renoué d’étroits contacts depuis plusieurs mois maintenant.

Les forces iraquiennes reculent à Ramadi

Le cadre plus général, tant pour la Coalition que pour le régime syrien qui combattent, objectivement, le même ennemi, est en revanche bien moins glorieux. Bien que le calife Al-Baghdadi a très certainement été gravement blessé pendant un raid étatsunien, en dépit des défaites de l’Etat Islamique à Kobané, face à la résistance kurde, ou à Tikrit, en Iraq, le califat continue à avancer. Cela témoigne du caractère illisible de la stratégie étatsunienne en Iraq et Syrie de même que de la grande fragilité du régime de Damas, que la Coalition considère depuis plusieurs mois comme un moindre mal face à la perspective d’un démembrement complet du pays et de sa transformation en une nouvelle Lybie.

A Ramadi, Washington a exigé le désengagement des milices chiites, pilotées par Téhéran, qui avaient pourtant été centrales pour reprendre Tikrit. Obama a préféré empêcher un renforcement ultérieur de l’influence iranienne, au moment où l’administration démocrate doit faire preuve de fermeté face au régime des Mollahs alors que se négocie un accord sur le nucléaire iranien, d’où la guerre indirecte qui est livrée au Yémen, par milices chiites houtis et Arabie-Saoudite interposées. C’est ainsi que la direction des opérations a été laissée à l’armée iraquienne, extrêmement faible, mal entraînée et minée par la corruption. Le 17 mai elle ainsi fini par céder la ville aux islamistes qui ont également pris pied dans les localités voisines de Baghdadi et de Karmah, fondamentales pour le contrôle du barrage de Haditha, sur l’Euphrate.

De façon symptomatique, le général américain Wedley en charge des opérations anti-Daesh pour l’Iraq, a déclaré jusqu’au bout que « la situation en ville [n’était] pas désespérée ». Mais avec Ramadi, c’est toute la stratégie militaire américaine de ces derniers mois qui vient de céder. La reprise de la province d’Al Anbar était censée représenter la rampe de lancement, après le reconquête de Tikrit, pour porter l’action vers ce qui est le véritable enjeu de la guerre : Mossoul. Aujourd’hui, à l’inverse, c’est aux portes de Bagdad que se trouvent à nouveau les forces de l’Etat Islamique, comme au cours de l’été 2014.

Daesh continue à avancer

Côté syrien, la situation pour le régime et, indirectement, pour la Coalition, est tout aussi catastrophique. Après avoir annoncé à la télévision d’Etat que la ville de Palmyre ainsi que l’ensemble du site archéologique exceptionnel, classé au Patrimoine mondial de l’Humanité depuis 1980, restaient sous contrôle des forces du régime, la ville est tombée le 21 mai. De ce fait, l’Etat Islamique contrôlerait, aujourd’hui, la moitié du territoire syrien, avec une position de choix pour ouvrir une nouvelle voie de communication entre l’espace qu’ils occupent, en Syrie, et la province d’Al Anbar, en Iraq.

Même s’ils sont maîtres de l’espace aérien et capables de contrôler quelques « green zones », à Bagdad les impérialistes sont aujourd’hui incapables de reprendre la main, en l’absence de toute intervention terrestre dont personne n’est réellement prêt à payer le prix, encore moins un président américain en fin de mandat. Dans le cadre d’une guerre asymétrique et non-conventionnelle entre les impérialistes et des régimes sanguinaires comme ceux de Bagdad et de Damas, d’un côté, et les forces ultra-réactionnaires d’un proto-Etat religieux comme Daesh, c’est ce dernier qui conserve l’initiative.

Pour les peuples de la région, pris en tenaille entre ces deux pôles, c’est plus que jamais un second soulèvement arabe, cette fois-ci authentiquement anti-impérialiste et conduit contre les différentes fractions bourgeoises et leurs agents ou contre les alliés petit-bourgeois réactionnaires qui se déchirent aujourd’hui une région réduite en lambeaux, qui serait à même de débloquer une situation dont ils sont les otages.

22/05/15


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