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Chasse aux sorcières

Offensive réac contre "l’islamo-gauchisme" : Wauquiez coupe les financements à Sciences Po Grenoble

Un des deux professeurs à l’initiative de la polémique islamophobe à Science Po Grenoble en mars dernier est aujourd’hui suspendu par l’établissement, après avoir comparé l’institut à un « camp de rééducation politique ». En réponse, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a coupé les financements de l’école. Un acte de censure inacceptable, dans la continuité de la chasse aux sorcières contre un prétendu « islamo-gauchisme ».

Antoine Weil

21 décembre 2021

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Crédits photo : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

La droite réactive la polémique islamophobe sur Sciences Po Grenoble : Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne- Rhône-Alpes, a déclaré ce lundi suspendre le financement accordé à l’institution, prétextant « une dérive idéologique et communautariste inacceptable ». Une censure scandaleuse qui intervient après la décision de l’institut d’études politiques (IEP) de suspendre un professeur pour diffamation ; ce dernier avait notamment comparé l’école à un « camp de rééducation politique ».

D’En Marche à Zemmour : le retour du fantasme sur l’« islamo-gauchisme »

Pour comprendre la réaction de Laurent Wauquiez, il faut cependant revenir quelques mois en arrière : en février dernier, deux professeurs de Sciences Po Grenoble s’opposent à une journée dédiée au racisme, à l’antisémitisme et à l’islamophobie. L’un deux, Klaus Kinzler, aujourd’hui suspendu, multiplie les provocations racistes, concluant par exemple ces mails par l’expression « Un enseignant “en lutte”, nazi de par ses gènes, islamophobe multirécidiviste » en guise de signature, comme le révélait Médiapart. En réponse, des étudiants ont taggué le campus de sciences Po Grenoble, pour dénoncer l’islamophobie du professeur. Dans le contexte de la surenchère raciste qui a suivi l’assasinat de Samuel Paty, le gouvernement, la droite et la presse réactionnaire s’enflamment et multiplient les attaques contre les étudiants de Sciences Po Grenoble, leurs syndicats, l’Unef, et l’Union Syndicale, et le reste des professeurs, tous accusés d’islamo-gauchisme. Le professeur Kinzler profite lui de la polémique raciste pour se faire inviter régulièrement dans les médias et multiplier les provocations, dont la dernière en date le 8 décembre, dans laquelle il qualifie l’IEP de « camp de rééducation politique », déclaration pour laquelle il est suspendu par son établissement, en attente de décisions disciplinaire.

Cela a servi de prétexte pour tous les réactionnaires afin de reprendre leur chasse aux sorcières contre le prétendu « islamo-gauchisme » qui gangrènerait l’université, de François Jolivet, député En Marche, demandant la mise sous tutelle de l’établissement, à Marine Le Pen, en passant par Valérie Pécresse ou Eric Zemmour. Laurent Wauquiez est allé plus loin, en menaçant donc l’établissement de supprimer les 100 000 euros annuels allouées par la région, notamment pour l’attribution de bourses aux étudiants.

Une initiative saluée par Zemmour comme Le Pen, mettant en lumière la capacité de la droite et de l’extrême droite à se rejoindre pour surfer sur des paniques morales absurdes, de Macron à Zemmour.

Cependant, l’emballement de la droite peut étonner tant Sciences Po Grenoble est loin d’avoir été exemplaire pour répondre à l’offensive raciste des deniers mois. Si la suspension du professeur sert de prétexte pour relancer la polémique islamophobe, elle n’est pas motivée par ses provocations contre les musulmans, mais sanctionne seulement ses propos à l’encontre de l’établissement. Il y a quelques mois, David Perrotin constatait justement pour Mediapart que la direction de l’école avait été particulièrement lente pour réagir aux déclarations islamophobes des professeurs. Loin donc d’être un repère de « wokes » comme l’affirment les réactionnaires.

En vérité, la droite s’attaque à des institutions ou à des personnalités relativement consensuelles et centristes, à l’image des chercheurs Nona Mayer et Michel Wieviorka, accusés d’être complices de l’islamo-gauchisme au printemps dernier.

Signe de la droitisation d’une partie du champ politique, ces attaques sont aussi le reflet de la dynamique islamophobe, impulsée en premier lieu par le gouvernement. En effet, si la menace de Laurent Wauquiez constitue clairement une attaque pour l’enseignement supérieur et la recherche, elle s’inscrit plus largement dans une offensive islamophobe, présentant des initiatives antiracistes comme des actes de complicité avec le terrorisme. A rebours du climat actuel, il est essentiel de dénoncer la décision de Laurent Wauquiez, et avec elle toutes les polémiques racistes permises par le tournant réactionnaire du gouvernement ; et, dans une campagne présidentielle dominée par les questions autoritaires et racistes, imposer une autre voix.


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