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Mouvement ouvrier

Tribune. Militants CGT menacés de licenciement : "nous sommes tous des syndicalistes antiracistes"

A STEF, deux syndicalistes ont été menacés de licenciements pour avoir dénoncé le racisme dans l'entreprise. Nous relayons cette tribune réunissant de nombreuses personnalités politiques : Assa Traoré, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou, Anasse Kazib, Aurélie Trouvé, ...

27 octobre 2021

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Crédits photo : AFP Archives

Nous relayons cette tribune publiée sur Mediapart concernant les syndicalistes de STEF menacés de licenciement sur lesquels nous revenions en septembre.

Deux syndicalistes ont été menacés de licenciement dans leur entreprise après avoir enquêté sur des soupçons de racisme, puis ont été l’objet d’une manifestation violente à leur encontre. Un large ensemble de militant·e·s et de personnalités politiques – notamment Philippe Poutou, Assa Traoré, Jean-Luc Mélenchon, Aurélie Trouvé – leur apporte leur soutien contre la répression antisyndicale : « leur combat rappelle que la lutte contre le racisme est indissociable de la lutte pour l’égalité ».

Vendredi 10 septembre dernier, dans l’enceinte de l’entreprise STEF, aux Essarts-en-Bocage (Vendée), l’ambiance est revendicative. Une trentaine d’employés de ce leader européen du transport frigorifique, dont l’un entièrement cagoulé, brandissent des pancartes : « Harcèlement », « terreur », « honte à vous », « manipulation »… À de rares exceptions près, ce sont les cadres de la société. Ils crient en choeur : « Cassez-vous ! On ne veut plus de vous ! » La cible de leur colère ? Les deux délégués CGT de l’entreprise, MM. Mehdi Khechirem et Yoann Jadaud. Venus faire une visite à leur local syndical, face à un tel témoignage de chaleur humaine, tous deux finissent par quitter les lieux... sous l’oeil impassible du directeur du site.

C’est qu’à ses yeux, MM. Khechirem et Jadaud avaient commis l’irréparable. Le 24 juin, suite à une réunion mouvementée, la direction de STEF-Vendée lance une procédure de licenciement à l’encontre de ces deux syndicalistes. Depuis des mois, ceux-ci sollicitaient une réaction de l’entreprise : plusieurs salariés ultramarins et issus de l’immigration se plaignaient en effet de comportements racistes dans le cadre de leur travail – « bougnoule », « bamboula », imitation de singe, « retourne manger des bananes », « travail d’arabe », etc. MM. Khechirem et Jadaud enquêtent minutieusement, et lancent dans la foulée un « droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes ». En vain. Ils se heurtent à la passivité de leur direction, qui en guise de réponse, finit par les licencier – entretemps, durement éprouvées par l’affaire, les victimes du racisme ont quitté l’entreprise…

Celle-ci avait auparavant pris soin d’isoler les deux syndicalistes, en favorisant la création du syndicat CFTC en 2017. Ce syndicat « maison », qui a voté le licenciement de MM. Khechirem et Jadaud, n’a atteint que partiellement son objectif : s’il a réussi à prendre la première place aux élections professionnelles, la CGT demeure majoritaire dans le collège ouvriers… Tout en étant fragilisée, et par conséquent licenciable. Pourtant, cette logique de répression antisyndicale s’est heurtée le 8 septembre à un obstacle majeur : l’inspection du travail refuse alors le licenciementde ces deux salariés protégés, au motif qu’il n’est en aucun cas justifié. L’arme du droit était donc épuisée : pour la direction, restait l’action coup de poing illégale – une manifestation antisyndicale menaçante, à laquelle elle a apporté son soutien.

Il faut mesurer avec précision le message délivré par l’entreprise STEF-Vendée. Le racisme n’y est pas combattu. Le dénoncer vaut licenciement. Les décisions administratives, comme celle de l’inspection du travail, sont piétinées. Quant aux libertés syndicales, garanties par la Constitution, elles sont priées de « dégager ». À cet égard, la cagoule du manifestant vendéen antisyndical marque un sens réel de l’à-propos historique : dans les années 1930, les Cagoulards combattaient la gauche syndicale et politique les armes à la main. Nous savons où leurs dérives ont alors conduit le pays. Aujourd’hui, dans un contexte d’offensive politique quotidienne de l’extrême-droite, « séparatisme » gouvernemental inclus, et alors que les écrans sont saturés d’idéologie raciste dont la condamnation par les tribunaux semble garantir le maintien à l’antenne, on assiste dans le même temps à un recul organisé des droits syndicaux. Ce moment historique est propice à toutes sortes de dérapages, qui dès lors sont tout sauf anecdotiques. La manifestation antisyndicale de STEF-Vendée a par conséquent valeur d’avertissement, et revêt un caractère national d’une particulière gravité.

