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Islamophobie : 20/20

Un sujet de préparation au CAPES propose de défendre l’exclusion d’élèves voilées

Relayé sur les réseaux sociaux, un sujet d’examen destiné aux futur-e-s professeur-e-s de langues de l’académie de Toulouse montre comment les enseignant-e-s sont sommés d’intégrer l’islamophobie d’Etat, mais aussi d’y éduquer leurs élèves.

Tristane Chalaise

11 janvier 2023

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Crédits photo : FREDERICK FLORIN/AFP

Publié sur le compte Twitter de Matthieu Rigouste, un sujet d’examen du Master 1 « Métiers de l’enseignement » de l’université de Toulouse donne à voir la manière dont l’Éducation nationale discipline ses futur-e-s enseignant-e-s pour en faire des relais de l’islamophobie d’État auprès de leurs élèves.

Proposé pour préparer les étudiant-e-s à l’épreuve d’entretien du CAPES, le sujet invite les candidat-e-s à se lancer dans une diatribe en défense de la loi de 2004, qui interdit les signes religieux à l’école. Il invite aussi à revendiquer la laïcité telle qu’elle est définie par l’Éducation nationale, c’est-à-dire une laïcité qui, loin d’être inclusive et de donner sa place à tout le monde, permet d’exclure certain-e-s élèves. Sans surprise, le sujet vise en particulier les musulman-e-s, au cœur d’un sujet qui aborde le « foulard » (ou le voile, dont on ne peut visiblement même pas prononcer le nom dans l’Éducation nationale, y compris dans les sujets de concours).

Un sujet qui s’inscrit dans le renforcement de la mise au pas idéologique de l’école

Loin d’être un cas isolé, ce type d’entrainement correspond tout à fait aux attentes de l’institution. Au-delà de rendre l’entrée dans le métier d’enseignant encore plus épuisante et difficile, la réforme du concours mise en place par Jean-Michel Blanquer au précédent quinquennat a en effet renforcé en le volet idéologique de la formation des enseignant-e-s.

Introduite en 2021 pour être généralisée en 2022, l’épreuve d’entretien, qui dure 35 minutes, impose aux futur-e-s enseignant-e-s 20 minutes de questions-réponses avec le jury, dont au moins 10 sont consacrées à « apprécier l’aptitude du candidat à s’approprier les valeurs de la République, dont la laïcité, et les exigences du service public » et « faire connaître et faire partager ces valeurs et exigences ». En clair, les candidat-e-s sont désormais sommé-e-s de s’exprimer sur la laïcité, seule de ces « valeurs de la République » aux contours flous explicitement désignée par les textes officiels, et sont jugés sur leur capacité à la faire « partager » à leurs élèves.

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C’est aussi la question de la laïcité et du ciblage des élèves musulman-e-s, qui est aujourd’hui l’un des chevaux de bataille de Pap Ndiaye, nouveau ministre de l’Éducation nationale. La rentrée 2022 a en effet été l’occasion d’une nouvelle offensive islamophobe à l’école, avec l’introduction des kamis et des abayas dans la catégorie des « signes religieux par destination » à proscrire à l’école, ainsi que l’incitation renforcée au signalement de tout ce qui peut sembler être une « atteinte à la laïcité ».

Ainsi, ce type d’épreuves permet de renforcer chez les enseignant-e-s l’apprentissage des « valeurs de la République », tout en tentant de les convaincre de leur bien-fondé, si réactionnaire ces valeurs puissent-elles être. Le sujet renforce la stigmatisation des élèves musulman-e-s, qui sont, dès la préparation du concours, désigné-e-s comme des ennemi-e-s à combattre pour les enseignant-e-s (au moins idéologiquement, sinon en les excluant de cours). Il invite par ailleurs les étudiant-e-s à s’auto-convaincre que les lois passées par les gouvernements successifs visant à réprimer les élèves pour des raisons religieuses, mais aussi vestimentaires – car de l’interdiction du voile à celle du crop-top, il n’y a qu’un pas – sont parfaitement légitimes. Le tout pour que ces mêmes enseignant-e-s puissent ensuite en convaincre leurs élèves, se faisant ainsi l’un des relais de l’islamophobie d’État au sein de la société.

Enseignant-e-s et futur-e-s enseignant-e-s, refusons l’islamophobie et la mise au pas de l’école !

Depuis l’affaire de Creil en 1989, les gouvernements successifs n’ont fait qu’instrumentaliser l’école et la laïcité pour faire porter aux musulman-e-s la responsabilité de tous les maux de la sociétés, qui sont en réalité le résultat de politiques toujours plus austéritaires, antisociales et pro-patronales. Aujourd’hui, le renforcement sécuritaire, autoritaire, mais aussi les politiques austéritaires, qui sont de plus en plus violentes envers les classes populaires, rendent de plus en plus nécessaire la légitimation par l’État de ses politiques islamophobes, qui sont l’un des outils permettant de justifier le recours à toujours plus de répression.

Nous devons dénoncer cette islamophobie d’État, parce qu’elle est profondément raciste. Nous devons ainsi continuer à dénoncer la loi de 2004, mais aussi toutes les lois racistes et autoritaires prises par les gouvernements Macron et leurs prédécesseurs, et réclamer la suppression du SNU, qui institutionnalise la mise au pas des élèves. Nous devons dénoncer une institution qui, par ses programmes et concours, renforce les idéologies les plus réactionnaires dans la société.

Alors qu’à l’école, personne, que ce soit les personnels ou les élèves, ne demande plus de laïcité, nous devons nous battre pour exiger ce dont nous avons vraiment besoin. Des moyens pour pouvoir enseigner, pour les salaires des personnels, et pour que tou-te-s les élèves puissent être accueilli-e-s et vivre dans des conditions décentes, en particulier les élèves des quartiers populaires, qui sont les premièr-e-s à subir, en plus des lois racistes, une école au rabais.


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