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Coronavirus

Reprise de l’épidémie : les prémices d’une deuxième vague en France

Depuis la fin juillet, tous les indicateurs montrent que la propagation du coronavirus s’est nettement intensifiée en France. Les indicateurs sanitaires se dégradent de jour en jour depuis la mi-août ; pire, le nombre de nouvelles admissions dans les services de réanimation augmente chaque jour un peu plus sur fond de mesures sanitaires largement insuffisantes pour limiter la propagation de l'épidémie dans de nombreux secteurs.

Inès Rossi

11 septembre 2020

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Crédit photo : AFP / Christophe ARCHAMBAULT

Une situation sanitaire préoccupante

Le 6 septembre, la France a atteint un seuil inédit depuis le déconfinement : plus de 80 personnes ont été placées en soins intensifs rapporte Le Monde, alors que le précédent record datait du 19 mai avec 69 nouvelles admissions en réanimation. En tout, 615 personnes sont actuellement en réanimation des suites du Covid-19, la barre des 600 patients ayant été dépassée pour la première fois depuis la fin juin. Même constat pour les hospitalisations quotidiennes : le 8 septembre, 490 personnes ont été hospitalisées, chiffre proche du pic atteint le 13 mai, avec ses 543 hospitalisations.

L’inquiétude est encore plus grande quand on sait que les chiffres des hospitalisations sont la conséquence directe de la situation épidémique d’il y a deux semaine, laissant craindre le pire pour les deux semaines à venir : les cas graves, nécessitant une hospitalisation, voire un placement en soins intensifs, ne manqueront pas d’augmenter. À titre d’exemple, en Guadeloupe, le CHU de Pointe-à-Pitre est, selon le directeur de l’établissement, au bord de la « saturation » face à l’« afflux continu et grandissant de patients » Covid-19. En moins d’un mois, le nombre de patients hospitalisés atteints de Covid-19 est passé de 4 à 50. À Marseille, le CHU a vu ses cas de réanimation doubler en 8 jours. Une dynamique de seconde vague qui ressemble à celle qui frappe des pays voisins comme l’Espagne où la situation est plus grave encore, avec 8964 cas positifs annoncés mardi et 261 décès la semaine dernière tandis qu’en Grande-Bretagne, face au rebond du virus, le gouvernement a annoncé lundi l’interdiction des rassemblements de plus de six personnes. Pourtant, la situation sanitaire en Europe est loin d’être uniforme. En Allemagne, la situation sanitaire reste sous contrôle de sorte que la circulation du virus reste basse. Un contraste qui illustre aussi les différences de gestion de la crise sanitaire.

Et pour cause, en France, le gouvernement a encouragé la reprise à tout prix sans mesures sanitaires à la hauteur, refusé la gratuité des masques, tout en faisant le choix du tout répressif en matière de gestion de l’épidémie. C’est ce que note Médiapart qui pointe « le choix non assumé d’une circulation haute du virus ». « Sans le dire, le gouvernement et ses autorités sanitaires n’ont pas choisi le modèle des pays asiatiques, de la Corée du Sud à la Nouvelle-Zélande, en passant par l’Australie. Ceux-ci tolèrent une très faible circulation du virus. À la moindre augmentation, ils dépistent et isolent massivement, reconfinent localement et strictement s’il le faut. Quand Melbourne a été reconfiné fin juillet, avec un couvre-feu, l’Australie comptait 600 cas par jour. La France en a aujourd’hui 7 000 quotidien, près de 50 000 par semaine » analyse le journal.

Dès lors, c’est essentiellement sur la responsabilité "individuelle" que l’exécutif cherche à mettre en cause pour se dédouaner d’une stratégie qui, selon 35 scientifiques, universitaires et professionnels de santé, relève davantage d’une « posture protectrice » que d’une stratégie sanitaire précise. En déplacement à Ajaccio, Macron a déclaré hier que des mesures seraient prises aujourd’hui, sans plus de détails, mais a aussi insisté sur la fameuse responsabilité individuelle des Français : « Nous sommes toutes et tous les dépositaires de cette lutte contre le virus par notre discipline à respecter les gestes barrières, mais aussi dans notre discipline dans le cadre familiale. On s’aperçoit qu’il y a beaucoup de contaminations en privé. Si nous avons tous et toutes cette discipline, je pense que nous pourrons faire face. »

Priorité à l’activité économique : une gestion sanitaire toujours catastrophique

Si le chef de l’État insiste autant sur la responsabilité individuelle, c’est pour mieux dissimuler son absence de plan effectif contre la propagation du virus. La rentrée des classes en est sans doute un des meilleurs exemples : les écoles ont rouvert sans personnels supplémentaire, distribution de masques, ou aménagement des lieux (de toute façon impossible vu le surchargement des classes) pour assurer une organisation efficace contre l’épidémie. Résultat des courses, à 10 jours de la rentrée : déjà 32 écoles et 524 classes fermées en France, et des personnels, parents et élèves laissés sans directives en cas de Covid, comme au lycée Paul Éluard à Saint-Denis, où les personnels ont fait valoir leur droit de retrait suite à plusieurs cas de Covid-19 chez les élèves sans mesures prises par l’ARS.

