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TEMOIGNAGE

Réprimé lors d’un rassemblement contre la Loi Sécurité Globale, un prof raconte sa garde à vue

Arrêté lors du rassemblement contre la loi sécurité globale le 17 novembre, un professeur raconte sa garde à vue.

Correspondant-e

1er décembre 2020

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Crédit Photo : AFP/ Lionel BONAVENTURE

Mardi 17 novembre 2020, je suis allé avec des collègues à Paris afin de participer à la manifestation contre la loi de Sécurité Globale qui se déroulait à côté de l’Assemblée nationale. Vers 20h, le camion à eau arrosait les manifestants. Ayant sur moi mes affaires de travail dont un ordinateur portable, je ne pouvais pas me permettre d’être trempé. Je me suis retrouvé bloqué dans une rue. Puis des gaz lacrymogènes sont tombés sur les manifestants et moi-même. Je n’y voyais plus rien et, quand j’ai retrouvé la vue, j’avais perdu mes collègues.

Quelques minutes plus tard, j’ai retrouvé ma collègue, nous avons cherché une sortie afin de quitter la manifestation, mais nous ne savions pas vers où nous diriger. Des palets lacrymogènes continuaient de pleuvoir sporadiquement. Une annonce nous indiquait une dernière sommation avant usage de la force. Place Jacques Bainville, une annonce des CRS nous indiquait que nous pouvions sortir par la rue Saint-Dominique, mais nous nous demandions si c’était le bon endroit car le cordon de CRS laissait passer quelques individus puis se refermait aussitôt. Ils se sont finalement décalés pour de bon afin de nous laisser sortir de la manifestation.

Nous cherchions une station de métro pour pouvoir rentrer chez nous. Il y avait un groupe de CRS qui bloquait la rue à droite alors nous nous sommes engagés à gauche, dans la rue Saint Dominique. Mais en arrivant à l’intersection de la rue de Bellechasse des policiers arrivaient en courant par la droite. J’ai serré à gauche pour avancer en maintenant mon attention sur ce côté-là de la rue pour vérifier qu’il n’y avait pas de danger.

C’est à l’angle qu’un officier de la BRAV-M m’a attrapé par le bras en me disant « Par ici monsieur ». Un collègue à lui s’est directement précipité sur moi pour l’aider. « Tu avances et tu ne poses pas de questions ! » « Va là-bas, va t’asseoir, discute pas ! » J’avançais sans regarder où j’allais tout en essayant de demander des informations sur ce qu’il se passait. Au bout de la rue à l’intersection du boulevard Saint-Germain et la rue de Bellechasse un groupe d’individus était déjà assis, je comprendrais plus tard que certains étaient menottés.

Arrivés au bout de la rue, ils m’ont demandé de m’asseoir, violemment. Choqué je me suis donc mis à genou, mains sur la tête. Un CRS avait son Flashball à la taille et son canon n’arrêtait pas de passer devant mon nez. J’ai donc crié en disant de faire gaffe avec son Flashball. « Ce n’est pas un pistolet », m’a rétorqué un CRS, je me suis empressé de lui répondre qu’avec les dégâts que ça causait on était en droit de se poser des questions. Je commençais à faire beaucoup de bruit dans la rue et il y avait des caméras pas loin alors son collègue lui a demandé d’aller autre part.

Je me suis retrouvé assis par terre, le dos collé au mur, jambes allongées sur le sol, complètement caché par les motos de la BRAV et les officiers. Nous avions interdiction de toucher à nos téléphones. Ils ont relevé nos identités et ont rédigé des rapports sur l’arrière de leurs motos. Ils ont indiqué que l’interpellation avait eu lieu à l’intersection de rue Bellechasse et boulevard Saint-Germain, alors que c’était faux. Et ils nous ont arrêtés pour motif de présence en un lieu après dernière sommation alors que nous avions déjà quitté la manifestation.

J’ai remarqué que certains des officiers avaient des patchs « Punisher », affiliés à l’extrême droite, qu’il est illégal pour un officier de porter.

Plus tard, un policier s’est approché de moi pour m’indiquer que ma collègue m’avait envoyé un message et que je pourrai le consulter pour avoir des informations sur la démarche à suivre quand je serai au poste.

C’est ainsi que je me suis fait embarquer avec une dizaine de personnes vers 21h. Je ne savais pas encore que j’allais rester 4 heures dans un camion à vadrouiller dans tout Paris sans savoir ce qu’il m’arrivait. Le camion a roulé un peu puis s’est arrêté pour faire monter des jeunes. Il y avait une dizaine de filles, des étudiantes principalement. Nous étions 28 au total, dont le journaliste de France 3. Nous avons arpenté Paris à la recherche d’un commissariat qui pourrait nous accueillir.

C’est à 1h15 que nous sommes arrivés dans un commissariat. Et nous nous sommes retrouvés à huit dans une salle. Ils nous demandent alors de nous asseoir et demandent un numéro de téléphone pour appeler une personne de ma famille. J’indique que je souhaiterais prévenir mon frère car je ne connais pas son numéro par cœur, il me laisse mon téléphone et aussitôt je me précipite sur la messagerie pour lire le texto de ma collègue qui m’indiquait le nom d’un avocat puis je donne le numéro de mon frère. Au bout d’une heure des policiers sont arrivés avec des feuilles pour nous dire de signer des documents.

Pas d’amende.

Vers 4 heures, ils ont décidé de me transférer vers un autre commissariat. On me passe les menottes. Arrivé là-bas on me fouille, on me prend toutes mes affaires, et on me met en cellule avec deux autres jeunes qui étaient aussi à la manifestation. C’était aussi leur première garde-à-vue et ils ne comprenaient pas plus que moi pourquoi ils étaient là.

Pas de distanciation physique, pas de masque, pas de gel.

Après une courte nuit, un policier me fait sortir de cellule pour prendre des informations et relever mes empreintes. L’avocat arrive vers 10h15 au commissariat et m’accorde un entretien. Plus tard, on m’emmène dans un bureau pour ma déclaration, je ne déclare rien. On m’indique les faits qui me sont reprochés : reconnaissez-vous avoir participé à un groupe dans le but de commettre des actes criminels ? J’hallucine complètement !

12h15 : je sors du commissariat.


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