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20 % des femmes victimes de harcèlement sexuel au travail

Un documentaire sur France 5 brise le silence sur le harcèlement sexuel au travail

Un documentaire a été diffusé le 3 janvier 2017 sur France 5 concernant le harcèlement sexuel et moral que les femmes subissent dans le monde du travail. Intitulé « Le harcèlement sexuel, le fléau silencieux », réalisé par O. Piguetti, il pointe une réalité que connaissent des millions de femmes au quotidien au pays dit des « droits de l’homme », qui méconnaît régulièrement les « droits de la femme ». Kasia Razowski

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Précarité, harcèlements, licenciements : quatre témoignages sur la situation des femmes travailleuses en France
 
 Le documentaire commence avec Christina, embauchée en 2003 dans une société qui ravitaille les avions en kérosène, ayant subie 5 ans de harcèlements. Elle raconte ce qui s’est passé et notamment le conflit qui s’est rapidement installé entre elle et son directeur d’exploitation. Ce dernier porte un grand intérêt pour sa vie privée, l’encourage à l’adultère pour qu’elle « s’épanouisse personnellement », en précisant sa disponibilité. Il commence par lui lancer des remarques à intervalles réguliers, comme lorsqu’elle mange : «  J’aime quand tu as la bouche pleine ». « Plus j’exprimais que j’étais choquée, plus cela l’excitait  ».
 
Christina a fini par porter plainte. Son harceleur a été licencié en déclarant « qu’elle voudrait bien se faire passer pour une colombe blanche, qui n’a strictement rien fait et qui était harcelée par son méchant patron  ». Cependant, Christina fut licenciée également pour avoir trop attendu avant de porter plainte. Comme si cela la rendait moins crédible. « J’ai perdu mon job, mon salaire, ma vie d’avant ».
 
Quant à Laury et Gwenaëlle, elles font partie de ces victimes dont le dossier a été classé sans suite. En 2012, elles ont été embauchées dans une entreprise de cartouches pour imprimantes à Amiens. Très vite, elles sont victimes d’harcèlement moral par le couple employeur et plus spécifiquement d’harcèlement sexuel lorsque l’employeuse s’absente. Dès les premières semaines, les compliments et les blagues pleuvent. « Il m’a donné des bonnes horaires, un bon salaire, des perspectives d’évolution, ce qu’il dit pas à mon embauche, c’est que l’évolution fallait coucher pour l’avoir ». Elles se retrouvent sans emploi pour avoir oser dire non. Aujourd’hui, elles se contraignent à partir pour passer à autre chose.
 
Ayele, caissière dans un supermarché de La Courneuve et enceinte de 4 mois, fut victime d’un harcèlement moral la contraignant à porter de lourdes charges. Alors que son emploi du temps devait être réaménagé, elle a dû poursuivre un travail toujours aussi fastidieux, déclenchant un accident du travail et la perte de son bébé. Et pour se décharger, l’entreprise l’a licenciée
 
Parce que les femmes sont des femmes, elles sont les premières victimes de la précarité. Elles perdent leur travail pour avoir refusé des avances, pour avoir dénoncé un harcèlement, pour avoir perdu un enfant. Et la justice s’obstine à ne rien voir. La justice se tait.
 
Une justice patriarcale et de classe
 
 
En effet, la justice ne se préoccupe pas de ces cas quotidiens et omniprésents. La majorité sont classés sans suite. Ou alors, les procédures sont très longues. Sans compter les cas qui n’arrivent jamais jusqu’au tribunal. Selon la justice actuelle, il est très compliqué de juger un harcèlement sexuel du fait du « manque de preuves ». En général, ce sont deux voix qui s’affrontent et qui ne sont pas traitées de la même manière. La parole de l’homme compte très souvent plus que celle de la femme, voire plus que celle de plusieurs femmes. Et celle de l’homme « haut placé », de celui qui détient un pouvoir politique ou/et économique, comme l’a montré le cas de l’affaire Denis Baupin, pèse souvent (beaucoup) dans la balance. Ainsi, pour peu que ce dernier soit protégé par son statut social (patron ou homme politique), son porte-monnaie, la victime en face n’a plus qu’à se taire. Une justice sexiste qui protège les puissants, une institution au service de l’État dans l’incapacité à reconnaître l’oppression de genre structurelle subie par des millions de femmes, ainsi que par les minorités de genre. Une oppression qu’elles subissent au travail et dans le cadre du foyer familial.
 
 
Sophie, qui a subi un harcèlement sexuel pendant deux ans, a tenu en raison du crédit financier de la maison qu’ils construisaient, elle et son mari. Elle n’est pas partie, elle ne pensait pas à partir à cause de l’aspect financier, « j’attendais que Jérémy me dise : allez pars de là-bas !  ». Souvent, les conjoints ou proches des victimes, eux-mêmes traversés par les contradictions générées par la société capitaliste et patriarcale, ne peuvent comprendre ou réaliser ce que vivent les femmes au quotidien. Ce sont d’abord ces situations d’endettement, de précarité, qui obligent les femmes, souvent comme de nombreux travailleurs, à garder leur emploi coûte que coûte tout en subissant de nombreuses violences sexuelles réservées au sexe féminin. À garder leur emploi quitte à en sortir détruite humainement (si ce n’est financièrement…).

Ces femmes rentrent alors dans une spirale destructrice, de culpabilité, mettant à mal leur confiance en elles. « En me faisant très moche, peut-être qu’on me foutrait la paix et qu’on arrêterait de me regarder  ». Christina a alors changé son apparence, dans l’espoir de devenir transparente au regard des hommes. Ce qui prend le dessus c’est la « honte » de ce qui leur arrive. Des harcèlements destructeurs qui doivent avant tout nous faire prendre conscience que si de telles situations existent c’est avant tout de la responsabilité et de la « culpabilité » d’un État et de ses institutions, notamment judiciaires, profondément patriarcales qui, au service d’une économie capitaliste – guidée par le profit -, maintiennent la division sexuelle du travail et, de fait, une majorité de femmes dans une situation de précarité, de dépendance vis-à-vis des hommes et de leur emploi, exposées à des violences machistes et sexuelles.
 

Ouvrir la boîte de Pandore : « la peur doit changer de camp »
 
 
Ce type de documentaire est nécessaire, une étape indispensable pour rendre visible ces situations de violences et d’harcèlements. À ce titre, depuis quelques mois, des plateformes naissent, comme c’est le cas du Tumblr PayeTaBlouse, qui permet une libération des voix des femmes dans le milieu médical, PayeTonJournal pour le milieu des journalistes, PayeTaFac au sein des universités et écoles ou encore PayeTonJob sur les violences sexuelles au travail. Un Tumblr sur lequel sont relatées par jour des dizaines, et en tout des milliers d’histoires, similaires aux situations relatées dans le documentaire.
 
Par ailleurs, de plus en plus de cas, de témoignages dans le cadre également de la journée des violences faites aux femmes, sont diffusés et relayés, suscitant des réactions vives chez une part de la population. L’année 2016 a été riche en la matière… Le féminicide d’Aïssatou Sow, l’affaire Jacqueline Sauvage ou encore récemment, Ayele et Fadila, ces caissières victimes de fausses couches au travail et licenciées par la suite.
Des cas qui ont été suivis de mobilisations, d’élans de solidarité, de pétitions. Pour dire qu’il ne faut plus avoir peur, qu’elles ne sont pas seules, et qui sont le signe de futures mobilisations qui peuvent être plus fortes encore, ainsi que les embryons de l’organisation des femmes et minorités de genre pour laquelle nous combattrons.

 
 


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