La désorganisation de cette rentrée n’est que plus évidente lorsqu’on la compare à la rentrée en Italie, un des pays les plus touchés d’Europe, où les écoles n’ont pas rouvert depuis la fin du confinement. Elles ne rouvriront que lundi prochain, avec un protocole sanitaire à mille lieues de celle mise en avant par le gouvernement en France : plus de 5000 nouvelles salles de classe ont été créées et près de 5000 existantes ont été agrandies, des bureaux individuels espacés d’un mètre ont été installés, et l’État s’est engagé à fournir chaque jour 11 millions de masques, gratuitement, aux élèves et aux personnels. Et si les élèves français doivent attendre parfois jusqu’à une semaine pour se faire tester en cas de symptômes, et donc pour savoir s’ils peuvent retourner ou non en cours, les élèves italiens auront une prise de température quotidienne, et une salle dédiée à la quarantaine en cas de suspicion de Covid.

De fait, comme l’a déclaré Elisabeth Borne la semaine dernière, « a priorité c’est que les parents puissent continuer à travailler ». Le gouvernement est ainsi poussé par l’impératif absolu du redémarrage de l’économie, après de longs mois au ralenti, voire à l’arrêt, ce qui explique son empressement à organiser une rentrée des classes, aussi désorganisée soit-elle. Cette logique de la rentabilité à tout prix est aussi celle qui a causé la destruction de l’hôpital public par les gouvernements successifs, avec les conséquences désastreuses que l’on connaît sur la gestion de la crise sanitaire ; c’est également cette logique qui fait que le gouvernement renvoie les personnes vulnérables travailler en dépit du bon sens.

Car depuis le premier septembre, la grande majorité des personnes vulnérables susceptibles de développer des cas graves de Covid-19, ainsi que les membres de leurs foyers, ne peuvent plus bénéficier des dispositifs de chômage partiel mis en place pendant le confinement. Une nouvelle expression des contradictions d’une gestion pro-patronale de la crise.

En parallèle de ces mesures minimales, le gouvernement n’hésite en revanche pas à déployer une politique répressive. On a ainsi pu voir ces dernières semaines la police contrôler le port du masque devant des écoles, tandis que plusieurs vidéos de contrôles et d’interpellations violentes sous couvert d’absence de masques ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Un deux poids deux mesures entre les mesures de prévention et la répression, qui alimente le sentiment « anti-masques » d’une partie de la population, voyant dans cette obligation une manipulation du gouvernement.

Face au rebond de l’épidémie, la nécessité de revendiquer des mesures sanitaires à la hauteur

C’est dans un tel contexte que Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique affirmait il y a quelques jours que « Face au rebond de l’épidémie, le gouvernement sera obligé de prendre des décisions difficiles ». Dans ce cadre, le gouvernement devrait faire des annonces aujourd’hui à l’issue du Conseil de Défense. Ces annonces devraient renforcer un certain nombre de mesures sanitaires dans les zones où le virus circule activement. Plusieurs possibilités sont évoquées, comme l’évolution des méthodes de dépistage, la généralisation dans les zones rouges du port du masque à l’extérieur, des conditions plus restrictives d’ouverture des bars et restaurants, voire même l’interdiction des rassemblements publics.

Mercredi, interrogé par des journalistes, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal s’est refusé à répondre clairement quant à la possibilité de reconfinements localisés ou d’interdiction des rassemblements, mais a re-précisé la vision du gouvernement : « Mettre la France sur pause parce qu’il y a l’épidémie empêcherait les Français de se projeter dans l’avenir, et arrêter les réformes serait une erreur pour la capacité du pays à redémarrer ». Il est ainsi clair que les décisions prises sur le terrain sanitaire, seront subordonnés à la volonté du gouvernement de maintenir l’activité économique au plus haut niveau possible.

Dans une telle situation, le monde du travail devra se mobiliser non seulement face à la crise, mais aussi pour exiger des moyens sanitaires à la hauteur, des masques gratuits pour toutes et tous, des moyens à la hauteur des besoins dans l’Education Nationale, les Universités, les Transports et l’ensemble des entreprises. Il devra également refuser clairement toutes les mesures répressives que le gouvernement tente d’imposer sous-couvert de lutte contre l’épidémie. Si le confinement et la volonté des patrons et du gouvernement nous a appris quelque chose, c’est que l’arrêt effectif des productions non-essentielles et l’obtention de mesures sanitaires à la hauteur ne pourra être conquis que par les luttes, et que, laissée au gouvernement, la gestion sanitaire se transformera inéluctablement en attaque contre nos droits et en augmentation de la répression contre les plus précaires.


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