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Toutes et tous à Beaumont-sur-Oise pour obtenir justice et vérité pour Adama !

La quatrième marche pour Adama Traoré est placée sous le signe d’une lutte internationale contre le racisme et les violences policières et d’une mobilisation massive de la jeunesse pour en finir avec l’impunité des forces de répression.

Joël Malo

18 juillet 2020

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Crédits : O Phil des Contrastes

La quatrième marche en mémoire d’Adama, mort sous le poids de trois gendarmes à Beaumont-sur-Oise, le 19 juillet 2016, déjà un symbole de la lutte contre le racisme et les violences policières, est placée dans un contexte politique extraordinaire de mobilisation internationale. Le contexte de lutte à l’internationale face au racisme et à la violence des organes de répression des États, ouvert par le meurtre de George Floyd, a rencontré avec force la situation en France où les violences policières ont été largement médiatisées ces dernières années, avec une hausse de la lutte des classes et un affermissement de l’autoritarisme étatique : loi Travail, Gilets jaunes, réforme des retraites... Les violences policières se sont multipliées et ont touché des couches de la population qui n’y sont, au quotidien pas confrontées. La voie privilégiée par le gouvernement lors du confinement, mettant davantage l’accent sur le répressif que sur le sanitaire, a aussi produit son lot de victimes : 12 personnes sont mortes par l’action de la police pendant le confinement. Monde d’avant, monde d’après, peu importe, ce sont évidemment les quartiers populaires qui ont payé le lourd tribut de cette violence. Des quartiers populaires qui ont aussi été les plus exposées au virus, en raison des conditions de logement, mais aussi parce que ses habitants sont ceux qui occupent les postes essentielles en première ligne, ceux aussi qui sont économiquement et socialement les moins considérés.

Les rassemblements monstres des 2 et 13 juin pour réclamer justice et vérité pour Adama (respectivement 80.000 et 120.000 personnes à Paris) et leurs émules dans différentes villes de France ont imposé le débat sur les violences policières et sur le racisme structurel en France. Malgré les cris désespérés des politiciens, des bourgeois et de leurs laquais médiatiques, qui répètent à l’envi que la France, ce n’est pas les États-Unis, tout en montrant le vrai visage de leur police et de leur justice, des institutions aux ordres d’un ordre dominant qui perpétue le racisme et l’exploitation.

Cela la famille Traoré l’a expérimenté durement, prix de son courage et de son refus de se taire. Car la quatrième marche, signifie une quatrième année où en plus du deuil de la perte d’un frère, la famille a dû faire face à toutes les tentatives d’intimidation, de répression, tout ce que le pays compte de réaction n’hésitant pas à salir personnellement ses membres et leur combat. Derniers événements en date, la perquisition du logement d’Assa quelques heures avant la manifestation du 2 juin, elle-même interdite puis réprimée par la préfecture de police. Ou encore le déferlement médiatique de la part de chaînes qui propage un discours de haine quotidien pour une insulte antisémite proférée par un individu lors du rassemblement du 13 juin.

Le rapport de force qu’ont réussi à construire le Comité Adama et tous les comités locaux pour les dizaines de victimes de violences policières et les dizaines de milliers de personnes qui se sont mobilisées ont permis de relancer la procédure judiciaire qui n’apparaît à l’évidence, une fois de plus s’il le fallait, comme le simple résultat d’un rapport de force. Après quatre ans de crachats au visage et de répression de la part de l’Etat voilà que la Garde des Sceaux veut recevoir la famille Traoré. Réponse cinglante de l’intéressée : « On ne demande pas des discussions dans un salon de thé à l’Elysée ». Car n’en déplaise aux barons et baronnes de la politique, à l’image récemment de Taubira, de Vallaud-Belkacem ou encore, dans une moindre mesure, Rachida Dati, le temps est fini où les luttes anti-racistes et des quartiers pouvaient être cooptées à l’image d’un SOS Racisme, pantin du PS et tremplin pour politicard en devenir. Face à l’échec de cette tactique, la réponse du pouvoir a été plus ferme, le débat se déplaçant sur le « mal-être » de la police, gros plan sur des cortèges rachitiques pour donner l’illusion du nombre en boucle à la télé, et la « reconquête républicaine » des quartiers, la lutte contre l’anti-racisme « séparatiste », « communautariste » dixit Macron, l’anti-racisme donc qui ne se satisfait pas d’un ministre ou d’une porte-parole Noire ou avec de vagues origines arabes pour arrêter la lutte quand l’immense majorité des personnes noires et arabes continuent de souffrir de discriminations dans tous les aspects de leur vie et qu’ils sont à la merci de la violence de l’institution policière. Le récent remaniement, qui remet au-devant de la scène une vieille garde sarkozyste, notamment à l’Intérieur a fini de donner le ton.

