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"Des paroles et des actes"

Valls en prime time. La Star Ac’ des réacs

Romain Baron 18 mois qu’il est premier ministre, 18 mois devant lui avant les présidentielles de 2017 : le hasard du calendrier, en pleine crise des migrants, a bien fait les choses, Manuel Valls s’est offert ce jeudi soir le plateau de « Des paroles et des actes ». En compagnie d’un David Pujadas et de ses acolytes pseudo-impertinents, Valls a profité de son grand oral, 17 ministres de son gouvernement sagement assis derrière lui comme des petits soldats ne pipant mot devant leur adjudant – fait absolument inédit –, pour déployer dans les grandes largeurs tout l’arsenal politique et la rhétorique qu’on lui connait déjà. Au moins n’a-t-on pas été surpris : migrants, pacte de responsabilité, Loi Macron, code du travail, fonctionnaires, interventions militaires, tout y est passé au nom de sa proclamée « mission pour réformer le pays jusqu’au bout ».

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Fillon coupe les oignons, Valls pleure (et réciproquement)

C’est vrai, Valls, dans la forme, semble parfois un tout petit plus à gauche que François Fillon avec lequel un court débat a pu se tenir en fin d’exercice. Fillon, qui lui fut premier ministre pendant 5 ans sous Sarkozy, tentait à cette occasion, et contre ce dernier devenu son rival, de tester sa carrure de candidat républicain pour les futures présidentielles, dans la foulée de la publication d’un livre censé donner du contenu à sa posture – illusion qui s’effondre vite à la lecture.

Au moins les deux sont-ils à peu près d’accord sur les boulets qui pèsent de longue date sur la politique française au Moyen-Orient, en Syrie tout particulièrement, par-delà leurs divergences ponctuelles sur le comportement à avoir avec Bachar el-Assad ou encore envers Poutine. Mais dès lors qu’il s’agit de définir leurs visions de la politique, tout se brouille. « La France a besoin de réformes, pas de ruptures » lui répète Valls, contre l’idée de Fillon selon laquelle « la liberté est la rupture », idée que celui-ci emprunte… à Mitterrand. Finalement, on ne sait plus qui est le plus gaulliste des deux, le plus humaniste des deux (Fillon appelant à grands cris à une solidarité plus vaste avec les migrants – on croit rêver), le plus à droite des deux. Fillon ne s’y trompe pas, c’est ainsi qu’il avait commencé : en regrettant que la politique de Valls soit « molle et sans issue », et surtout, que Valls ait été « normalisé » par Hollande. Preuve que la droite a bien compris que ce roquet est bien un ministre « pro business » peu embarrassé par l’héritage d’une gauche réformiste dont il se fiche éperdument.

Certes sur le FN Valls ne change officiellement pas de cap pour l’instant :il faut l’union de toute la gauche, il n’est manifestement pas encore temps de dire si oui ou non, si le PS arrive en troisième position aux régionales dans le Nord-Pas de Calais-Picardie, il devra se retirer au profit des républicains contre Marine le Pen. Mais même si Valls a surtout parlé du FN, il a bien rappelé que l’enjeu restait plus général, celui du « refus des extrêmes », comme il l’a déjà martelé par le passé. Sa politique autoritaire, de la loi sur le renseignement à la répression industrielle, depuis l’été 2014, qu’il a commandité au autorisé contre des mouvements sociaux criminalisés, qu’ils émanent de ZAD, d’étudiants ou de migrants, l’a déjà prouvé au-delà du nécessaire.

Une « gauche sans complexes » et la « chance » Macron

L’ancien premier flic de France a manifestement compris l’objectif de l’opération de com’ qui se jouait là – mais attention, la politique c’est « sérieux », pas du « spectacle » a-t-il martelé au sondeur de fin d’émission. Redonner du sens à la mission qu’il incarne, redorer le blason d’une autorité bien ternie, et, trémolos dans la voix, rappeler « au nom de la France » qu’il ne tolérait pas qu’on attente à la présidence Hollande. Naturellement, il s’agissait de justifier en long, en large et en travers sa politique d’une « gauche sans complexe », qui soit le mouvement et pas le conservatisme, tout en flattant dans le sens du poil un audimat qui, dans le contexte de brouillage idéologique et de pression ultra-droitière, peine à donner du crédit à ses élites politiques, et ne lui accorde qu’une confiance réduite, comme en témoigne ses faibles côtes de popularité.
Mais Valls n’a pas dérogé à sa posture habituelle : rien de nouveau sous le soleil, la France doit « réformer », les statuts des fonctionnaires doivent « évoluer », le code du travail, trop rigide, « refondu », le temps qu’on puisse « aménager » le temps de travail, les réfugiés accueillis (mais 30000 sur 2 ans, pas un de plus, les autres devront aller dans ces fameux Hot Spots, « camps d’accueil et d’identification », aux bords de l’Europe) mais les « migrants économiques » reconduits aux frontières. Bien sûr l’Allemagne et Merkel sont nos amies. Et bien évidemment, Macron est autant une immense « chance » pour la France, sa loi une aubaine pour « libérer les énergies de notre économie », que les gendarmes de Cazeneuve ne font un travail formidable. Tout y est passé, avec les mêmes mots de « maîtrise », « responsabilité », « réforme », « compétitivité », « croissance », martelés jusqu’à plus soif.

