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Crise énergétique

Vers un plafonnement du prix du gaz russe par l’UE ? Fausse bonne nouvelle pour les travailleurs européens

En mettant sur la table un possible plafonnement du prix du gaz russe, l’Union Européenne prend le risque d’un arrêt des exportations d’hydrocarbures de la Russie, avec en perspective un nouvel envol des prix de l’énergie. Une mesure qui toucherait toujours plus durement les travailleurs européens qui font déjà face à une inflation sans précédent.

Wolfgang Mandelbaum

9 septembre 2022

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La présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé le 7 septembre, une série de mesure ayant pour objectif de « réduire les prix du gaz ». Parmis ces mesures, la commission européenne s’est dite prête à mettre en place un plafonnement du prix du gaz russe. Le double objectif affiché par les bureaucrates européens : soutenir les ménages face à une crise énergétique sans précédent en Europe en faisant baisser les prix et « réduire les revenus » que la Russie tire de ses exportations de gaz pour continuer de lui mettre la pression.

Les capitalistes européens cherchent en réalité des solutions pour éviter une révolte sociale tout en maintenant la pression sur la Russie. Et ce dans un contexte où l’inflation continue de grimper et d’impacter durement les classes ouvrières et populaires de toute l’Europe. Déjà au Royaume-Uni où la hausse des prix atteint des records, les travailleurs britanniques ont commencé à se mettre en mouvement.

L’idée d’imposer un plafond sur les prix du gaz russe avait déjà été discutée au printemps quand les États occidentaux cherchaient de nouvelles sanctions contre la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine ; l’idée n’avait pas fait long feu, jugée irréaliste et trop dangereuse pour l’économie européenne, et surtout allemande. En effet, en plafonnant les prix, l’Union Européenne cherche à impacter négativement les revenus que la Russie tire des exportations d’hydrocarbures.

La Russie et le géant industriel russe Gazprom, ont d’ores-et-déjà coupé les vannes du gaz russe transitant via le gazoduc sous-marin Nord Stream 1, sous prétexte de problèmes techniques sur les turbines qui l’alimentent. Nord Stream est actuellement en standby pour une durée indéterminée ; le débit est toutefois au ralenti depuis longtemps, à son niveau le plus bas, et c’est précisément la raison pour laquelle l’idée d’un plafonnement des prix a été remis sur la table, une partie des bureaucrates européens ayant jugée que l’économie du bloc était prête à encaisser un arrêt complet des livraisons de gaz russe. Car c’est en effet la réponse attendue de Moscou, qui refuse d’entendre parler d’un plafonnement des prix de ses exportations gazières. Vladimir Poutine a annoncé que la mise en place d’une telle mesure aurait pour effet une interruption totale des exportations de gaz, pétrole (déjà à un très bas niveau) et charbon aux pays membres.

Néanmoins, selon la commission, l’UE peut encaisser le choc, les stocks actuels permettant de « faire face à 2,5 mois de consommation en hiver froid » selon Le Monde. Si les chefs d’États capitalistes cherchent à se montrer confiant, un tel chiffre n’augure rien de bon pour les travailleurs cet hiver et les difficultés de chauffage s’annoncent bien réelles.

Surtout, les retombées économiques d’un plafonnement du gaz russe auront pour conséquence immédiate un nouvel envol des prix de l’électricité, celle-ci étant pour toute l’UE (à l’exception de la péninsule ibérique) indexée sur le prix du carburant le plus cher utilisé pour le produire, en l’occurrence le gaz. La sécheresse de cet été ayant beaucoup impacté les productions hydroélectriques, les stocks européens et notamment français sont à ce jour particulièrement bas.

La dangerosité de ces mesures est d’autant plus apparente que, bien que ce soit un des arguments pour leur implémentation, l’impact en termes de sanctions sur l’économie russe sera négligeable, puisque comme le note l’analyste Aura Sabadus pour Les Échos, « Il faut toujours se rappeler que la principale ressource budgétaire de Moscou, c’est le pétrole. Le gaz est avant tout une arme politique ». Une autre solution a toutefois été mise en avant par Ursula von der Leyen ; l’idée est de mettre à contribution les grandes entreprises de production d’hydrocarbure, en ponctionnant une partie de leurs revenus qui ont explosé depuis le début de la crise ; une solution difficile à mettre en œuvre en pratique et qui risque de se heurter à une fin de non-recevoir de la part des grands industriels, qui ont le parlement européen dans leurs poches. Quoi qu’il en soit, on peut s’attendre à ce qu’en dernière instance, ce soit le consommateur qui paye. Reste à voir si les 27 sauront jauger jusqu’où les ménages seront prêts à payer avant qu’ils n’aient à faire face à une explosion sociale de grande ampleur.

Car en sous-fonds de ces mesures, c’est bien la perspective d’un soulèvement tous-azimuts que l’UE veut éviter. La bourgeoisie européenne a bien compris qu’elle se rapproche d’un point de rupture ; déjà dans tous les pays de l’UE la grogne sociale monte face à une inflation galopante. En Allemagne, le pays le plus dépendant en hydrocarbures russes, des grèves ont commencé à émerger notamment chez les dockers. Si les mouvements de grève restent pour le moment circonscrits, l’explosion des factures de gaz et d’électricité fait craindre une massification des soulèvements, à l’image de ce qui se profile au Royaume-Uni, après un « été du mécontentement » aux proportions historiques. Se rapprochons-nous d’un « hiver du mécontentement » à l’échelle européenne ?


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