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Partiels inégalitaires

Vidal accepte l’aggravation des inégalités pour défendre la "qualité des diplômes" 

Alors que ces dernières semaines de nombreux étudiants dénoncent le renforcement des inégalités engendré par la continuité pédagogique et exigent la validation automatique des partiels, Frédérique Vidal se positionne dans un entretien donné à 20 minutes : « Il est demandé aux établissements, même dans les conditions actuelles, de garantir la qualité des diplômes ».

Philomène Rozan

22 avril 2020

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Crédit photo : Ludovic Marin / AFP
 
 
Alors que le gouvernement a annoncé que les écoles maternelle, primaires et du secondaires ré-ouvriraient « progressivement » à partir du 11 mai, jour de début du déconfinement, les universités resteront, elles, fermées jusqu’en septembre. Or, si l’ouverture des écoles se fait au nom de la lutte pour « l’égalité » - une préoccupation, qui cache mal la volonté de permettre aux parents de retourner vite au travail -et pour les étudiants, capables de se garder seuls, plus question d’égalité !
 
En effet, alors que le confinement accroît les difficultés de nombreux étudiants et aggrave les inégalités, le mot d’ordre reste celui du maintien des partiels. Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, dans une interview à 20minutes, donne le ton : «  Il n’est pas question que les diplômes soient bradés cette année. ».

Une réponse qui fait suite aux protestations des étudiant.e.s, qui dénoncent ces dernières semaines le maintien d’une continuité pédagogique des plus inégales et exigent l’annulation des partiels et la mise en place d’une validation automatique. Une colère qui s’est faite sentir sur les réseaux sociaux, sur Twitter en particulier où les #HonteUniv, dénonçant la politique des différentes universités maintenant les partiels coûte que coûte, se sont maintenus en tendance France sur plusieurs jours, avec plusieurs dizaines de milliers de tweets.
 
Face aux alertes et aux demandes des étudiants, la réponse de la ministre a été très claire : « Il ne sera pas possible de neutraliser le second semestre, ni de mettre systématiquement des notes supérieures à 10/20. Et si d’aventure, certains étaient tentés de le faire, le ministère jouerait son rôle de régulateur et ne validerait pas les épreuves évaluées de cette manière. Il est demandé aux établissements, même dans les conditions actuelles, de garantir la qualité des diplômes ». Une réponse en forme de soutien inconditionnel aux directions d’université comme celle de Lorraine, où le président a déclaré que son université n’était pas « l’école des fans », ou celle de Paris 1, qui refuse d’appliquer un vote majoritaire de la CFVU en faveur de la validation automatique des examens.
 
Pour légitimer leur position qui ignore les effets d’une pandémie historique sur la condition des étudiants, le gouvernement et les directions d’universités brandissent la quesiton de la « valeur du diplôme » et la loi qui l’encadre, à laquelle il ne faudrait pas transiger malgré la situation exceptionnelle que nous traversons. Une impossibilité à toucher aux lois qui ne vaut pas pour toutes les circonstances, puisque le gouvernement n’a en revanche pas hésité à modifier par ordonnances le Code du Travail et attaquer les droits des salariés, en allongeant par exemple la durée du temps de travail autorisée...

Vous avez dit continuité pédagogique qui fonctionne ?

 
Pour défendre sa position, Vidal prétend que la continuité pédagogique fonctionne bien : « A l’échelle du ministère, les remontées que nous avons témoignent plutôt de ce que l’enseignement à distance fonctionne bien, avec une proportion limitée d’étudiants qui ont des difficultés de connexion ». Pourtant une enquête menée au sein de l’université de Paris 1, sur un échantillon de 8 267 élèves, montre que à la question « Comment le confinement influence-t-il votre capacité d’investissement sur le plan pédagogique ? » seuls 5,96% des sondés répondent qu’ils ont « un degré de concentration presque habituelle pour poursuivre une activité pédagogique », quand 47,09% des sondés affirment qu’ils ont « de fortes difficultés de concentration qui empêche de suivre une activité pédagogique »

 

Et pour cause, la réalité du confinement n’est pas la même pour tous les élèves : certains sont obligés de travailler dans des conditions sanitaires parfois dangereuses et ont vu leur nombre d’heures de travail augmenter. D’autres, victimes de licenciements, ou travailleurs au black ont tout bonnement perdu leur source de revenus, ce qui amplifie la précarité et l’angoisse dans laquelle une partie de la jeunesse vit. Ainsi à Paris 8 ce sont plus de 1000 étudiant.e.s qui ont demandé une aide alimentaire d’urgence. A Paris 1, 10 minutes après l’envoi d’un mail indiquant que les élèves pourraient bénéficier d’aides sociales, 1 700 demandes avaient déjà été déposées. 
 
S’ajoute à cela les conditions de vie : certains étudiants sont confinés dans de très petits espaces, parfois infestés de cafards comme on l’a vu encore dans une résidence universitaire à Villeneuve d’Ascq, ou doivent partager leur chambre avec d’autres personnes. Des chiffres et des faits qui montrent une fois de plus que, dans ce contexte de crise sanitaire et économique, le passage des partiels n’a pas sa place.
 
Aussi, quand Vidal affirme qu’« il n’est pas question que les diplômes soient bradés cette année. La responsabilité de l’Etat est celle de garantir la qualité des
diplômes qui seront délivrés
 », ce qu’elle promet ce sont des diplômes qui auront un goût d’inégalité encore plus fort. Cette détermination à maintenir les partiels coûte que coûte correspond donc à un renforcement de l’écrémage social, une manière d’accentuer la sélection à l’université, déjà consolidée ces dernières années avec la loi ORE et l’instauration de Parcoursup.
 
Face à cette politique d’évaluation et de sélection à tout prix, qui révèle les fondements réels de l’Université, les étudiants doivent continuer à revendiquer la validation des partiels pour toutes et tous. Si cette mesure minimale reste insuffisante pour effacer toutes les inégalités à l’université, elle peut être un point de départ pour commencer à remettre en cause la déconnexion de l’université et de la société, et poser la question du rôle de la jeunesse dans la société.


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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