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ÉCOLE PATRIARCALE

Une enseignante interdite de faire cours pour port de masque arc-en-ciel

Au lycée de Sain Bel, dans le Rhône, une proviseure a empêché une enseignante de faire cours en raison du port d’un masque aux couleurs arc-en-ciel, symbole de la lutte pour les droits des LGBTI. Le rectorat a estimé que ce masque pouvait être perçu comme « faisant la promotion de certaines pratiques ».

Gabriella Manouchki

20 mai 2021

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Crédit Photo : Rue89Lyon

D’après Libération, le 3 mai dernier, la proviseure du lycée Germaine Tillon à Sain Bel a interdit à une enseignante de porter un masque « arc-en-ciel », couleurs du drapeau de la lutte LGBTI, allant jusqu’à la menacer dans un courriel de la priver de ses classes si elle refusait de le retirer au profit d’un masque blanc. La cheffe d’établissement s’est justifiée en évoquant le principe de neutralité auxquels sont soumis les fonctionnaires. Pourtant, comme rappelé par SUD Éducation dans un communiqué, « la justice a confirmé à plusieurs reprises la compatibilité du drapeau arc-en-ciel avec le devoir de neutralité des services publics  ». Ce symbole est même utilisé au sein de l’Éducation Nationale dans le cadre d’évènements visant à promouvoir la lutte contre les discriminations, comme ce fut le cas ce 17 mai à l’occasion de la Journée mondiale contre les LGBTIphobies.

L’enseignante est donc revenue le lendemain avec le même masque. « A 8 heures, la proviseure m’attendait de pied ferme devant l’établissement, raconte-t-elle à Libération. Elle m’a redit que je ne pouvais pas me présenter avec ce masque, elle m’a fait signer un rapport et m’a renvoyée chez moi. Je ne m’attendais pas à ce qu’on m’empêche de faire cours. Comme si je représentais un danger, c’est inconcevable. »

Convoquée au rectorat ce 11 mai, l’enseignante s’est vue confirmer que sa proviseure n’avait pas le droit de lui retirer ses classes sous ce prétexte. Cependant, l’administration lui a clairement conseillé de ne pas porter ce masque, « pour le bien de l’établissement ». Pire encore : « Le référent académique m’a dit que ce symbole pouvait inciter mes élèves à certaines pratiques, à prôner une certaine sexualité. Il a également employé le terme d’« obédience » pour parler de l’appartenance à la communauté LGBTQI. C’est terrible d’associer un drapeau qui représente l’égalité de la diversité des sexualités avec ce terme », raconte-elle. Lors d’un second rendez-vous au rectorat, elle s’est vue invitée à « trouver une autre voie, [demander] un mi-temps, un détachement ou une rupture conventionnelle ».

En somme, le message de l’académie est clair : surtout, ne pas faire des vagues. En incitant cette enseignante à se soumettre à la demande pourtant illégale de sa proviseure, le rectorat participe du climat oppressif qu’il prétend pourtant combattre, notamment en organisant des campagnes de lutte contre les discriminations dans les établissements. Comme le dénonce l’enseignante : « Cette politique du ‘pas de vague’ est très nuisible pour l’Education nationale car finalement, ça protège un fond d’homophobie et les personnes qui le portent  ».

Une fois de plus, cela vient nous rappeler à quel point l’oppression patriarcale imprègne les institutions d’État, y compris celles qui prétendent permettre l’émancipation des jeunes. Dans la continuité de la polémique de Blanquer sur les « tenues républicaines » que devraient porter les jeunes filles et de celle de Vidal contre les enseignements critiques à l’université, la répression dont fait l’objet cette enseignante pour avoir simplement porté ce masque montre que les directions académiques, au niveau du rectorat comme du gouvernement, ne sont pas des alliés dans la lutte contre les oppressions. C’est sur leurs propres forces que doivent compter les enseignants et leurs élèves, en s’unissant dans la dénonciation systématique de toute mesure réactionnaire au sein de l’institution, et dans un combat plus large pour l’émancipation.


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