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Reportage

Schneider Electric : les salariés en grève reconductible face à la fermeture du site de Lattes

Reportage. Alors que le cours de l'entreprise au CAC 40 a augmenté de 29,3% en 2020, le groupe prévoit de supprimer 400 emplois. Mobilisés depuis le 8 janvier, les 80 salariés de Schneider Electric Lattes, près de Montpellier, se battent face à la fermeture de leur usine. Certains ont débuté une grève de la faim.

Flo Balletti

18 janvier 2021

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L’énième mauvaise nouvelle est tombée le 16 septembre dernier à l’usine Schneider Electric de Lattes, près de Montpellier. L’annonce de la fermeture du site est la dernière étape de liquidation des sites héraultais minutieusement opérée par le groupe. L’atelier de La Pompignane à Montpellier a d’abord été supprimé, en 2013. Puis ce fut le tour du site de Mudaison, fermé en 2017, et dont les activités ont été transférées sur Mâcon (Saône-et-Loire) et Aubenas (Ardèche). Enfin, la fermeture de Fabrègues, suite à deux mal nommés « plans de sauvegarde de l’emploi » (PSE), en 2015 et 2018.

L’annonce de la fermeture du site de Lattes s’inscrit dans cette stratégie patronale de licenciements à tout va. Les activités de production étant délocalisées principalement en Inde, en Chine, en Turquie ou en Hongrie. Depuis 2011, le nombre d’emplois au sein de Schneider en France diminue en moyenne de 500 postes par an, passant entre 2011 et 2019, de 19 000 à 14 500 salariés.

« Schneider et les CAC40 voleurs »

Pourtant, la santé économique du groupe est plus que florissante. « La capitalisation de Schneider c’est 70 milliards, et quand vous voyez que derrière, ils rechignent à nous donner une prime de préjudice pour que les salariés sortent du conflit, et quittent Schneider la tête haute… », nous explique Jean-Charles Bigotières, délégué syndical FO. Les profits réalisés par le groupe industriel font tourner la tête. Schneider a réalisé 2,4 milliards d’euros de bénéfices nets en 2019. Il a été nettement moins touché que d’autres groupes par la pandémie de Covid-19 : avec une hausse de 29,3% au CAC40 en 2020, le groupe a réalisé la 2ème hausse la plus forte derrière Hermès… Alors que la direction du groupe annonçait la suppression de 400 emplois, dans le même temps, les actionnaires étaient rétribués de dividendes en hausse de 8,5% sur un an.

N’ayant pas la moindre estime pour ses salariés, Schneider les sacrifie afin de « réduire ses coûts » en main d’œuvre. C’est ce que souligne le site pro-patronal Capital, louant la progression en bourse de Schneider, dont l’action a plus que doublé depuis la crise du Covid-19 et le premier confinement en mars : « A moyen terme, le groupe se dirige vers une amélioration structurelle des marges et de la génération de liquidités, soutenues par une réduction des coûts et une réorientation vers plus de logiciels et de services. […] Témoignage de l’efficacité de son modèle d’activité, Schneider Electric a relevé ses objectifs 2020 fin octobre, une rareté au sein de la cote parisienne. »

D’ailleurs, la fermeture du site de Lattes, spécialisé dans la fabrication des disjoncteurs moyenne tension et ampoules à vide, s’inscrit dans un continuum d’incessantes restructurations des usines de l’ancienne activité T&D d’Areva, rachetée par Schneider en 2000. Depuis 2011, sept sites ont déjà été fermés en France. Pour le second semestre 2021, le groupe souhaite encore fermer trois sites : Lattes (80 salariés), Saumur (Maine-et-Loire, 74 salariés), et Le Fontanil-Cornillon (183 suppressions de postes), près de Grenoble.

Les salariés en grève pour leur dignité, des indemnités de licenciement et une « prime préjudice »

L’annonce de la fermeture en septembre dernier a eu des répercussions directes sur la santé des ouvriers de Lattes. Le délégué syndical FO expliquait ainsi dans L’inFO militante, en octobre dernier que « depuis l’annonce de la réorganisation, il y a trois semaines, une cinquantaine de salariés sur 78 ont été déclarés comme étant en danger grave et imminent (DGI). Et je ne parle pas des arrêts maladie, qui se multiplient. La direction a dépêché, la semaine dernière, un psychologue sur le site. Les salariés, en production, dans les bureaux, ne savent pas ce qu’ils vont devenir ».

Le bassin d’emplois industriels a été décimé ces dernières années. « A l’époque de la mise en vente d’Areva T&D, nous étions 1 200 salariés sur le bassin d’emplois. Demain, il n’en restera que 270. Il n’y a plus de perspective de reclassement en proximité chez Schneider Electric », poursuit le délégué syndical. Pour les ouvriers, hors de question d’être reclassés à des centaines de kilomètres de Lattes. Fiers de leur savoir-faire spécifique développé dans l’usine depuis des décennies autour de la production de disjoncteurs moyenne tension et d’ampoules à vide, ils regrettent cette perte de compétences dans la région.

Les grévistes ont appris à ne plus faire confiance à une direction qui pourrait encore prévoir de supprimer ces mêmes postes reclassés « dans deux ou trois ans ». C’est ce qu’ont également compris les salariés de Schneider Electric Saumur et Mâcon avec des jours de grèves et des débrayages.

Face à cette énième offensive patronale, les salariés de Schneider Electric Lattes ont décidé de se battre en instaurant le rapport de force le plus efficace par la grève face à la direction. Le 8 janvier, ils ont stoppé la production une première fois. Puis une nouvelle fois le jeudi 14 janvier. Face au mutisme de la direction, ils ont décidé de durcir le ton : la grève est passée en reconductible.

La grève a déjà eu un premier effet : forcer la direction à discuter avec l’intersyndicale locale FO-CGT. Une réunion devait avoir lieu cette après-midi. Les grévistes réclament une « prime préjudice » et des indemnités de licenciement minimales de « 25 000€ pour tous », alors que Schneider brasse des milliards. Excédés, certains d’entre eux ont entamé une grève de la faim.

Le rapport de force instauré par la grève reconductible, la solidarité des travailleurs du bassin et de la jeunesse, les liens tissés avec les autres secteurs en lutte sont le meilleur moyen pour que les grévistes obtiennent satisfaction de leurs revendications face à des patrons voyous.


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