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Transports

Répression, chasse aux temps morts : la dégradation sans fin des conditions de travail chez Transdev

Quatorze heures d’amplitude de travail, stress, tension avec les usagers, flicage permanent, répression : le quotidien des travailleurs de Transdev, à Vaux-le-Pénil (77), s’alourdit de plus en plus.

James Draoust

17 février 2023

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Crédits photos : lors d’un rassemblement devant le siège de Transdev en 2021, Révolution Permanente

La situation sociale chez dans les dépôts franciliens de Transdev ne cesse de s’empirer. Malgré une longue bataille de huit semaines de grève reconductible dans certains dépôts d’Ile-de-France en 2021 contre l’ouverture à la concurrence et la privatisation des transports publics, la situation n’a pas changée. En effet, pour obtenir le contrat de DSP (Délégation de Service Public), Transdev a placé des services comme ceux du contrôle et de la sécurité dans des filiales créées pour l’occasion. Dans ces filiales, les conditions de travail sont toujours plus éprouvantes, pour forcer les démissions et les licenciements, augmentant la fatigue globale des travailleurs. Le but : réduire la masse salariale et remporter les contrats.

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De la même manière, les rémunérations n’ont pas suivi et les retards sur salaire sont nombreux alors que les salaires se font manger par l’inflation et les prix de l’énergie, menaçant les conditions d’existence de ces travailleurs au bas salaire.

Parmi les dégradations des conditions de travail, c’est d’abord la question du temps de travail et des amplitudes horaires qui pèsent sur les agents comme Adam*, contrôleur : « les amplitudes tuent la vie. La direction gratte constamment 1 ou 2 minutes par ci par là sur les pauses. Pour un conducteur, c’est rien, mais sur 200 conducteurs ça leur fait gagner beaucoup ». Nikola*, machiniste, abonde dans ce sens : « Ici le rythme de travail a beaucoup changé : les 200 conducteurs ressentent la même chose et ont peur de mettre en danger les voyageurs ». Plus précisément, certains machinistes doivent enchaîner parfois jusqu’à quatorze heures d’amplitude horaire, avec des temps de pause eux aussi réduits, qui ne laissent même pas le temps d’aller aux toilettes.

En pleine réforme des retraites, les agents dénoncent aussi les postures inconfortables dans lesquelles ils se trouvent de façon récurrente et répétée sur le temps long. Harry*, machiniste, craint de ne pas pouvoir profiter de sa retraite, tant ces métiers difficiles ont marqué physiquement ses anciens collègues : « Beaucoup d’anciens sont partis (morts) six mois après la retraite... j’en ai rien à foutre de leur supposé augmentation de l’espérance de vie, la plupart des anciens, 6 mois après la retraite, ils sont partis ».

Course au profit, privatisation du service public et répression

Dans les conséquences de la privatisation, la recherche constante de profit passe aussi par la dégradation du service public et la réduction des tâches au profit des plus rentables, sur le dos des travailleurs et des usagers. Par conséquent, des trajets ont été supprimés, dont des lignes scolaires, jugées pas assez profitables. Et face au mécontentement des usagers fatiguée de la dégradation du service, ce sont les conducteurs et contrôleurs qui se retrouvent en première ligne. Certains stressent à l’idée de venir travailler dans un métier déjà très éprouvant et le nombre d’arrêts-maladies et de démissions ont explosé.

Pour augmenter leurs profits, la direction impose une politique du chiffre, à vive voix, auprès des contrôleurs. La pression est mise pour optimiser le nombre de PV payés, en supprimant une partie de leurs missions préventives, notamment d’aide aux personnes âgées et handicapées ou de conseil, au profit d’injonctions répressives sur les usagers, même les plus vulnérables.

Cette réduction des tâches s’applique par une surveillance accrue. La plupart des travailleurs du dépôt font état d’un contrôle permanent de la direction qui cherche à limiter la contestation et cherche à provoquer des moyens de licencier les travailleurs les plus combatifs. Par exemple, le rythme des contrôles, de tout ordre, s’est accéléré ces derniers mois, à la fois sur les machinistes et les contrôleurs. Ces contrôles sont aussi de plus en plus ciblés sur les grévistes des derniers mouvements sociaux qui ont secoué Transdev.

De la même manière que pour Laurent, un travailleur de Transdev depuis 22 ans, licencié avec ces méthodes, la direction fait régner la peur pour empêcher tout mouvement de contestation. Dans une réunion interne, celle-ci a même reconnu que sa mise à pied était liée à sa combativité et sa participation aux différentes mobilisations contre la transformation du service contrôle dans en filiales à l’automne 2021. Pour contester son licenciement, un rassemblement est d’ailleurs organisé le 20 février devant le tribunal de Melun, appelé par différents syndicats et partis politiques. Alors que les menaces sur le droit de grève se multiplient avec la bataille contre la réforme des retraites, la solidarité contre toute forme de répression continue donc de s’organiser.

« Il faut un mai 2023, et pas que sur les retraites ! »

Malgré les conditions de grève difficiles, suite à deux mois de grève intensifs en hiver 2021 qui ont pesé lourd financièrement et apporté beaucoup de démoralisation, malgré les menaces patronales, la réforme des retraites suscite le mécontentement général des travailleurs de Transdev. Pour Dimitri*, machiniste, la construction de la grève reconductible, appelée par plusieurs fédérations syndicales dès le 7 mars, passe par la confiance entre les travailleurs :« Il faut se battre pour vivre mieux sinon on meurt [...] il faut être confiant et soudés ». Il en est de même pour Thomas*, qui appelle à la coordination des secteurs : « il faut un mai 2023, il faut voir comment on arrive à coordonner tout ça ». Comme les travailleurs de Transdev, de nombreux travailleurs des secteurs du transport public sont en attente d’un véritable plan de bataille qui ne peut se construire qu’à la base en prenant en compte les revendications et les spécificités de chaque secteur.

*Les noms des travailleurs ont été changé dans un souci d’anonymat


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