Le combat de MM. Khechirem et Jadaud nous rappelle en effet que la lutte contre le racisme est indissociable de la lutte pour l’égalité. Face à cette arme de division massive qui fut toujours maniée par les puissants, ces deux syndicalistes répondent que le seul clivage existant est celui qui sépare l’employeur de ses salariés – d’où qu’ils viennent et quoiqu’ils croient. Les frontières ne passent pas entre les peuples : elles passent entre le haut et le bas. Dans le contexte actuel, ce message fondamental, dont nous sommes solidaires, dérange. En particulier le PDG du groupe STEF, M. Stanislas Lemor, qui revendique rarement auprès de ses salariés sa présence dans le palmarès des 500 plus grosses fortunes françaises…

La lutte quotidienne contre le racisme et pour l’égalité que mènent MM. Khechirem et Jadaud est exemplaire. Nous la conduirons avec détermination à leurs côtés, et nous opposerons à chacune des entraves qui pourrait leur être opposée. À cet égard, nous exigeons que le groupe STEF mette un terme immédiat à ses agissements antisyndicaux, et comme la loi l’y oblige, garantisse leur sécurité au travail et le libre exercice de leurs droits syndicaux. Leur combat est le nôtre.

Premiers signataires :

Christophe ALÉVÊQUE (humoriste),
Nathalie ARTHAUD (Lutte Ouvrière),
Clémentine AUTAIN (députée LFI de Seine-Saint-Denis),
Ugo BERNALICIS (député LFI du Nord),
Alain BRUNEEL (député PCF du Nord),
Marie-George BUFFET (députée PCF de Seine-Saint-Denis),
André CHASSAIGNE (député PCF du Puy-de-Dôme),
Compagnie Jolie Môme,
Éric COQUEREL (député LFI de Seine-Saint-Denis),
Alexis CORBIÈRE (député LFI de Seine-Saint-Denis),
Florent COSTE (CGT Latécoère),
Pierre DHARRÉVILLE (député PCF des Bouches-du-Rhône),
Jean-Paul DUFRÈGNE (député PCF de l’Allier),
Emmanuel DUMOULIN (CGT Dassault),
Elsa FAUCILLON (députée PCF des Hauts-de-Seine),
Caroline FIAT (députée LFI de Meurthe-et-Moselle),
Gérard FILOCHE (ex-inspecteur du travail, cofondateur de SOS Racisme),
Benoît FOUCAMBERT (FSU), Bernard FRIOT (sociologue),
Jean-Pierre GARNIER (sociologue),
Arnaud GUILLARD (secrétaire général CGT Vendée),
Kaddour HADADI (chanteur, HK & Les Saltimbanks),
Sébastien JUMEL (député PCF),
Philippe JURAVER (en charge des luttes pour LFI),
Fadi KASSEM (secrétaire national du Pôle de renaissance communiste en France),
Anasse KAZIB (Révolution Permanente),
Bastien LACHAUD (député LFI de Seine-Saint-Denis),
Léon LANDINI (ancien FTP-MOI, héros de la Résistance),
Michel LARIVE (député LFI de l’Ariège),
Yvan LEBOLLOC’H (comédien),
Jean-Paul LECOQ (député PCF de Seine-Maritime),
Frédéric LORDON (philosophe, économiste),
Xavier MATHIEU (comédien),
Philippe MARTINEZ (secrétaire général de la CGT),
Fabien MÉDARD (coordonnateur CGT STEF),
Jean-Luc MÉLENCHON (député LFI des Bouches-du-Rhône),
Erik MEYER (fédération SUD-Rail),
Fabrice MICHAUD (fédération CGT Transports),
Gérard MORDILLAT (écrivain, cinéaste),
Danièle OBONO (députée LFI de Paris),
Mathilde PANOT (députée LFI du Val-de-Marne),
Gilles PERRET (réalisateur),
Stéphane PEU (député PCF de Seine-Saint-Denis),
Frédéric PIERRU (sociologue),
Philippe POUTOU (NPA),
Loïc PRUD’HOMME (député LFI de Gironde),
Adrien QUATENNENS (député LFI du Nord),
Jean-Hugues RATENON (député LFI de la Réunion),
Muriel RESSIGUIER (députée LFI de l’Hérault),
Fabien ROUSSEL (député PCF du Nord),
Sabine RUBIN (députée LFI de Seine-Saint-Denis),
François RUFFIN (député LFI de la Somme),
Stéphane SIROT (historien),
Valérie STAELENS (secrétaire vie syndicale CGT Vendée),
Bénédicte TAURINE (députée LFI de l’Ariège),
Jean-Pierre TERRAIL (sociologue),
Assa TRAORÉ (militante antiraciste),
Aurélie TROUVÉ (économiste, Attac),
Emmanuel VIRE (syndicat national des journalistes-CGT),
Mickaël WAMEN (ex-CGT Goodyear),
Hubert WULFRANC (député PCF de Seine-Maritime).

Pour signer la pétition, c’est ici.


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