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Les raisons de la colère dans l’Education nationale

Un enseignant en grève du 93 : « avec ce gouvernement, il ne faut pas s’étonner qu’enseigner devienne difficile »

A la veille de la grève du 10 octobre à l’appel des fonctionnaires, Révolution Permanente a interviewé Pierre, enseignant en collège REP (réseau éducation prioritaire) à Bobigny.

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Révolution Permanente : Comment s’est préparé la grève du 10 dans ton établissement ?

Pierre :La grève sera très suivie demain dans mon bahut, avec 100% de la vie scolaire en grève, presque tous les agents (ATTE) et une large majorité des enseignants. On a préparé la grève en faisant une heure d’information syndicale où on a voté à majorité la grève. A Bobigny, existe depuis quelques années une « AG » de ville qui regroupe enseignants et personnels de l’éducation nationale (maternelle, primaire, secondaire) de Bobigny.

A partir de cette AG on a par exemple publié l’année dernièreune tribune dans Libération après les manifestations en soutien à Théo de Bobignypour dire que les véritables « casseurs » ce ne sont pas les jeunes, mais les gouvernements qui se succèdent et proposent toujours la même politique : casse du service public de l’éducation.

Le 12 septembre, on s’est rendus compte qu’on était pas mal d’enseignants de Bobigny et des environs en manif, mais qu’on était chacun de notre côté, soit dans des cortèges syndicaux différents, soit de façon dispersée dans la manifestation.

RP : Comment vous-êtes-vous organisé ?

Sur Bobigny, il n’y avait pas d’établissement en grève plusieurs jours de suite dès la rentrée, contrairement par exemple au lycée Mozart du Blanc Mesnil ou au lycée Jean Zay à Aulnay. On s’est dit que ce serait bien de relancer l’AG de ville et de faire une AG de grévistes de l’Education nationale de Bobigny le 21 septembre au matin, où on inviterait des collègues des établissements des environs, avec le souci de ne pas avoir que des enseignants, mais aussi que des agents viennent.

Le 21 septembre au matin, on a fait une AG avec des collègues venant de 10 établissements de Bobigny et des environs : il y avait des collègues des quatre collèges et d’un lycée de Bobigny, d’un collège et un lycée de Drancy, d’un lycée de Pantin et de deux collèges de Noisy le sec. Un représentant des agents sur le secteur était aussi présent.

On a décidé de préparer collectivement le 10 octobre, qui est la première manif de fonctionnaires appelée par une large intersyndicale depuis le mouvement des retraites, en organisant des heures d’information syndicales dans nos établissements, diffusant un tract que nous avons rédigé d’appel à l’AG et à la manif... signé « des enseignants et personnels syndiqués au SNES, à SUD EDUC, FO et non syndiqués ».

Le 21 on a également discuté des revendications que l’on a en commun, notamment contre la suppression des contrats aidés qui affecte les établissements scolaires (agents de cantine et de ménage en particulier) et pour plus de postes d’AED (assistants d’éducation/ surveillants) dans les établissements.

RP : Peux-tu nous en dire plus sur les conditions de travail dans ton établissement ?

On a aussi discuté du fait que beaucoup d’établissements sont en sureffectif. Dans mon collège par exemple, il n’y a qu’un AED pour 100 élèves. On atteint la limite de 2 m2 par élève dans la cour de récréation. D’autres établissements, comme Pierre Sémard ont des locaux qui n’ont pas été entretenus et qui sont dans un état lamentable.

Face à cette montée des effectifs, qui suit la croissance démographique du département, on porte localement la revendication d’un 5e collège sur Bobigny, parce que le Département prévoit de détruire un établissement (Pierre Sémard) et d’en reconstruire un nouveau sur un autre terrain. Il y a sans doute des enjeux immobiliers plus ou moins louches derrière ça.

RP : Que penses-tu de la politique de Macron concernant l’éducation nationaleet plus généralement ?

A côté de ces revendications "locales" qui sont en fait globales, parce que ce sont les mêmes dans toute la Seine Saint Denis et plus généralement dans l’éducation dite "prioritaire" (prioritaire en parole mais pas dans les faits, ni dans les dotations horaires, parce que nous avons toujours moins d’heures par établissement pour enseigner, pour faire des demi groupes ou des projets éducatifs...), il y a aussi des revendications communes à tous les fonctionnaires.

Le président Macron qui a fait de sa politique envers l’éducation prioritaire un argument de campagne poursuit en fait la même politique austéritaire que ces prédécesseurs... Pire encore, après s’être attaqué au privé avec la loi travail XXL, dans la continuité de la politique du gouvernement précédent, il a entamé son quinquennat avec des mesures contre les fonctionnaires : il a réinstauré le gel du point d’indice, ce qui signifie que l’on perd chaque année depuis 2010 du salaire face à l’inflation (Hollande avait dégelé le point d’indice seulement deux années, ce qui a correspondu à des augmentations de salaires ridicules de 0,6% par an soit 1,2% en deux ans... autant dire qu’on ne l’a pas vu passer sur nos fiches de payes, bien peu lisibles par ailleurs...

Autre mesure : suppression annoncée de 120 000 fonctionnaires qui impacteront d’une manière ou d’une autre le monde de l’éducation alors qu’on est partout en sous effectifs.

On peut mentionner aussi la suppression des contrats aidés qui impacte également les établissements scolaires. Quant à la restauration du jour de carence, ce n’est rien moins qu’une mesure discriminante pour les fonctionnaires : même avec un arrêt maladie, on perd une journée de travail quand on est malade. L’idée derrière, c’est que les fonctionnaires seraient des fainéants qui se mettraient trop souvent en arrêt... et puis le gouvernement espère réaliser de belles économies comme cela.

C’est pour ça que la journée du 10 est importante. Le ministre sarkozyste des comptes publics, Gérald Darmanin, qui s’est fait connaitre pour ses sorties sur les APL a annoncé des assises de la fonction publique à l’automne. Ce que proposera le gouvernement dépendra du rapport de force que nous pourrons instaurer dès le 10, aux côtés des salariés du privé qui manifesteront avec nous et feront du 10 une journée un peu plus "interprofessionnelle". Même si l’Education nationale fait partie du service public, nous savons que nous ne pourrons faire reculer le gouvernement si nous manifestons de notre côté. La seule façon de faire reculer efficacement le gouvernement c’est de participer à un mouvement national d’ampleur, dans lequel nous porterons nos revendications pour un service public de qualité et contre une école au rabais dans les quartiers populaires.

Que ferez-vous avec les collègues le 10 octobre ?

Le 10 avec les collègues de Bobigny et des environs on participera au rassemblement à 10h devant le Conseil général de la Seine Saint Denis contre la suppression des contrats aidés. A 11h, on fera une AG à la bourse du travail avec des collègues en grève des établissements de Bobigny et des environs. On partira ensuite en cortège commun à la manif. Dans mon bahut, comme dans beaucoup de collèges du 93, il y a pas mal de jeunes collègues pour qui c’est la première grève.


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