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Renoncement d'Hollande : un régime politique plus malade que jamais

Seul Pompidou ne s’était pas représenté. Il était mort avant

Le renoncement de François Hollande à la course présidentielle est une première dans l’histoire de la Vème République. Seul Pompidou ne s’était pas représenté. Mais c’est parce qu’il était mort avant la fin de son mandat. Une première, donc, qui révèle l’ampleur de la crise de régime actuelle, entre effondrement du bipartisme caractéristique de la Vème République et affaiblissement considérable de la figure du « monarque républicain » incarné dans le président. Ce renoncement ne règle donc en rien ni la fragmentation de la gauche, ni à cette crise de régime, et le patronat commence à s’interroger entre la joie de voir le PS défait pour les prochaines présidentielles, et l’inquiétude d’avoir (trop) ébranlé un système politique qui soutenait sa politique depuis 1958.

Arthur Fontane

2 décembre 2016

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Le seul problème qu’a réglé Hollande, c’est bien le sien : il n’aura pas à affronter une défaite à la primaire socialiste, à laquelle il aurait pu finir troisième voire quatrième dans le pires des scénarios, et il n’aura pas à subir l’affront d’être quatrième des présidentielles (dans l’hypothèse où il aurait gagné les primaires du PS). Il faut dire que Hollande a même réussi à régler ce problème « par en haut », en réussissant, malgré lui, à recevoir l’éloge de certaines personnalités, notamment Daniel Cohn Bendit, qui a décidément bien oublié 68 et a affirmé que « tous les ans, on va commencer à le regretter ».

Cependant, la sortie de Hollande ne règle en rien la question des primaires de la gauche –ou plutôt des primaires du PS, étant donné que les Verts, les radicaux et les communistes en sont exclus– avec toujours autant de candidats. Entre Valls, Montebourg, Hamon, Lienemann, Larrouturou et bien d’autres, aucun de n’émerge réellement dans un leadership incontesté, pas même Valls ni Montebourg. Tous sont plus ou moins liés à la politique du hollandisme et auront bien du mal à se distancier d’un bilan qui est aussi le leur. Alors que la primaire était bel et bien pensée pour relégitimer des candidats dont personne ne veut et leur donner un minimum de capital politique, cette tactique politicienne ne semble même plus fonctionner pour la gauche. En effet, la « grande primaire de la gauche » est devenue une primaire bien étroite où seul le PS peut participer. Cambadélis a d’ailleurs expliqué que celles et ceux qui avait voté à la primaire écolo et/ou qui se sentaient proches de Mélenchon n’étaient pas bienvenus à la primaire PS. Une manière encore une fois de creuser la tombe du système bipartisan cinquième-républicain. En somme, le parti n’est pas complètement sauvé d’une possible « pasokisation » après ce renoncement.

Par ailleurs, il est remarquable de voir à quel point les médias dominants, aux mains des milliardaires français, et la majorité de la classe politique s’accordent pour minimiser l’événement. Comme si voir le président de la République, pourtant au centre de tout le champ politique français, incapable de se représenter, était un signe de vitalité du système politique. Loin de régler la crise de régime dont il a été l’expression par sa « démission », Hollande en renoncement montre toute son ampleur. Quel que soit en effet le prochain candidat socialiste, puis le prochain président, l’affaiblissement de l’institution président de la République sera dure à rattraper. Or, cette institution est bien l’institution pivot de la Vème République, autour de laquelle s’organise toute l’action étatique, de l’activité législative à l’exécution des lois.

L’analyse de ces mêmes journaux et politicien se focalise d’ailleurs sur le livre d’Hollande, Un président ne devrait pas dire cela, pour souligner que toutes ces « bourdes » seraient autant de lignes rouges dépassées pour se dire de gauche. Certains, comme Claude Bartolone, se sont sentis blessés, d’autres déçus par ce livre, comme si celui-ci avait profondément affecté les bases sociales du PS. En réalité, le divorce de Hollande avec le « peuple de gauche » s’est fait bien avant, notamment autour de la déchéance de nationalité, et la mobilisation contre la loi El Khomri, qui a été l’un des mouvements sociaux les plus longs de l’histoire contemporaine française. Or, cette fracture n’est pas liée spécifiquement à Hollande, et on se demande comment Valls ou Macron, qui charrient eux aussi cet héritage antisocial, pourront reconquérir un « peuple de gauche » qui a divorcé avec le PS.

Cependant, cette situation est loin d’être très confortable pour le patronat, qui a tout de même su apprécier Hollande à sa juste valeur. Un article apparu dans L’Usine Nouvelle, l’organe central du patronat de la métallurgie montre d’ailleurs très bien cette reconnaissance, expliquant que Hollande a brisé trois « tabous » (nous devrions dire « piliers de la social-démocratie ») :

1. la cause des entreprises n’est pas opposée à celle des salariés et des ménages

2. il faut assouplir le droit du travail pour favoriser l’emploi

3. les entrepreneurs, mêmes riches, ne sont pas à honnir.

Ces trois conclusions de l’hebdomadaire des maîtres des forges sont tout de même à relativiser : loin d’avoir réussi à faire accepter ces reculs idéologiques pour notre classe sociale, la résistance importante qui est survenue lors du mouvement contre la loi-travail montre bien que ces énoncés ne sont pas partagés par la grande majorité du monde du travail et de la jeunesse. La conclusion qu’en tirent celles et ceux qui gouverneront surement après mai 2017 est qu’à défaut d’avoir ce PS capable de canaliser la colère de manière « pacifique », d’autres moyens de gouvernements devront être utilisés. Plus de violence et d’imposition donc, à l’instar d’ailleurs des menaces de Fillon à la CGT dernièrement. Mais un certain degré de « dialogue », d’où l’idée de nommer à Matignon Gérard Larcher, fin connaisseur des relations sociales puisque ministre du travail sous Raffarin et Villepin au début des années 2000.


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