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En lutte depuis 130 jours

Vidéo. Devant le siège d’Yves Rocher, des ouvrières de Turquie réclament le droit à se syndiquer

Quelle n'a pas été la surprise des hauts cadres du Groupe Rocher jeudi dernier, en voyant débarquer sous leurs fenêtres une délégation de ces ouvrières un peu trop bruyantes à leurs yeux, depuis les 130 jours qu'elles manifestent devant leur usine Flormar, à Gebze en Turquie.

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"Solidarité internationale", clamaient leurs portes-paroles, accompagnées de syndicalistes du syndicat turc Petrolis, en guise de protestation contre le licenciement brutal de 124 ouvrières ayant cherché à se syndiquer, en mai dernier. Il faut croire que dans le monde de la cosmétique, les femmes ne sont appréciées que lorsqu’elles courbent l’échine. Mais les ouvrières turques ne sont pas dupes et entendent bien forcer le groupe Rocher à tendre l’oreille à leurs revendications. "J’ai entendu dire qu’Yves Rocher accordait de l’importance aux femmes. Nous qui travaillons dans l’usine, nous sommes à 80% des femmes. Dans la grève aussi, il y a 80% de femmes. Nous voulons que le groupe Rocher entende aussi notre voix", explique l’une des grévistes, que nous avons interviewé.

Et cette voix, c’est celle qui refuse, à l’unisson, les salaires de misère et les conditions de travail insalubres. Car c’est bien ce qui a poussé les ouvrières à exiger leur droit à se syndiquer : leurs maigres salaires de 300 euros ne leur permettaient plus de vivre dignement, tandis qu’à l’usine, la souffrance au travail grandissait et les accidents se multipliaient. “Nous travaillons dans la poussière de poudre. Il n’y a pas de système d’aération, nous travaillons sans masque. Plusieurs amies ont eu des problèmes de poumons”, témoignait une ouvrière au début du mouvement.

De son côté, le groupe Rocher se lave les mains de cette situation, qu’il continue à nier, tout en rejetant la responsabilité au “management local”, selon la bonne habitude de ces multinationales gourmandes de main d’oeuvre bon marché à l’étranger. Pourtant, c’est bien de ces conditions d’exploitation à l’extrême que le groupe, actionnaire à 70% de la marque de cosmétique turque Flormar, tire ses juteux profits. “Le Groupe Rocher démontre chaque jour dans le monde son respect de la liberté syndicale et du droit du travail”, osait répondre Yves Rocher sur Twitter à un article de Mediapart. Mais la suite est tout aussi hypocrite : “Sa politique est de faire confiance au management local de ses filiales pour gérer les affaires dont il est responsable, dans le respect des valeurs du groupe. La direction de Kosan Kozmetic a renouvelé ses garanties sur l’absence de motif syndical aux licenciements contestés. Le Groupe Rocher se tient donc aux côtés des salariés et de la direction pour aider à restaurer le climat social et assurer la pérennité de leurs activités”.

Il aura pourtant fallu que les ouvrières de Gebze parcourent des milliers de kilomètres pour être enfin reçues, au terme de plusieurs heures de protestation devant le siège d’Issy-les-Moulineaux, par des cadres du service de communication de l’entreprise. “Nous sommes encore fortes et déterminées, parce qu’en fait, nous nous battons pour nos droits. Et le point commun qui nous rassemble, c’est notre pain. Nous sommes toutes là pour gagner notre pain”, s’exclamait l’une des porte-paroles de la lutte.

Après plus de 4 mois sans emploi, cumulés à une conjoncture économique difficile en Turquie, la réintégration des 124 ouvrières devient urgente. “La livre turque a perdu de la valeur et chaque semaine, les prix augmentent, explique une ouvrière. Pour les gens, c’est devenu difficile. Nous aussi, nous en ressentons les effets. Tout a augmenté. Désormais, on ne s’en sort plus. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de nous nous soutenir politiquement, et plus spécialement de nous soutenir économiquement”. Alors que le soutien s’élargit, avec une pétition en français ayant dépassé les 126.000 signatures, les médias hexagonaux se gardent bien d’accorder la moindre importance à cette lutte, comme s’il s’agissait de ne pas entacher l’image soignée de la célèbre marque de cosmétiques. Raison de plus pour donner de l’écho à ces voix de résistance, qui nous rappellent que la classe ouvrière est internationale et dont la combativité exige une solidarité sans frontières.

Interviews : Fatma Çıngı


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