Malgré tout, l’indécence absolue dans le traitement de l’affaire, même pour la justice bourgeoise, ne pouvait pas tenir éternellement face à ce rapport de force et à l’espace conquis par la mobilisation. Après les multiples renvois d’analyses médicales qui déchargent les gendarmes ou au contraire les mettent en cause, les multiples changements dans les témoignages des gendarmes et d’un témoin qui est une des dernières personnes à avoir vu Adama Traoré vivant, une nouvelle expertise médicale a été confiée à quatre médecins belges, et les juges d’instruction viennent d’ordonner 14 nouvelles investigations (venant porter à 17 le nombre de nouvelles instructions depuis le premier rassemblement, le 2 juin), notamment sur les gendarmes et sur la pièce où Adama a été interpelé. « Une avancée positive » pour l’avocat de la famille mais qui vient évidemment souligner à quel point l’enquête a été bâclée depuis quatre ans. Une dynamique qui se poursuit avec la publication par Le Monde, hier, d’une reconstitution de cette journée tragique du 19 juillet 2016, absolument révoltante tant il est clair qu’un homme a été condamné à mort ce jour-là.

En définitive, seule la mobilisation paye. Des franges de la bourgeoisie s’inquiète en effet de la perte de confiance large dans la police qu’on inonde en vain de supplétifs « républicains » pour faire illusion. L’impunité répétée lors des cas de mutilation pendant les manifestations de Gilets jaunes et à chaque mort causée par la police, qu’il est à chaque fois plus difficile pour les tenants du pouvoir de faire passer pour une « bavure », et la défiance envers l’IGPN, en particulier lors du simulacre d’enquête suite à la mort de Steve en juin 2019 ont accentué cette dynamique. Mais, à l’inverse du but que se fixent tous les partis insitutionnels, notamment à gauche, il ne s’agit aucunement de reconstruire une quelconque confiance dans les appareils de répression de l’Etat, mais bien de constater qu’un voile est tombé.

Et qui tombe aux yeux, certes d’une large partie de la population, mais surtout auprès des jeunes, une jeunesse que Macron essaye de conquérir depuis le début de son mandat, avec plus ou moins de réussite. Tout d’abord, lors des rassemblements des 2 et 13 juin et dans tous les rassemblements en France, on a pu voir une jeunesse des banlieues, dont beaucoup manifestaient pour la première fois, venue massivement répondre à l’appel des collectifs contre les violences policières ou parfois de quelques lycéens qui ont organisé ces rassemblements dans leur ville. Une jeunesse que le pouvoir craint comme la peste et surveille comme le lait sur le feu. Mais c’est aussi une partie de la jeunesse, parfois davantage issue des centre-villes, qui s’est notamment mobilisée pour le climat qui se trouvait dans ces rassemblements. Une « génération Adama » et une « génération climat » qui se rencontrent, à l’image de la co-organisation de la marche cette année avec Alternatiba.

On assiste à l’émergence d’un mouvement à la fois écologiste qui se refuse globalement à une écologie anti-populaire, notamment grâce à l’impact du mouvement des Gilets jaunes et à un mouvement anti-raciste incarné entre autres par le Comité Adama qui a tissé des liens importants avec les luttes du mouvement ouvrier que ce soit avec les grévistes d’Onet en 2018, avec les cheminots durant la bataille du rail, dans le mouvement des Gilets jaunes, avec les postiers du 92, ou encore récemment aux côtés des soignants le 16 juin. Le racisme nourrit et se nourrit des inégalités sociales, il enracine des divisions parmi les exploités et les classes populaires. On ne peut combattre le racisme, sans s’attaquer aux inégalités sociales, sur le terrain du monde du travail, tout comme il serait utopique de croire que nier les discriminations que subissent les personnes noires ou arabes serait suffisant tant que l’on se situe sur le terrain de classe.

Ainsi, dans cette équation convergente, les grands absents sont bien les centrales syndicales et le mouvement ouvrier organisé. Si de nombreux syndicalistes seront présents à la marche à Beaumont (à l’image de Sud Educ 93 qui appelle à la rejoindre illustrait cette déconnexion, voire méfiance, qui existe entre le mouvement ouvrier et les mouvements des quartiers populaires.

Aux États-Unis, l’ampleur du mouvement a percuté des secteurs centraux de la classe ouvrière américaine à l’image des dockers de la côté Ouest qui ont bloqué les ports le 19 juin dernier, contre le racisme et les violences policières. Les organisations du mouvement ouvrier ont un rôle à jouer pour mener le combat anti-raciste, pour lutter contre ce poison que la classe dominante distille dans les rangs de la classe ouvrière et des classes populaires.

La marche d’aujourd’hui marquera encore un événement important dans le combat pour la justice et la vérité pour Adama, ainsi que pour toutes les autres victimes des violences policières. Rendez-vous à 13h30 à la gare de Persan Beaumont pour le départ de la manifestation !


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