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12 février

« Reprendre la rue, imposer une parole antiraciste » : à Paris, le Comité Adama appelle à la mobilisation

Ce 12 février, le Comité Adama organisait une marche au départ de la place de la République. L’occasion d’appeler à poursuivre la mobilisation contre les violences policières mais aussi contre les inégalités sociales, et ce au-delà de l’échéance présidentielle.

Gabriel Ichen

14 février 2022

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« Nous avons marqué l’histoire de ce pays, le 2 et le 13 juin 2020. Nous avons marché ensemble et nous avons marqué l’histoire ». Systématiquement, Assa Traoré, figure du combat antiraciste contre les violences policières, rappelle que deux ans plus tôt, la France a connu les plus importantes mobilisations antiracistes de son histoire depuis la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. C’est dans cette même perspective que le comité Adama organisait ce 12 février, en pleine campagne présidentielle, une « marche pour l’égalité » et pour affirmer que « les 5 prochaines années sont les nôtres ».

Reprendre la rue face à l’extrême-droite et aux discours réactionnaires

Au départ de la place de la République, Assa Traoré a ainsi commencé par appeler à poursuivre la mobilisation contre les violences policières et le racisme et à faire entendre les revendications des quartiers populaires, largement absentes de la campagne présidentielle et du côté de la gauche institutionnelle. « Aujourd’hui on doit continuer à se battre, peu importe qui sera élu président, on doit continuer à occuper l’espace public, on doit continuer à dire ce qu’on a envie, et on doit le faire ensemble pour défendre toutes les causes. » Un appel à la lutte à contre-courant qui aura résonné toute la journée et mobilisé plus d’un millier de personnes.

« Grand remplacement », « remigration », colloques contre le « wokisme », négation des violences policières… La marche de ce samedi prenait en effet place dans le contexte d’une campagne présidentielle saturée par les discours réactionnaires et racistes, et où le gouvernement poursuit ses offensives islamophobes. Dernière en date, une loi qui vise à interdire le port du voile dans les compétitions sportives et contre laquelle se mobilise le collectif des Hijabeuses, présent à la marche et qui a pris la parole à la fin de la manifestation.

C’est bien avec l’objectif de contrer les discours de l’extrême-droite par la rue, que le comité Adama a appelé à marcher. Comme l’a rappelé Youcef Brakni, membre du comité Adama et organisateur de la marche : « Les idées racistes dominent aujourd’hui la scène politique et la campagne présidentielle. C’était essentiel de reprendre la rue et d’imposer une parole antiraciste dans ce contexte-là ». Même son de cloche du côté de Samir Baaloudj Elyes, militant antiraciste et des quartiers populaires, ancien militant du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB).

« Aujourd’hui on le voit bien, on est tous menacés, par la police mais aussi par l’extrême-droite. On est là pour les violences policières mais pas que, on parle aussi de ce qui va se passer dans les mois à venir. On sait ce qu’ils sont capables de faire mais aussi ce que nous collectivement on est capables de faire. C’est pour ça que c’est ensemble qu’on va marcher » a lancé le militant pour annoncer le départ de la marche place de la République.

Un cortège rempli de jeunes, mais une absence remarquée de la gauche institutionnelle

Dans le cortège, de nombreux jeunes comme en 2020, ont marché de la place de la République jusqu’à la place du Châtelet, en chantant des slogans tels que « justice pour Adama », « pas de justice pas de paix » et en brandissant des pancartes dénonçant le racisme et les crimes policiers. Plusieurs comités de familles de victimes de violences policières étaient présents comme le comité Justice et Vérité pour Wissam, ou encore Justice et Vérité pour Claude Jean-Pierre qui sont intervenus à la tribune à l’arrivée de la marche place du Chatelet.

Christophe Sinnan de Justice et Vérité pour Claude Jean-Pierre (guadeloupéen tué par la police suite à une interpellation) est intervenu pour dénoncer les violences policières mais aussi les conditions de vie du peuple guadeloupéen : « Nous on vient de Guadeloupe et en Guadeloupe on est combattant on n’a pas le choix parce que c’est un département français où on a pas accès à l’eau potable, on a pas accès aux soins, et où on a été empoisonnés au chlordécone ». Jean-Baptiste Eyraud porte-parole du DAL a également pris la parole pour dénoncer la violence sociale et la précarité qui touche les classes populaires. Les jeunes militantes du collectif des Hijabeuses, présent à la manifestation, ont de leur côté dénoncé l’attaque islamophobe dont elles sont la cible de la part du gouvernement et contre laquelle elles se mobilisent : « Ils disent que c’est contre le séparatisme, mais qui se sépare de qui ? Quand on se présente à une compétition de football, qu’on nous renvoie au vestiaire parce qu’on porte un voile, qui se sépare de qui ? ».

