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Crise sanitaire

Reprise de l’épidémie : en campagne, Macron prépare ses annonces sur fond de tensions à l’hôpital

Alors que l’épidémie reprend, Macron s’exprimera ce mardi soir. Ses annonces pourraient renforcer l’autoritarisme sanitaire, déjà marqué par la prolongation du pass sanitaire la semaine dernière, mais également permettre à Macron d’avancer dans sa pré-campagne présidentielle.

Paul Morao

8 novembre 2021

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Crédits photo : AFP

La reprise de l’épidémie est désormais incontournable. Après des semaines de progression, le taux d’incidence national atteignait 69,25 jeudi dernier à l’échelle nationale et connaît une croissance continue. Dans ce cadre, le spectre d’une cinquième vague inquiète, alors que les pays de l’Est de l’Europe sont violemment touchés de même que l’Allemagne. Ce week-end, l’OMS évoquait ainsi le danger de centaines de milliers de morts supplémentaires cet hiver en l’absence de mesures adéquates.

Certes, le taux de vaccination de la population française va atténuer les conséquences d’une cinquième vague en formation. Mais la crainte existe d’un scénario à l’allemande dans l’hexagone, avec l’émergence d’une nouvelle vague de l’épidémie touchant prioritairement les « non-vaccinés ». Un scénario d’autant plus inquiétant qu’à l’hôpital, les soignants sont exténués par une année et demie de crise sanitaire et le manque de moyens, l’autoritarisme de Macron, son mépris des soignants et les menaces de licenciement. Autant d’éléments qui ont aggravé la situation, provoquant une pénurie de soignants et la fermeture de 20% des lits selon le Conseil Scientifique, chiffre que le gouvernement cherche à battre en brèche, affirmant qu’il ne serait en réalité que de 6%.

Si l’hôpital public demeure ainsi en crise profonde du fait de l’absence de plan d’investissement massif du gouvernement, les difficultés pourraient être renforcée par une épidémie de grippe potentiellement virulente cet hiver. D’ores et déjà la directrice de l’ARS en Ile-de-France explique dans Les Echos que « le problème n’est pas le Covid, peu dynamique à ce stade. Ce sont les tensions très fortes sur la bronchiolite, et les postes qui restent vacants alors qu’ils sont intégralement financés ». C’est dans ce contexte d’inquiétude suscitée par la reprise de l’épidémie qu’Emmanuel Macron doit s’exprimer ce mardi soir.

Macron face aux limites de son autoritarisme sanitaire à quelques mois de la présidentielle

Alors que mercredi dernier, le gouvernement annonçait le retour du masque à l’école dans les départements où le taux d’incidence était au-dessus de 50, Emmanuel Macron devrait chercher à conjurer mardi l’idée d’un « échec » de sa part autant qu’à annoncer des mesures pour limiter les conséquences de la reprise.

Sur le premier point, le discours semble rôdé, à force d’avoir été répété au cours des vagues successifs : mettre en avant le « relâchement des gestes barrières », reporter la faute sur la population. Bref, tenter d’exonérer ce qui pointe les limites d’une stratégie centrée sur l’autoritarisme sanitaire, sur laquelle Macron a tout misé en la prolongeant encore récemment jusqu’à l’été prochain.

Certes, une partie importante de la population est vaccinée, avec 89% de la population de plus de 12 ans. Mais cette politique, au prix d’une restriction de nos libertés, n’a pas permis d’atteindre l’immunité collective, laissant une poche de circulation telle qu’elle ouvre la voie à une nouvelle reprise de l’épidémie. Indépendamment de son caractère autoritaire, le pass sanitaire a même induit un effet contre-productif, créant un faux sentiment de sécurité, alimentant l’abandon des gestes barrières, notamment dans les bars et restaurants, alors que la vaccination n’empêche pas totalement la contamination. En outre, plusieurs millions de personnes restent encore non-vaccinées, dont plus de deux millions de personnes de plus de 50 ans.

