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Dévaler la pente de l’infamie

Tsipras, trois ans après, sous le signe de la matraque et de la capitulation

Depuis son arrivée au pouvoir le 26 janvier 2015, Alexis Tsipras, à la tête du parti Syriza, a fait sien le pli austéritaire imposé par la la Troïka FMI-BCE-Commission Européenne. De renonciations en trahisons, Tsipras n'a fait qu'accentuer la pression sur les classes populaires et attaquer violemment les travailleurs grecs, ainsi que les migrants, parqués dans des camps de rétention.

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Crédits photo : mediaterranee.com

L’arrivée au pouvoir d’un gouvernement « anti-austéritaire » en Grèce avait réveillé de nombreux espoirs. Arrivé en tête aux élections législatives avec 36% des voix, le gouvernement Tsipras se met en place dans un contexte de crise profonde de l’État grec, depuis 2008, largement endetté (170 % de son PIB) et étouffé par les plans d’ajustement austéritaires et antisociaux de la Troïka, acceptés les uns après les autres par les différents gouvernements de la Nouvelle Démocratie (droite conservatrice) ou du PASOK (socialistes). Ce dernier s’effondrant d’ailleurs électoralement en 2015 avec 4% des suffrages annonçant ainsi le sort réservé aux autres parti sociaux-démocrates en Europe. En parallèle, les succès électoraux d’Aube Dorée font planer la menace d’un essor de l’extrême-droite. Tout cela sur fond de mobilisations très suivies des travailleurs et travailleuses qui refusent d’avaler la pilule austéritaire.

Dès le début du mandat de Tsipras, s’engage un bras de fer avec les institutions européennes qui souhaitent imposer un énième plan d’austérité à la Grèce, avec comme enjeu la possible sortie de la Grèce de l’Union Européenne. Tsipras organise alors un référendum sur l’acceptation de ce plan par la population, au grand dam de la presse bourgeoise européenne qui dénonce la démagogie du Premier ministre grec et prévoit une large victoire du « oui » : le « non » l’emporte pourtant le 5 juillet 2015 à 61 %. La bourgeoisie européenne est cependant vite rassurée quand Tsipras prend finalement l’initiative d’appliquer ce plan avant de démissionner. En septembre 2015, il est réélu avec des scores quasi équivalents au premier scrutin et il réitère son alliance avec l’ANEL. Depuis lors, il n’a cessé de multiplier ses attaques contre les travailleurs et travailleuses grecques.

Syriza a naturellement été très divisé, les syndicats liés au parti appelant même à la première grève générale qui se déclenche contre la politique du gouvernement dès novembre 2015. Les membres de l’aile gauche comme Panayiótis Lafazánis, Zoé Konstantopoùlou ou Stathis Kouvélakis quittent Syriza après en avoir été les soutiens gouvernementaux, dans le cas de Lafazanis, et créent le parti Unité Populaire, et ce malgré leur inaction face à la capitulation de Tsipras. Malgré tout, c’est sans difficultés que Tsipras a conservé son statut de Président du parti lors de son congrès en 2016. Une trahison en appelant une autre, et l’illusion réformiste ne demandant qu’à être mise à bas, le gouvernement grec a poursuivi sur sa lancée.

Il fait beau temps d’être investisseur sous Tsipras, tant la Grèce semble être devenue une immense brocante : le Port du Pirée a par exemple été cédé à China Cosco. La Grèce se doit en effet de privatiser à hauteur de 50 milliards d’euros d’actifs, pour le renflouement des banques qui ont mis le pays à genoux, se retrouvant alors parfois dans l’obligation de vendre des locaux qui continuent à être utilisés par l’État, alors obligé de les louer en retour. Tsipras s’est également illustré par la hausse de la TVA, une réforme des retraites et du marché du travail qui auraient pu faire rougir d’envie ces prédécesseurs conservateurs ou sociaux-démocrates.

Après avoir saigné ainsi à blanc les classes populaires et les travailleurs, il restait au gouvernement Tsipras à le faire physiquement ! Après avoir assuré que jamais les flics ne brutaliseraient les manifestants, la police a ainsi violemment réprimé les manifestations à plusieurs reprises, notamment lors d’une manifestation de retraités qui avait fait grand bruit en raison de l’attitude particulièrement agressive des forces répressives. Cette répression s’exprime notamment vis-à-vis des migrants dont les conditions de vie lors de leur arrivée en Grèce sont désastreuses. Dernièrement, c’est le droit de grève que Tsipras a décidé d’attaquer.

Face à ce bilan, il semble bien que le « gouvernement anti-austérité » soit une impasse. L’extrême-gauche européenne a été divisée par la question lors de l’arrivée au pouvoir de Tsipras. Cette formule a fait des émules puisqu’elle inspire aujourd’hui des mouvements comme Podemos dans l’État espagnol, la France Insoumise ou le Labour Party dirigé par Jeremy Corbyn au Royaume-Uni. Si les positions des différentes organisations pouvaient aller du soutien inconditionnel en passant par le soutien « critique » à la méfiance vis-à-vis d’un néo-réformisme, il est compliqué, aujourd’hui, de se réclamer d’une quelconque proximité avec Syriza.

Si certains, comme l’économiste Frédéric Lordon et autres partisans du « gouvernement anti-austérité », affirment que l’échec de Syriza provient avant tout de son manque de fermeté concernant l’idée d’un Grexit en simplifiant le problème à l’horizon de l’Union Européenne et à la rupture avec Bruxelles, ils occultent le principal fond du problème qui consiste en un choix entre une stratégie réformiste ou révolutionnaire. Sans une stratégie révolutionnaire qui a pour but la prise du pouvoir par les travailleurs et les travailleuses, l’expropriation des propriétaires capitalistes, le contrôle ouvrier de la production, toute politique de changement radical du système et de lutte contre le capitalisme est aussi vaine que celle menée par Tsipras, à la seule différence qu’il a rendu un fier service à la bourgeoisie grecque et européenne : d’épicentre des résistances aux politiques austéritaires et aux attaques patronales, le monde du travail et la jeunesse n’ont jamais été aussi atones que depuis que Tispras les a mis à genoux. A la lumière des positions des uns et des autres, c’est bien un réel bilan, et une pratique conséquente, qu’il faut tirer, pour notre camp, de ce qu’ont été ces trois années de gouvernement Tsipras.


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