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Ouverture à la concurrence

Valérie Pécresse indignée par la qualité du service à la RATP : à qui la faute ?

Valérie Pécresse s’est exprimée sur la crise que traverse la RATP. Rejetant la faute sur l’entreprise, elle se garde bien d'en évoquer la cause principale : la perte de salaire réel face à l'inflation et la détérioration des conditions de travail sous l'effet de l’ouverture à la concurrence à laquelle elle tient tant.

Maelle Hills

8 novembre 2022

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Dans une interview donnée au Parisien, Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France et de IDFM (autorité organisatrice des transports de la région), enjoint le futur patron de la RATP Jean Castex à « se retrousser les manches pour rétablir la qualité de service qui s’est nettement dégradée depuis la rentrée ».

Hypocritement, elle dénonce la réduction de l’offre de bus et de métro, renvoyant à la direction de la RATP l’entière responsabilité des difficultés rencontrées dernièrement dans les transports parisiens, niant toute corrélation avec la dégradation des conditions de travail sous l’effet de l’ouverture à la concurrence et de l’inflation.

Interrogée sur le climat social, elle commence par expliquer que : « La concurrence pour les services publics (...) ça marche : ça permet d’améliorer la qualité du service et de changer un opérateur qui ne donne pas satisfaction ». Une analyse peu surprenante, venant de la présidente LR de la région Île-de-France, se trouvant à l’avant-garde du projet de privatisation de la RATP.

Mais réalité de l’ouverture à la concurrence vécue sur le terrain est toute autre, comme le raconte Yassine, militant CGT-RATP bus au centre-bus de Malakoff :« Il y a une casse des conditions de travail mise en place par la RATP depuis le mois d’août. Il y a trois changements majeurs : on travaille une heure de plus par jour, on n’a plus de barrières repas, c’est-à-dire par exemple aujourd’hui j’ai commencé à 10h et j’ai fini à 18h20, sans pause pour manger. Avant, si tu étais du matin tu finissais à 14h, et si tu étais de l’après-midi tu commençais à 11h30. Et il y a les services en deux fois, qui sont déjà très pénibles et pas appréciés par les agents. Avant avec ce type de service on avait une prime, maintenant ils nous ont retiré cette prime. Ces changements brutaux, qui ont été opérés sans accord avec les syndicats, ont entraîné une vague de départ, de démissions, de mise en arrêt, de burn out.. Les gens craquent, et pour ceux qui ne sont pas encore partis, ce n’est qu’une question de temps. »

C’est cette détérioration des conditions de travail, combinée à des salaires qui ne suivent pas l’inflation, qui pousse aux démissions, aux arrêts maladies, et décourage ceux qui pourraient rejoindre la RATP, détériorant ainsi le service proposé aux usagers. En 2022, il manque 1 500 chauffeurs de bus pour assurer un service normal. Et en conséquence, pour le mois de septembre, un quart des services de bus n’ont pas pu être assurés.

Sur la question des conditions de travail, Pécresse se contente de renvoyer la balle au syndicats qui devraient négocier des miettes : « Un accord pour la mise en place d’un 14e mois avait été mis sur la table, mais il n’a pas été approuvé. Le dialogue social doit reprendre autour de cette question », affirme-t-elle.

Mais, comme le dit, Yassine : « Les petits ajustements qu’ont cherché à mettre en place la RATP et IDF Mobilité ne fonctionnent pas. Ils ont mis en place un système de parrainage pour embaucher. Ça ne porte pas ses fruits, je ne connais aucun collègue qui a réussi à ramener quelqu’un. Ils ont abaissé l’âge pour passer le permis D (bus) de 21 à 18 ans. Je n’ai jamais croisé un collègue de 18, 19 ans qui venait d’avoir son permis. Ce sont des petits trucs cosmétiques pour cacher le fond du problème. Et le fond du problème, c’est les salaires qui sont trop bas et qui ne suivent pas l’inflation ni les conditions de travail. […] Ces problèmes de conditions de travail et de manque d’effectif, ce n’est pas qu’à la RATP. Il y eu des grèves à Kéolis, à TCL à Lyon, à Transdev dans le 77… On voit qu’il y a un gros problème avec l’ouverture à la concurrence - qui n’est pas une concurrence d’ailleurs parce que les usagers vont prendre les mêmes bus, les mêmes itinéraires… C’est juste du dumping social pour casser les conditions de travail, ce qui va changer c’est juste le logo sur la chemise du conducteur. »

Pécresse réclame aussi un « retour à 100% » de l’offre pré-covid. Mais, c’est sous sa direction qu’a été décidée par la région la mise en place de « plans adaptés » pendant la crise sanitaire : une baisse de l’offre des transports, justifiée pendant les périodes de confinement, mais qui n’a plus lieu d’être maintenant que les usagers ont repris leurs habitudes et que les transports en communs sont de nouveau utilisés en masse. Or il s’agit d’une mesure qui a justement été renforcée par la RATP, en accord avec IDF Mobilité : Jean-Yves Leclercq, directeur général par intérim de la RATP a annoncé une baisse de l’offre d’environ 10% prévue depuis septembre, en accord avec lDF Mobilité, pour répondre au manque de machinistes. Car, comme l’explique Yassine : « Même avec l’offre réduite actuelle, la RATP n’est pas en mesure d’assurer le service par manque de personnel. » Il poursuit : « Il y a une hypocrisie de la part de Pécresse, parce que c’est pas parce qu’on dit qu’il faut 100% de l’offre que c’est possible. Il faut encourager ceux qui sont dans l’entreprise à rester, et la casse des conditions n’incite pas les gens à venir. »

Face à l’hypocrisie de Pécresse qui, comme le gouvernement, organise la casse des services publics des transports et entend nous faire payer la crise, à l’occasion de la journée de grève interprofessionnelle du 10 novembre et au-delà, il est urgent de défendre des augmentations immédiates des salaires à hauteur de 400 euros et leur indexation sur l’inflation, ainsi qu’une gestion des services publics par et pour les travailleurs et les usagers.


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