Pour répondre à la reprise de l’épidémie, Macron entend se concentrer sur l’enjeu de la troisième dose de vaccin chez les personnes vulnérables, qui permet de stimuler une immunité acquise dont on sait qu’elle tend à décroître au fil des mois. Sur ce terrain, l’interrogation principale réside dans les modalités de cette incitation qui devraient être annoncées demain. Macron choisira-t-il un autoritarisme encore renforcé, en intégrant la troisième dose au pass sanitaire, renforçant ainsi un autoritarisme sur l’ensemble des personnes vulnérables mais également d’une partie du monde du travail ?

« Si au bout d’un certain temps, le vaccin n’est plus actif et qu’il faut une dose de rappel, il y a une certaine logique à le lier au pass sanitaire » expliquait ce week-end la députée LREM Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois à l’Assemblée nationale, sur France Info. A l’inverse, pour Richard Ferrand ce dimanche, ce scénario ne serait « à ce stade pas sur la table. » L’idée suscite en tout cas déjà la contestation, y compris d’institutions comme l’Académie de Médecine qui pointe « une discrimination injustifiée à l’égard des personnes les plus vulnérables qui ont déjà accepté de recevoir les deux premières doses de vaccin »… tout en semblant pencher en faveur d’une coercition envers les personnes non-vaccinées.

Macron devrait également avoir quelques mots pour les soignants, alors que la pénurie entraîne des conséquences graves dans de nombreux centres hospitaliers. Une crise que le gouvernement n’a rien fait pour résoudre, quand il ne l’a pas aggravé, et qui constitue aujourd’hui un facteur décisif de risques en cas de nouvelle vague conjuguée à une reprise des virus hivernaux traditionnels.

COP26, miettes pour les jeunes, réforme des retraites : Macron en campagne

Alors que le terrain sanitaire semble peu porteur pour le candidat, Macron devrait également profiter de l’allocution pour ouvrir d’autres sujets dans le cadre de sa (pré)campagne pour 2022. La crise sanitaire a en effet coupé Macron dans un élan marqué par l’affichage de sa volonté de préparer de nouvelles réformes, avec les récents États généraux de la Justice, et par sa tentative de se projeter dans l’après-2022, à l’image du plan France 2030.

En ce sens, BFM TV note : « Emmanuel Macron doit profiter de cette allocution pour faire le service après-vente des réformes entreprises depuis septembre, et en profiter pour justifier la prolongation du pass sanitaire jusqu’en juillet prochain. Il doit aussi reparler du "revenu d’engagement" (…). L’épineux sujet des retraites sera également abordé (…). Un mot sur la COP26 est également prévu. » Une allocution aux accents de campagne présidentielle donc, avec au menu un retour sur les derniers mois et les prochaines années espérées.

Sur ce plan encore, la tonalité est connue. Des cadeaux au patronat par milliards, alors que le gouvernement a annoncé cette semaine la prolongation des prêts garantis par l’Etat jusqu’à l’été 2022, et des attaques contre nos acquis dans la continuité de la contre-réforme de l’assurance-chômage. Même les prétendus mesures sociales cachent mal des attaques, à l’image du « revenu d’engagement » visant à pousser la jeunesse à accepter des emplois précaires.

Dans ce tableau, la COP26 pourrait servir de faire-valoir international à Macron, désireux de retrouver les accents du Jupiter de 2017, et de séduire un électorat de centre-gauche soucieux d’écologie. Un exercice hypocrite pour celui qui s’est affiché en champion de la limitation du réchauffement climatique en ouverture de la COP pour mieux défendre les intérêts des pollueurs. Ainsi, le chef de l’Etat milite pour que le gaz et le nucléaire soient considérés comme des énergies « vertes », tandis qu’il a refusé de prendre part à l’accord (non-contraignant et totalement insuffisant) sur le non-financement des projets fossiles à l’étranger. Et pour cause, l’Etat français est à la pointe du soutien à Total qui porte notamment un méga-projet pétrolier en Ouganda.

Quelles qu’elles soient, l’allocution de Macron ce mardi soir s’annonce ainsi comme une synthèse de son projet d’offensive contre notre camp, mâtinée de postures électoralistes. Sur le terrain sanitaire, il reste à voir si Macron ira encore un peu plus loin dans sa politique autoritaire et comment il cherchera à masquer sa responsabilité dans la déstabilisation profonde de l’hôpital public.


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