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Loi immigration

Titre de séjour « métiers en tension » : fausse régularisation et tri xénophobe au service du patronat

Gérald Darmanin et Olivier Dussopt ont détaillé mercredi le contenu de la loi Immigration. Parmi les mesures, un titre de séjour « métiers en tension » pour répondre aux besoins du patronat français et renforcer le tri xénophobe des migrants.

Léa Luca

3 novembre 2022

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Promue à grands cris par le gouvernement au cours de l’été et à la rentrée, la loi Immigration s’annonçait déjà comme une nouvelle offensive raciste et xénophobe de grande ampleur. Interviewés dans Le Monde, à ce sujet, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt ont précisé certaines des grandes mesures de la loi, devant être débattue début 2023 à l’Assemblée. Parmi elles, une « facilitation » de l’accès à un titre de séjour pour certains travailleurs étrangers.

Pour les ministres, le projet de loi devrait en effet permettre « que le travailleur immigré en situation irrégulière puisse solliciter la possibilité de rester sur le territoire sans passer par l’employeur » et ce « particulièrement dans les métiers en tension comme ceux du bâtiment ». Concrètement, une partie des travailleurs sans-papiers, qui ne peuvent actuellement obtenir leur régularisation qu’à des conditions ultra-restrictives – prouver que l’on vit depuis au moins 5 ans en France, que l’on travaille depuis au moins 12 mois et présenter une attestation de son employeur en plus des fiches de paie – pourraient bénéficier d’une nouvelle modalité de régularisation.

Une mesure qui répond aux revendications de secteurs du patronat qui dénoncent ces derniers mois la « pénurie » de main d’œuvre, notamment dans les secteurs marqués par une forte pénibilité, des risques importants et de faibles qualifications (par exemple le bâtiment, l’entretien ou l’aide à domicile, etc.). « C’est le patronat qui a demandé à ce qu’il y ait plus de main-d’œuvre » a ainsi assumé Darmanin pour expliquer la mise en place de cette nouvelle politique, tandis qu’Olivier Dussopt note : « Les organisations professionnelles nous disent qu’elles ont besoin qu’on facilite le recrutement d’étrangers. Nous leur proposons des solutions avec ce projet de loi ».

Face à cette annonce du gouvernement, qui vise à faciliter l’exploitation d’une partie des travailleurs étrangers, LR et le RN se sont empressées de dénoncer un « plan de régularisation massive ». Or, loin de ces prises de position xénophobes, l’objectif du gouvernement est évidemment tout autre. Ainsi, interviewé par BFM TV mercredi soir, Gérald Darmanin a rapidement précisé que : « si le métier n’est plus en tension, la personne perdra son titre de séjour au bout d’un an » avant de noter que « la vie privée et familiale n’est possible que lorsque vous êtes sur le territoire national depuis plus d’un an. Ce titre ne crée pas de droit [à la vie privée et familiale] ».

En clair, si le gouvernement est prêt à régulariser certains travailleurs, ceux-ci ne le seront que temporairement et doivent rester précaires, expulsables à tout moment et à la merci des besoins du patronat. Pour Macron l’objectif est d’atténuer (un peu) la contradiction entre une violente politique xénophobe et les besoins du patronat pour limiter les conséquences de la « pénurie » actuelle dans certains secteurs, surtout pas de mettre fin à la surexploitation des travailleurs étrangers. Dans le même esprit, le gouvernement veut pouvoir faire travailler les demandeurs d’asile « dès leur arrivée sur le sol française » en mettant fin au délai de six mois de carence qui avait cours précédemment, là encore sans garantie d’être in fine régularisé, même temporairement.

Ce faisant, le gouvernement poursuit les pratiques historiques du capitalisme français et son État. Ainsi, une immigration choisie et contrôlée a très régulièrement été permise voire organisée depuis le XIXème siècle, pour servir de main d’œuvre à bas coût dans les tâches les plus ingrates dont avait besoin le capitalisme comme l’État français. « Le modèle français d’immigration répond à une logique capitaliste, ou pour le dire autrement aux besoins du marché du travail » écrit ainsi l’historien Gérard Noiriel, qui évoque notamment comment les travailleurs coloniaux ont été utilisés pour travailler dans les usines françaises pendant la guerre de 1914 puis renvoyés dans leurs pays.

Une politique cynique qui permet dans le même temps de justifier une intensification de la répression de l’ensemble des travailleurs sans-papiers au nom de l’opposition entre « bons » et « mauvais migrants ». En effet, le« titre de séjour pour les métiers sous tension » s’intègre pleinement dans la loi Immigration qui prévoit par ailleurs de renforcer drastiquement sa politique de harcèlement et d’expulsion des migrants. Dans l’interview donnée au Monde, Darmanin annonce ainsi une nouvelle étape dans la chasse aux réfugiés à laquelle s’adonne déjà sa police avec une inscription des personnes sous OQTF au fichier des personnes recherchées, une réduction des possibilités de recours, et l’objectif clair de rendre « la vie impossible » aux travailleurs sans-papiers.

Face à ces promesses de régularisations qui ne font qu’entériner et prolonger la situation des travailleurs sans-papiers, il est fondamental que le mouvement ouvrier et l’ensemble des organisations de la gauche et du mouvement social fassent bloc, en refusant la loi Immigration mais également en exigeant la régularisation de toutes et tous les sans-papiers ainsi que la liberté de circulation et d’installation pour tou·te·s.


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