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Féminisme washing

Une campagne contre la précarité menstruelle en partenariat avec Nana fait polémique

Derrière l'action controversée menée par l'influence Mybetterself, la nécessité de politiser la question de la précarité menstruelle pour ne pas tomber dans le « féminisme Washing ».

Mica Torres

25 décembre 2020

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Crédit : Compte instagram de Marguerite et Cie, distribuant des protections menstruelles gratuites 

Depuis une semaine, les stories instagram sont envahies d’images d’une jeune femme arborant une couronne de tampons hygiéniques sur la tête, dont le fond est une pluie de billets de banque. Cette photo est le produit d’une campagne que l’influenceuse du compte Mybetterself, qui a plus de 465 000 abonnés, a lancé pour la récolte de protections hygiéniques par l’association « Agir pour la Santé des femmes ». Cette association accompagne les femmes en situation de précarité dans les domaines de l’action médicale et psychosociale.
Le principe est le suivant : à chaque partage de sa photo, l’entreprise Nana France donne des protections hygiéniques à l’association ADS. L’influenceuse décrit brièvement la situation de 1,7 millions de femmes en précarité menstruelle en France et précise que son action n’est pas le fruit d’un partenariat rémunéré.

Son action a suscité beaucoup de controverses notamment sur les intentions de l’influenceuse, des accusations concernant l’utilisation d’une cause légitime pour les femmes dans le but d’augmenter le nombre de ses followers. Sans rentrer dans les débats sur ses intentions, nous voulions surtout apporter une contribution à la réalité de la précarité menstruelle qui ne ressort pas dans cette action et qui est aussi la raison de sa critique. Tout d’abord, nous pensons qu’il est nécessaire de replacer la question dans son contexte économique et social. Ensuite, nous pensons qu’il est important de dénoncer des entreprises comme Nana France, qui instrumentalisent la question féministe à des fins de bénéfice, tout en contribuant à la précarité des femmes.

La précarité menstruelle à remettre dans le contexte économique et social

En France, un quart de la population a ses règles tous les mois. Les personnes dotées d’un utérus dépensent entre 8000 et 23 000 euros en protection périodique et comme le rappelle l’influenceuse, 1,7 millions de femmes en France « font le choix entre une boîte de tampons et manger à la fin de journée », chiffre fournis par une étude IFOP. Sans compter les dépenses liées aux médicaments, au remplacement des vêtements tâchés de sang, et les conséquences financières de l’absence au travail due à des douleurs menstruelles, le congé menstruel n’étant pas reconnu en France.

Or, nous savons que la crise sanitaire ainsi que la crise économique a touché et va toucher de plein fouet des millions de femmes. Dans son dernier rapport, l’ONU femmes a montré que 47 millions de filles et femmes ont récemment été poussées sous le seuil de pauvreté en raison de la crise économique et sanitaire. De plus, les femmes sont majoritairement employées dans les secteurs les plus précaires. Elles y occupent aussi la majorité des postes à temps partiel et à durée déterminée. En France, la différence de salaire entre les femmes et les hommes est de 24 %, et s’élève à 42 % s’agissant de la retraite. Et le gouvernement a annoncé porter à 5 millions d’euros le budget pour lutter contre la précarité menstruelle, ce même gouvernement dont les politiques précarisent chaque jour un peu plus les femmes. De plus, certaines personnes ne s’identifiant par comme femmes et qui possèdent un utérus sont d’autant plus touchées par la précarité du fait du rejet fréquent par les proches et des discriminations sociales qu’elles subissent, notamment dans le monde du travail.

Contre le féministwashing des grandes entreprises de protection hygiénique

De plus, il est important de montrer que l’opération réalisée notamment par la marque Nana n’a rien de louable. L’opération en question est un bon moyen pour la marque Nana de l’entreprise SCA, dont le chiffre d’affaires est de 10,05 milliards, de se faire de la pub à faible coût en instrumentalisant les droits des femmes et en sous-traitant sa publicité auprès d’influenceurs. Le nombre de protections distribuées sera dérisoire par rapport à ses capacités de distribution. De plus, d’autres éléments montrent le peu de considération des grandes marques de protections hygiéniques concernant la santé des femmes.

En 2019, l’association 30 millions de consommateurs a en effet montré que dans la plupart des produits de grandes marques de protections hygiéniques se trouvaient des produits chimiques, qui peuvent être dangereux pour la santé des femmes. L’association a révélé la présence de glyphosate dans les protections menstruelles, notamment de la marque Nana. Or, celle-ci n’a jamais voulu révéler la composition de ses produits. L’agence nationale de sécurité sanitaire a publié un rapport affirmant que les substances chimiques seraient sans risque en reconnaissant elle-même le caractère biaisé de ses études. En effet, les études n’ont pas été réalisées à partir d’expérimentations prenant en compte l’exposition de ces substances directement sur la vulve.

Face à la réalité de la précarité menstruelle, il est intéressant de se battre pour la gratuité des protections hygiéniques, mais surtout de lutter contre les politiques qui précarisent de jour en jour les minorités sexuelles dotées d’un utérus.


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