Ce qui attend les travailleurs : derrière la « solidarité », plus de Macron, plus de Cazeneuve, et plus de guerres

Au cours du « débat », particulièrement réduit tellement Valls a à dire, celui-ci a bien été obligé de reconnaître, face à une communiste militante à la CGT qui avait déjà alpagué Macron lors d’un rassemblement public, sans complexe de classe, que c’était bien difficile de vivre avec le smic. Mais il n’a pas pour autant répondu à ses questions sur le temps de travail, le travail de nuit, l’attaque des prudhommes, etc., au contraire, parfaitement dans l’esprit sarkozyste du « travailler plus pour gagner », il a dit clairement que l’évolution du statut des fonctionnaires se ferait « gagnant-gagnant », permettant à la fois de sécuriser le travail des salariés de la fonction publique, et d’assainir les finances de l’Etat. Et alléger la fiscalité des entreprises, augmenter la croissance, l’innovation, doper la compétitivité…

Comble du populisme abject et du cynisme, c’est avec l’exemple des profs, des juges et même des hospitaliers, à l’heure où, Marisol Touraine et Martin Hirsch aux manettes, toute l’APHP est dans leur viseur, qu’il a insisté sur l’importance d’avoir des fonctionnaires en nombre dans la santé ! Prêt à tout, n’en doutons pas. Mais restons honnêtes, Valls va réellement créer de l’emploi : 900 postes de flics de l’air et des frontières en plus – le travail de la police est si « difficile » – sont prévus.

« Quand nous vendons nos rafales c’est bon pour nos industries »

Tout est là. On le savait, mais là c’est encore plus assumé que d’habitude : du rafale au mistral, tout est bon pour que les patrons empochent la mise. Pas fou au point de crierl’amitié du gouvernement avec le tortionnaire égyptien Sissi, en pleine crise des migrants, Valls s’est également gardé d’en rajouter sur la guerre contre le terrorisme et la « guerre de civilisations », ses incursions passées sur ce terrain réactionnaire à l’extrême pouvant aisément le desservir dans ce genre de cadre feutré où il s’agissait pour lui d’incarner une gauche certes « responsable »,mais une gauche quand même, celle du droit d’asile et de la solidarité.

Il n’a pas hésité, cependant, à en rajouter une couche sur « l’esprit du 11 janvier », cherchant manifestement, quoique sans succès, à emporter l’adhésion des interlocuteurs de droite présents sur le plateau. Notamment de ce jeune républicain poitevin qui se targuait d’avoir lancé une pétition contre la création, par le mairie de son bled de 7000 habitants, d’un centre d’accueil de 90 réfugiés, au motif droitier des plus connus que la population locale déjà victime d’un taux de chômage de 16%, et qu’il n’y avait pas les moyens matériels d’une telle solidarité. Mais que la droite et les fachos commencent à se se rassurer, Valls est responsable, et les frontières de l’Europe-forteresse resteront bien gardées : « Il faut faire preuve de solidarité, de générosité, d’humanité, faire vivre ce droit qu’est le droit d’asile, mais, en même temps, il faut maîtriser », a-t-il répondu à une militante associative niçoise qui réclamait que la France ouvre ses frontières. Maîtrise ? « Nous ne pourrons pas accueillir tous ceux qui fuient ! ». On ne comptait pas sur lui pour ça. C’est à nous, contre lui et ses clones, de prendre ça main

L’émission s’est conclue, cerise sur le gâteau, par un sondage en live confirmant qu’il avait raisonnablement atteint son objectif : gagner en sympathie, à défaut de convaincre ceux qui n’étaient pas déjà convaincus. Mieux qu’une allocution sous le buste de Mariane, mieux qu’une tournée des popotes : un vrai bain d’audimat, dont on imagine aisément, tellement son image de flic lui colle à la peau, qu’il en usera autant que nécessaire par la suite, surtout s’il peut à chaque fois démontrer sa capacité à déplacer comme un seul homme un gouvernement tout entier sur un plateau télé, avec une discipline qu’on ne trouve guère que chez les flics ou dans l’armée. Symptôme qui a de quoi séduire les plus réacs, et surtout inquiéter ceux qui, travailleurs, jeunes, immigrés et migrants, savent déjà qu’il n’y a rien de bon pour eux dans cette histoire.


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