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Racisme d’État

Violences policières : sur la ligne de crête, le gouvernement en opération séduction

Alors que les mobilisations qui font suites à la mort de George Floyd rencontrent un très large écho en France, Christophe Castaner a tenté de pacifier la situation au travers de quelques concessions. Mais le gouvernement doit aujourd’hui composer avec une colère croissante au sein de la police.

Anna Ky

9 juin 2020

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 Crédit photo : GEORGES GOBET / AFP 

Ce lundi, Christophe Castaner répondait à la pression de la rue et au discrédit grandissant que connaissent les forces de répression, au travers de maigres concessions annoncées en conférence de presse. En effet, la mort de George Floyd a entraîné une vague de colère qui a largement dépassé les frontières états-uniennes depuis deux semaines et qui résonne notamment avec le combat mené depuis quatre ans par le comité Vérité et justice pour Adama Traoré, en France. Le gouvernement a pris peur d’une explosion sociale qui pourrait embraser le pays après deux mois de confinement autoritaire et répressif et alors que les conséquences de la crise économique commencent à se faire durement ressentir par les travailleurs soumis à des attaques grandissantes – flexibilisation du travail, baisse de salaires et menaces de licenciements.

Personne n’a oublié que Christophe Castaner est celui qui a orchestré la sanglante répression du mouvement des Gilets jaunes, et un nombre croissant de voix – dont celle de la chanteuse Camélia Jordana qui a récemment déclaré ne pas sentir en sécurité en présence d’un policier – se sont élevées à l’issue du confinement pour dénoncer les méthodes violentes et le racisme structurel à l’œuvre au sein de l’institution policière. Dans cette situation, et sous la pression des multiples rassemblements et de l’opinion, le ministre de l’Intérieur s’est vu contraint d’annoncer quelques mesures cosmétiques pour tenter de canaliser la colère. En premier lieu l’interdiction de la prise d’étranglement jusqu’ici enseignée dans les écoles de police, bien que continuant à défendre la méthode du placage ventral qui avait notamment entraîné la mort d’Adama Traoré en 2016 et celle de Cédric Chouriat en janvier dernier.

Mais ce discours visant à relégitimer les forces de répression, sous couvert de « propositions pour améliorer la déontologie des forces de l’ordre » a provoqué une autre vague de colère, à laquelle le gouvernement ne s’attendait pas non plus. Suite aux annonces de Castaner, des porte-paroles de policiers se sont exprimés pour dénoncer leur ministre, qui selon leurs propres mots, les aurait désavoués, abandonnés. Denis Jacob, délégué syndical d’Alternative Police, menaçait ce mardi sur BFMTV d’un « nouveau 2016 », année où l’on avait vu défiler des centaines de policiers munis de leurs armes de service dans la capitale, pour réclamer une hausse de salaire et un permis de tuer en toute impunité.

C’est dans ce contexte fortement polarisé, alors que la mobilisation contre le racisme d’État et les violences policières a un potentiel de masse, et où le gouvernement voit ses forces répressives menacer d’insubordination, qu’Édouard Philippe et Christophe Castaner sont partis en opération séduction dans l’Essonne ce mardi. L’objectif : tenter de démontrer que les violences policières seraient le fait d’individus isolés et non d’un racisme structurel, tout en cherchant à apparaître intransigeant quant aux soi-disant « bavures ».

C’est en jouant à l’équilibriste sur cette mince ligne de crête qu’Édouard Philippe a pris la parole à la sortie du commissariat d’Évry, alors qu’il venait de rencontrer des associations d’aide à l’insertion. Sans grande surprise, l’allocution ministérielle s’est ouverte par une déclaration de soutien inconditionnel aux policiers : « Nous avons voulu dire ce message de confiance et de respect […] dans un moment où l’émotion est très grande, très légitime, très partagée ». Le premier ministre a également tenu à rappeler que « nous avons également un devoir d’exigence vis-à-vis » de la police.

L’objectif premier de cette prise de parole : blanchir l’institution policière et faire passer les agents violents ou coupables de meurtres pour des brebis galeuses. C’est dans cette logique qu’il a tenté de réduire le combat contre les violences policières et le racisme d’État à une lutte individuelle, personnelle : « Le racisme est une forme de maladie de l’âme, de faiblesse. On peut toujours pointer la faiblesse des autres, mais il faut la dénoncer. Nous devons tous être à la hauteur des principes de la République en étant exigeant des dépositaires de l’autorité publique mais aussi de soi-même ».

Une prise de position honteuse, qui revient en dernière instance à justifier et excuser les innombrables violences racistes perpétuées par la police, et qui sont loin d’être une addition de cas isolés, mais plutôt le reflet d’une institution dont le rôle-même est de contraindre par la force les plus opprimés et exploités à accepter les inégalités sociales. Mais ce type de discours creux ne saura en aucun cas canaliser et pacifier la colère qui enfle contre cette institution intrinsèquement raciste, et le système qu’elle vise à protéger et défendre.


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