Des discours évoquant le racisme, les violences policières, mais également des questions sociales comme la précarité, la question des services publics, ainsi que la nécessité de se mobiliser au-delà de l’agenda électoral. Côté politiques, syndicats et organisations, en revanche, malgré l’invitation par le Comité Adama, seules quelques organisations avaient fait le déplacement, comme Révolution Permanente, le NPA, l’UNEF-Tacle, EELV, quelques élus Insoumis dont la député Mathilde Panot ou encore le DAL. Une absence qui rappelle celle qui avait marqué le rassemblement de soutien à Anasse Kazib à la Sorbonne quelques jours plus tôt. Malgré une large mobilisation par en bas, avec près de 500 personnes qui se sont rassemblées, dont plusieurs groupes antifascistes, pour afficher leur soutien au candidat cheminot face aux menaces et assister à la conférence, la gauche politique et syndicale était aux abonnés absents.

Une absence qu’Anasse Kazib, seul candidat à la présidentielle présent lors de la marche, a vivement dénoncé lors de son intervention à la fin de la marche : « Mais il y a un problème dans cette manifestation. Il manque beaucoup de monde. Ca n’intéresse pas les directions syndicales ce qu’il se passe ici ? Où sont-ils un samedi à 14h ? Qu’y a-t-il de plus important que de se battre aux côtés d’une famille qui se bat pour la justice et la vérité ? ». Une absence qui ne manque pas de rappeler que plusieurs dirigeants politiques de la gauche institutionnelle comme Yannick Jadot (EELV) ou Fabien Roussel (PCF) avaient, à l’inverse, accouru aux côtés de syndicats de police réactionnaires en mai 2021.

Anasse Kazib applaudi, son invisibilisation médiatique dénoncée

En moins d’une semaine, il s’agit du second rassemblement significatif qui vient s’opposer à l’extrême-droite et à ses relais. Le 9 février dernier, c’était autour d’Anasse Kazib que s’est exprimée la résistance contre l’extrême-droite qui cherchait à empêcher la venue du candidat à la présidentielle à la Sorbonne pour une conférence. Présent avec les militants jeunes de Révolution Permanente à la marche, celui-ci a reçu un soutien de la part des organisateurs. En particulier Assa Traoré a expliqué à la tribune : « peu importe qui sera élu président, et moi j’espère que ce sera Anasse qui sera à l’Elysée, la rue on continuera de la prendre. Ils ont toutes les broyeuses mais nous on a l’arme la plus forte : c’est qu’on n’a pas peur ! »

Samir Baaloudj a également tenu à dénoncer les attaques racistes ainsi que l’invisibilisation médiatique dont fait l’objet le candidat à la présidentielle : « il faut avoir le courage de faire ce qu’il a fait, et il faut encaisser ce qu’il est en train de prendre. Le lien qu’il a avec Assa c’est les attaques qu’ils subissent quotidiennement sur les réseaux sociaux. On parle de Dupont-Aignan à la télé, et on ne parle pas d’Anasse ? Alors quoi ? C’est pas un candidat comme les autres ? » a martelé le militant antiraciste à propos du black-out médiatique sur sa candidature. tout en faisant face aux menaces de l’extrême-droite.

A la fin de la manifestation, le candidat à la présidentielle a été invité à s’exprimer sur le camion qui faisait office de tribune et a tenu à saluer l’initiative du Comité Adama : « il faut qu’on se réveille et qu’on reprenne la rue. Il y avait 200 000 personnes les 2 et 13 juin 2020, 80 000 personnes le 10 novembre contre l’islamophobie. On a fait des mobilisations immenses ces cinq dernières années, on les a fait reculer. Ce n’est pas normal qu’aujourd’hui l’extrême-droite et tous ces réactionnaires essayent de nous mettre des coups de pression. Ce que fait le comité Adama c’est une première étape pour remettre les gens dans la rue. La meilleure réponse face à l’extrême-droite, aux discours racistes et réactionnaires c’est de reprendre la rue et de se coordonner pour toutes les victimes de violences policières, mais aussi contre toutes les inégalités sociales, raciales contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes, pour les droits des LGBT. »


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