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Affaire Darmanin

Tribune réactionnaire. 200 élus apportent leur soutien à Darmanin

Ce lundi 20 juillet, une tribune en soutien au ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, signée par 200 élus des Hauts-de-France, a été publiée. Un soutien inconditionnel à un homme accusé de viol, justifié par la présomption d'innocence, qui bâillonne encore un peu plus la voix des femmes qui osent dénoncer les violences sexuelles.

Typhaine Cendrars

21 juillet 2020

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Parmi les 200 élus des Hauts-de-France qui soutiennent le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, se trouve, entre autres grands noms de la caste politique droitière, le président de la région des Hauts-de-France Xavier Bertrand et le président du conseil départemental du Nord Jean-René Lecerf, initiateur de cette tribune. Si on ne peut être surpris qu’un soutien inconditionnel soit apporté à un personnage politique haut placé comme Darmanin de la part de ses confrères politiques et même d’élus qui ne sont pas de son parti - pluralisme qu’ils revendiquent d’ailleurs fortement dans la première phrase de la tribune « au-delà de nos différences partisanes, nous souhaitons une nouvelle fois apporter tout notre soutien à Gérald Darmanin », représentant parfaitement la priorité de la caste politique bourgeoise à protéger l’un des leurs - le contenu de la tribune n’en reste pas moins réactionnaire.

Ces 200 élus utilisent la même rhétorique que celle des membres du gouvernement tels que Macron, Castex ou Schiappa pour soutenir le ministre de l’intérieur : en l’occurrence, le sacro-saint concept de présomption d’innocence, qui semble étrangement être beaucoup plus utilisé dans le cas d’une accusation de viol sur un homme politique que lorsqu’il s’agit de criminaliser Adama Traore pour justifier son meurtre par la police. Il n’est pas nouveau sous le soleil de la bourgeoisie de tout faire pour passer sous silence les affaires de viols et d’agression sexuelles qui nuisent tant à leur image, et cette tribune nous le démontre encore une fois.

L’ argument de la présomption d’innocence, martelé à toutes les sauces pour protéger le ministre de l’Intérieur, leur permet par la même occasion d’étouffer la parole des femmes victimes de violences sexuelles en affirmant grossièrement que tant que la justice n’aura pas tranché, Darmanin ne peut être considéré comme un violeur et peut donc tranquillement poursuivre l’exercice de ses fonctions. La tribune dénonce d’ailleurs les manifestations féministes à l’encontre de Darmanin et accuse les manifestant.e.s feministes de « s’acharner » en « préférant sacraliser l’arbitraire plutôt que respecter la présomption d’innocence ». Leur dédain ici est si grand qu’il invisibilise totalement les violences sexistes et sexuelles subies par de très nombreuses femmes.

La tribune justifie aussi son soutien à Gérald Darmanin, d’ailleurs précédemment connu pour ses déclarations homophobes au sujet du mariage et de l’adoption pour les couples homosexuels, en précisant que : « Tous ceux qui le côtoient savent qu’il ne ressemble en rien à la personne clouée à l’avance au pilori par des manifestants qui sous le masque d’une cause noble et louable que nous soutenons n’ont de cesse d’attiser des manœuvres politiciennes. ». En balayant l’accusation dont il fait l’objet par une considération d’ordre individuel, la tribune évacue la question politique au coeur de la polémique : Darmanin n’est pas pris à parti en tant qu’individu, mais bien parce qu’il est le nouveau Ministre de l’Intérieur, chef des forces de l’ordre, et incarne de ce fait le caractère profondément patriarcal de l’État bourgeois.

Une fois de plus, il est démontré sous nos yeux que la justice républicaine est une justice de classe, au service des intérêts de la bourgeoisie dont Darmanin fait partie. Loin de toutes illusions concernant l’État et ses institutions, nous savons qu’il est peu probable qu’un tribunal condamne le Ministre de l’Interieur pour viol, d’abord parce que seulement 1% des viols aboutissent à des condamnations judiciaires, mais aussi et surtout parce que la classe dirigeante est largement protégée par le système, comme l’affaire Balkany nous l’a récemment si bien montré.

Darmanin fait partie de cette bourgeoisie qui détient des privilèges conséquents permettant d’enfreindre le fameux « Etat de droit » chéri des politique et, surtout, il vient d’être nommé Ministre de l’intérieur, et a donc bien des moyens d’empêcher une enquête d’avancer ou encore de l’influencer fortement le cas échéant, surtout si elle le concerne directement. Face à ces situations, seuls des rapports de forces conséquents, dans la rue, permettent d’obtenir des avancées, comme cela a été le cas dans l’affaire Adama ces dernières semaines.

Il s’agit donc d’une énième provocation à l’égard de toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles ainsi que des militantes féministes. Le gouvernement du président qui avait déclaré en grande pompe faire des femmes la « cause numéro un du quinquennat » en 2017 démontre une fois de plus qu’il n’y a rien à attendre de l’État ni de ses institutions, en ce qui concerne la lutte féministe.

CREDIT PHOTO : Thomas SAMSON / POOL / AFP


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