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Témoignage. Dom : « On est confinés à 4 dans une petite surface »

Yves Petit est membre d'ATD Quart Monde à Lyon. Il témoigne de la détresse, du manque de solutions et de la colère qu'il rencontre à travers la situation de John, qui n'a pas de couverture maladie, et Dom, qui vit de la débrouille.

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John vient de se voir refuser sa demande d’asile il y a quelques mois. Il n’a pas encore d’OQTF (obligation de sortir du territoire). Il a perdu toutes les aides de l’Etat (allocation pour demandeur d’asile) et la protection sociale. Il a fait une demande pour l’AME (Aide Médicale d’État) mais n’a pas encore reçu la réponse, ce qui est une source d’angoisse profonde.
« Je suis bouleversé. Si je tombe malade, je ne sais pas comment faire si je n’ai pas de couverture maladie. Cela m’inquiète beaucoup. »

C’est effectivement un problème qui va se poser. Y aura-t-il un tri à l’entrée du système d’urgence qui sera mis en place pour ne faire rentrer que les personnes avec une couverture santé ?

Concernant Dom, alors que je lui ai demandé des nouvelles hier par texto, il me répond vers 1h du matin :
« Pardon, j’ai pas eu beaucoup de temps au calme aujourd’hui, j’ai beaucoup cuisiné on a récupéré pas mal d’invendus du marché. Toujours pas de souci au niveau des contrôles mais on croise les doigts, en se faisant tout petit et en espérant que ça suffise. J’espère que tout va bien de ton côté et bon courage, on en a tous besoin je crois en ce moment. »

Depuis 6 jours, il s’est rapproché de 3 autres personnes à la rue et sont devenus un groupe que l’adversité a réuni et soudé. L’un d’eux a un hébergement dans un foyer mais n’a pas le droit d’accueillir les autres pendant la nuit. Je sais qu’ils passent maintenant beaucoup de temps en journée dans la chambre du foyer, et les non-résidents ressortent ensuite dormir ailleurs. Ils ont de plus en plus peur de rencontrer la police.

En faisant de la récup’ sur les marchés en ce moment, ils s’exposent beaucoup plus que nous à une contamination, mais ont-ils d’autre choix ? Leurs sources de revenu se sont taries rapidement et les services de l’urgence sociale sont très inopérants en ce moment (manque de bénévoles et surtout de moyens de protection qui sont orientés principalement vers les urgences médicales). Ils évitent les sorties par crainte de rencontrer la police. Ils ont bien conscience de gestes barrières et des conseils de confinement mais n’arrivent pas encore à les respecter car ils n’ont pas les moyens pour cela.

Dom me dit : « J’ai téléchargé l’application Entourage [qui permet de mettre en contact gens dans le besoin et personnes solidaires] et j’ai déposé une demande pour une personne que je connais et qui vit toute seule dans un petit cagibi à Villeurbanne. Du coup, il vit dans le noir toute la journée. J’ai mis une annonce pour : « radio à pile, lampe à pile, et des piles de rechange ». Pour le moment, c’est moi qui l’appelle pour avoir des nouvelles. Lui, il me demande comment le virus évolue en France. Je l’informe. Il sort la nuit pour charger son portable, avec une prise d’un commerçant qu’il connaît et qui est accessible depuis l’extérieur. Il ne se plaignait pas trop au téléphone, mais là c’est l’ennui mortel pour lui en ce moment. J’ai des bouquins que je vais essayer de lui passer. J’ai remercié les initiateurs de ce projet Entourage. C’est des personnes qui sont prêtes à être solidaires. C’est une évidence presque, mais c’est une très très bonne idée. Moi aussi, de mon côté, j’ai essayé de maintenir le lien avec tout le monde. Il y en a beaucoup qui vont se retrouver en galère parce qu’il n’y a plus de RSA, il n’y a plus d’argent. Cela va commencer à être raide pour tout le monde. »

« Il y a des hauts et des bas. C’est angoissant moralement. Mais honnêtement, ce n’est pas dans la rue que je suis le plus angoissé. Pour les contrôles de police, maintenant, ça va. Mon pote s’est fait contrôler et ils ne l’ont pas embêté. Ici, on est à peu près libres de nos mouvements. On est confinés à 4 dans une petite surface. Entre nous, on n’est pas à 1 mètre cinquante des autres, c’est sûr, mais à côté de cela, on ne côtoie pas tout le monde, toute la journée, dans la rue. Même si on ne croise pas grand monde. On croise forcément des gens en journée. En revanche, la nuit, il n’y a personne, c’est impressionnant. »

A Lyon, aucune annonce n’a été entendue concernant la mise à l’abri des personnes à la rue. Que se passera-t-il pour eux ? 

Crédit Photo : [Sylvain THOMAS / AFP]


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