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Procès-scandale d'un ex-conseiller de l'Elysée

Sarko-système. Les petites affaires de Monsieur Pérol

Camilla Ernst Le procès de François Pérol vient de s’ouvrir, le lundi 22 juin, au Tribunal de grande instance de Paris. Pour ce procès qui devrait durer une semaine, un témoin a refusé de se rendre à la barre : un certain Nicolas Sarkozy, alléguant de son immunité constitutionnelle d'ancien président de la République pour les actes accomplis dans ses fonctions. Pérol, ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée sous Sarkozy, est poursuivi pour « prise illégale d'intérêts », ayant accepté la direction du groupe BPCE (Banque Populaire-Caisse d'Epargne) en mars 2009, après en avoir orchestré la fusion au cours des mois précédents. Encourant une peine de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende, on l’aura compris : derrière les petites affaires de Monsieur Pérol, c’est l’ancien système Sarkozy qui est dans le viseur.

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Sarko-Pérol, une affaire qui roule… vite

Quand on s’intéresse à ce dossier politico-financier, tout converge vers la mainmise de la présidence de la République sur les Caisses d’épargne. En 2008, après avoir réclamé la démission de Charles Milhaud, alors patron du groupe qui vient de subir une perte de 800 millions d’euros, aussitôt remplacé par Bernard Comolet, Sarkozy crée sous le nom de code « Séquana » le projet de fusion des groupes Banque Populaire et Caisse d’Epargne dans le but d’accélérer le processus de rapprochement entre les deux banques mutualistes. Il s’agit d’une priorité, aussi bien pour l’Elysée et son secrétaire général adjoint, François Pérol, que pour le gouverneur de la Banque de France de l’époque, Christian Noyer.

C’est donc Pérol qui se chargera d’un dossier qu’il connaît déjà bien, pour l’avoir suivi depuis son poste au cabinet du ministre Francis Mer, à Bercy, en 2003. La crise économique sera le prétexte idéal pour sceller l’accord : les deux groupes mutualistes ayant besoin d’argent public en urgence, leurs patrons respectifs, Bernard Comolet et Philippe Dupont, se voient dicter ses exigences par le président de la République lors d’une convocation à l’Elysée, le 21 février 2009. En échange des cinq milliards d’euros versés par l’Etat pour renflouer leurs caisses, ils doivent accepter que ce soit Pérol qui dirige le groupe qui émergera de la fusion, conformément à une note que ce dernier avait préalablement adressée au chef de l’Etat : « il y a urgence à réaliser ce rapprochement (…). Je vous propose de leur faire part de la position définitive de l’Etat (…) sans laisser trop de place à la discussion. »

Afin d’assurer la nomination de Pérol dans la semaine, Sarkozy et son secrétaire général, Claude Guéant, décident de passer outre la nécessité d’obtention de l’aval de la Commission de Déontologie, qui aurait impliqué un délai de trois mois supplémentaire. Ils se contentent d’une lettre de son directeur, Olivier Fouquet, précisant les conditions de saisine de la commission, qu’ils brandissent comme feu vert. Un admirable « habillage déontologique ».

C’est beau, le devoir

Le 18 mars 2009 l’association de lutte contre la corruption Anticor dépose une plainte pour prise illégale d’intérêts, suivie par une plainte des syndicats SUD et CGT de la Caisse d’Epargne. En effet, le Code pénal interdit, pour éviter tout conflit d’intérêt, à un fonctionnaire ou un agent public de travailler pour une entreprise qu’il a surveillée, avec laquelle il a conclu un contrat, sur laquelle il a donné des avis ou proposé des opérations à l’autorité compétente, dans un délai de trois ans. Mais l’affaire est classée sans suite par le Parquet de Paris.

L’affaire Pérol ne sera donc réouverte qu’en 2014 par le juge Roger Le Loire. Pour sa défense, Pérol déclare n’avoir jamais été candidat pour ce poste, qu’il aurait accepté par devoir. Il assure, par ailleurs, n’avoir joué qu’un rôle d’information dans un dossier qu’il considérait comme un « petit sujet dans son emploi du temps ». Il n’aurait, selon lui, rencontré que « trois ou quatre fois » les dirigeants des banques alors que l’analyse de son emploi du temps révèle quatorze rendez-vous entre octobre 2008 et février 2009.

Le rôle de l’ancien locataire de l’Elysée

Présenté comme un plan de sauvetage d’urgence des deux groupes mutualistes en pleine crise, il apparaît que le dossier de fusion des deux banques et la nomination de Pérol à la tête du nouveau groupe était prévu de longue date. De Philippe Dupont à Stéphane Richart (alors directeur de cabinet à Bercy), en passant par Alain Minc, tous s’accordent sur la prise en main du dossier par Sarkozy, qui était celui qui parlait et animait les réunions à l’Elysée. Pérol était le seul à pouvoir incarner « la mise sous tutelle d’Etat (…) pour rassurer le marché ».

François Sureau, avocat de la Caisse d’Epargne, confirme ces informations, par ailleurs : « avoir le plus proche collaborateur de Nicolas Sarkozy servira nos intérêts par rapport aux banquiers commerciaux ». Personne n’est dupe quant au caractère éminemment politique de la nomination de Pérol, sous le régime d’un hyperprésident cherchant à concentrer tous les pouvoirs de décision.

Le cas de François Pérol s’inscrit dans une longue série de nominations scandaleuses durant le quinquennat Sarkozy, dans tous les secteurs de la fonction publique à la fonction privée, « d’amis du président ». C’est ce qui a conduit aux nombreuses accusations de népotisme et de conflits d’intérêts de la part de la gauche durant la campagne présidentielle de 2012 dans ce que Hollande a appelé « l’Etat UMP ».

Un procès qui tombe à pic pour Hollande

Si le Parquet de Paris avait classé sans suite la plainte d’Anticor et des syndicats en 2009, le Parquet a validé en 2014 l’accusation lancée par le juge Le Loire, après examen de l’enquête sur la nomination de Pérol que le juge a menée pendant deux ans. Inutile de dire que, pour Hollande, le procès tombe à pic.

C’est un autre proche de Sarkozy qui est mouillé dans une affaire, ce qui contribue à entretenir le climat trouble qui règne autour du principal concurrent de l’actuel président dans la course à l’Elysée de 2017. De là à savoir si cette nouvelle pièce à conviction dans la « berlusconisation » de Sarkozy sera suffisante pour convaincre l’opinion publique qu’un « Hollande-honnête » vaut mieux qu’un « Sarko-pourri »…

22/06/15


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