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Edito

Retraites, inflation, crise énergétique : janvier des crises ou janvier des grèves ?

Crise énergétique, salaires et inflation, réforme des retraites : tous les éléments sont là pour un mouvement d’ensemble de notre classe en janvier. Face à la détermination du gouvernement, les directions du mouvement ouvrier semblent bien timides.

Arthur Nicola

6 décembre 2022

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Crédits photo : O Phil des Contrastes - Manifestation contre la réforme des retraites, décembre 2019

Y aura-t-il un janvier de la colère ? Entre l’inflation qui continue à grimper, les délestages annoncés par RTE, la neuvième vague de covid et l’annonce prochaine de la réforme des retraites, la crainte d’une jonction entre ces crises grandit ces dernières semaines du côté du gouvernement.

Des crises qui s’additionnent pour le mois de janvier

Les faits sont là : pendant que Bruno Le Maire déclare que « le pic de l’inflation n’était pas passé et qu’Il durera encore quelques mois, ça va continuer à augmenter », le 1er janvier 2023 se fera sous le signe de la fin de la remise à la pompe de 10ct du gouvernement, et l’augmentation des prix de 15% des prix du gaz. Dans ce contexte, les entreprises continuent à refuser les augmentations de salaires et la seule proposition du gouvernement, le dividende salarié, est refusée par le Medef. Dans le même temps, le Covid revient avec une neuvième vague liée à la politique catastrophique du gouvernement qui le met en difficulté.

Du côté des retraites, alors qu’Elisabeth Borne doit présenter un projet déjà ficelé le 15 décembre prochain, un sondage Elabe pour Les Echos est venu rappeler ce que l’on savait déjà : 75% de la population pense que repousser l’âge de départ à la retraite n’améliorera pas l’emploi des séniors, pourtant l’un des objectifs affichés du gouvernement pour la réforme, tandis que 70% des Français sont explicitement opposés à la hausse de l’âge légal..

De quoi inquiéter les éditorialistes patronaux. Pour Guillaume Tabard du Figaro, le spectre d’une mobilisation sur la réforme des retraites est certain : « On sait d’avance que le refus syndical sera total sur un report de l’âge légal, quels que soient les éventuels avancées ou accords sur les autres points de la réforme. On sait encore que les agents de la RATP et de la SNCF entreront dans la danse (…) ». « Après décembre et les fêtes, il y a un autre mois qui tétanise le pouvoir. En janvier 2023, la ristourne essence sera supprimée, le bouclier tarifaire protégera un peu moins (+15 % sur l’électricité et le gaz), la réforme des retraites sera présentée. Que produira le cocktail ? » s’interroge de son côté Cécile Cornudet.

Si le gouvernement est conscient du risque de mobilisation, son inquiétude centrale reste pour l’heure la gestion de la crise énergétique. « Il faut se préparer à tous les scénarios, c’est que l’on a fait », expliquait lundi Gabriel Attal à Apolline de Malherbe. Face à l’inquiétude grandissante, et les critiques sur les choix des délestages, Emmanuel Macron a de son côté dû recadrer son gouvernement pour limiter la panique sur la question. « Le rôle du gouvernement, c’est de faire leur travail pour fournir de l’énergie, ce n’est pas de commencer à faire peur aux gens avec des scénarios absurdes. Les scénarios de la peur, pas pour moi » a-t-il déclaré lundi, visiblement énervé.

Les directions syndicales toujours pas en ordre de bataille

Alors que tout semble en place pour un janvier de colère, l’attitude des directions syndicales contrastent avec la colère et l’inquiétude des travailleurs et des classes populaires. Après avoir joué le jeu du dialogue social à travers les concertations avec le gouvernement, d’abord sur l’assurance chômage puis sur la réforme des retraites, celles-ci continuent de temporiser sur un éventuel plan de bataille contre le patronat et le gouvernement.

Certes, après des semaines de « dialogue social », une intersyndicale large s’est tenue le 5 décembre. Les organisations du mouvement ouvrier et de jeunesse y ont réaffirmé « leur détermination à construire ensemble les mobilisations passant par une première date de mobilisation unitaire avec grèves et manifestations en janvier si le gouvernement demeurait arcbouté sur son projet. » Mais les directions syndicales préfèrent attendre avant de communiquer le moindre plan.

Alors que le gouvernement rassemble ses forces pour la bataille et veut tenter le tout pour le tout en janvier, cette temporisation est loin d’être à la hauteur de l’urgence de de préparer l’ensemble des travailleurs à un mouvement dur.

Retraites, crise énergétique, inflation : l’heure est à la construction d’un mouvement d’ensemble !

D’autant que dans le même temps, les grèves essaiment d’ailleurs le territoire, revendiquant des hausses de salaire. Chez Sanofi, les salariés de 16 sites sont en grève depuis le 14 novembre pour réclamer 500€ d’augmentation. A la RATP, les salariés sont en grève depuis plus d’un mois, pour 300€ d’augmentation. Chez RTE, les syndicats réclament 7% d’augmentation, tout comme ceux de GRDF. Pour Sanofi comme la RATP, ce sont des grèves reconductibles qui se maintiennent de jour en jour malgré le black-out médiatique.

Ainsi, la possibilité d’un mouvement social d’ensemble est clairement à l’ordre du jour tant les colères commencent à s’accumuler. D’autant que celui-ci est plus que jamais vital pour notre classe. Pour ne pas payer la crise, il va falloir lutter contre le report de l’âge de départ à la retraite, pour des augmentations massives des salaires, leur indexation sur l’inflation et contre les augmentations des prix.

L’argent est là, dans les poches du patronat, pour augmenter les salaires et les retraites : à elles seules, les entreprises du CAC40, qui emploient 5 millions de personnes de par le monde, affichaient 73 milliards de bénéfices pour le premier semestre.

La grève contre la réforme des retraites en 2019 l’avait montré : ce n’est que face à une grève reconductible interprofessionnelle que le gouvernement reculera. Ni une guérilla parlementaire qui se règlera au 49.3 ni des journées isolées toutes les trois ou quatre semaine (comme en 2010) ne permettront de faire Macron qui joue son avenir sur cette réforme. De même, les récentes grèves pour les salaires, y compris dans des secteurs stratégiques, ont montré combien le patronat était prêt à tout pour éviter de concéder de réelles augmentations.

Pour préparer un tel mouvement, il faudra cependant poser de premières échéances pour mobiliser et convaincre les salariés de la nécessité de la grève et d’arrêter l’économie. Les grèves d’une journée n’y arriveront pas : il faut plus que 8h de travail pour arrêter les entreprises et arrêter les profits des patrons. 72h de grève, dès janvier, permettraient d’amorcer un véritable mouvement et un vrai rapport de force. Le mouvement ouvrier doit s’y atteler dès maintenant.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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