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Témoignage

Soirée réussie pour le « Lieu-Dit » !

Le Lieu-Dit existe depuis 12 ans c'est un café restaurant mais c'est aussi un lieu de rencontres et d'échanges politiques de la « gauche radicale » qui a été initié par Hossein Sadeghi. Mais voilà le Lieu-Dit se porte mal. Il est pourtant toujours complet lors des soirées débat-discussion. Fort de sa notoriété le Lieu-Dit, 6 rue Sorbier à Paris, est en quelque sorte victime de son succès puisque pendant les débats, les discussions, les lectures, les clients ne consomment pas. Et c'est pour cette raison que s'est tenue mercredi 27 janvier une soirée de soutien à ce lieu unique en son genre. L'appel à cette soirée avait été initié et relayé par des soutiens d'envergure qui se sont exprimés au fil de la soirée, pour rendre hommage et inviter à conserver l'endroit en le soutenant financièrement. Maryline Dujardin

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Soirée réussie car le Lieu était bondé jusque sur le trottoir et il était bien difficile d’accéder au bar. Les soutiens sont intervenus tour à tour : Judith Bernard, Renaud Lambert, Cedric Durand, Eric Hazan, Bernard Friot, Daniel Mermet, Frederic Lordon. Nous avons choisi de retransmettre ici l’intervention très belle de Judith Bernard qui explique avec esprit la nature et l’importance de ce lieu :

« La première fois que j’ai entendu parler du Lieu-Dit c’était par Fred Lordon : il y a quelques années, il m’apprend qu’un certain Hossein, un gars très bien me dit-il, cherche des artistes pour donner lecture dans son bar d’extraits D’un retournement l’autre, la pièce de théâtre que Fred vient d’écrire. Fred me dit qu’il s’est permis de donner mon nom, sachant que je travaillais à la création de sa pièce, et comme à peu près toutes les idées de Fred, c’est une idée de génie. Nous voici donc, avec ma troupe, proposant une performance spécialement conçue pour l’endroit, petit format de poche façon cabaret où l’on chantait les alexandrins de Fred en résumant la crise des subprimes. La salle était comble, la jubilation au rendez-vous, et j’avais découvert Hossein et son antre magique, que je n’ai plus quittés, ni l’un, ni l’autre.

Me voici donc, depuis, toujours fourrée ici, à siphonner des Mojitos jusque tard dans la nuit, et mon assiduité, sinon mon alcoolisme, ont manifestement convaincu Hossein que je ferai pour son association des Amis du Lieu-Dit une adéquate présidente. Il m’appartient désormais de me montrer digne de cet honneur, d’autant plus insigne que je ne suis pas d’ici. Car je ne suis pas d’ici. Je ne suis pas de Ménilmontant je suis de République ; pour venir je prends le métro. Oui : le Lieu-Dit c’est un endroit où je vais en métro, et d’où je rentre en titubant, car en général le métro est fermé depuis belle lurette quand je découvre qu’il serait sage d’aller dormir - et je ne le découvre que parce que ça ferme, parce qu’il est 2h du matin, et qu’il faut arrêter d’exploiter Guillaume, le chef de salle, et les autres membres du personnel, toujours adorables même quand ils sont exténués de nous entendre refaire le monde tandis qu’ils balaient les mégots sur la terrasse. C’est statistique : 3 fois sur 4, quand je viens au Lieu-Dit, je fais la fermeture, parce qu’il est presque impossible de quitter cet endroit tant que son cœur bat.

Et son cœur bat fort. Tout ce qui palpite en matière de lutte, de résistance, d’avenir à réinventer vient s’épanouir ici : Daniel Mermet vient y enregistrer ses émissions Là bas si j’y suis, la revue Ballast vient y célébrer la sortie d’un numéro papier, les Amis du Diplo y organisent rencontres et débats, les éditions La Fabrique y fêtent leurs gros anniversaires, bref - impossible de tout citer, ça me prendrait la nuit. Disons pour faire court que Lieu-Dit porte bien son nom : c’est un lieu du dire, un lieu pour dire, des choses importantes et plutôt radicales. Et plusieurs soirs par semaine, ici, donc ça bouillonne de dires. D’abord on écoute, on s’en met plein la tête et plein les tripes, d’aspirations révolutionnaires, de concepts subversifs, de critique radicale avec parfois des mots un peu compliqués, et puis tout plein de ça on se met à parler avec son entourage, des gens qu’on ne connaît pas et qu’on reconnaît pourtant. Puisqu’ils sont là, au Lieu-Dit, c’est donc que nous avons des choses à nous dire. Ça marche à chaque fois : on est venu tout seul, on se retrouve à dîner à 12, et de ces convives d’un soir on fait des complices durables : beaucoup, croisés ici, sont devenus mes amis.

(...)

Pourtant certains soirs, ici, on a bien cru qu’on allait y arriver, à le refaire, le monde, et tout de suite : lorsque Frédéric Lordon et Eric Hazan sont venus discuter ici, en public, du livre A nos amis que le Comité Invisible venait de publier, les caméras de Hors-Série étaient là : la salle était plus que pleine, et le trottoir devant la terrasse était bondé d’une foule impatiente, nerveuse, frustrée de n’avoir pu rentrer faute de place, en plus d’être exaspérée par la misère politique de notre sale époque. La tension était palpable, et dans les questions de la salle il y a eu des propositions, des élans, pour passer à l’acte tout de suite, puisque on est là, après tout pourquoi pas : commençons maintenant. Faisons quelque chose. Hossein, aux aguets, grand aigle ayant des yeux partout, était un peu crispé ; la révolution tout de suite, pourquoi pas, mais le bordel incontrôlable, sous sa responsabilité et sur son vieux parquet, ça lui mettait un peu la rate au court-bouillon.

Finalement on ne l’a pas faite, ce soir-là, la révolution. Mais ça reste un projet assez unanimement partagé, ici, on est d’accord sur le principe. Disons qu’on a encore quelques trucs à peaufiner. Et c’est pour ça, pour pouvoir les peaufiner, ces trucs, qu’on voudrait vraiment que ça dure, ici. Ton Lieu, Hossein, le nôtre, doit durer encore : sinon pour l’avenir de ce grand chambardement politique auquel nous travaillons chacun à notre manière, et souvent ensemble puisque tu sais nous rassembler, au moins pour le présent que nous partageons ici, chez toi, dans la joie très profonde que peut donner le présent quand on sait l’habiter.

Pour que ça dure, vous l’avez compris : il ne suffit pas que ce soir nous donnions dans l’élan généreux de l’instant, pour l’oublier demain quand s’évaporera l’ivresse. Il faut que ce soutien se pérennise, et que nous persistions, mois après mois, à rendre à ce Lieu ce qu’il nous donne, à prendre soin de lui comme il prend soin de nous, et que nous travaillions à sa sauvegarde comme il travaille à la nôtre. Parce que les luttes sont longues, qu’elles ne se soutiennent que des joies qu’on y trouve, et que ton lieu, Hossein, est le précieux incubateur des unes comme des autres. »


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