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Colère dans l'éducation nationale

Reportage dans le cortège massif et combatif des grévistes de l’Education nationale !

Ce mardi 17 décembre a été une nouvelle journée de mobilisation massive dans l’Education nationale. A Paris, le cortège des grévistes de l’Education nationale était impressionnant et combatif. Nous sommes allées à la rencontre de celles et ceux qui refusent la nouvelle réforme des retraites et remettent en question plus largement à travers cette grève le système éducatif et la société actuels.

Cécile Manchette


et Inès Rossi

18 décembre 2019

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Manuela, Juliette, Elise, Romain, Virginie, Fabien, Bénédicte… Ils et elles sont enseignants dans le secondaire, professeur en lycée professionnel, institutrice dans le primaire, CPE ou encore lycéennes en région parisienne, et sont tous et toutes mobilisées depuis le 5 décembre contre la réforme des retraites.

Des enseignants mobilisés, organisés et solidaires des autres secteurs en grève

Tous s’accordent pour confirmer que ce qu’il se passe dans l’éducation nationale est inédit. La grève dans l’éducation nationale qui a commencé le 5 décembre enregistre des taux de grévistes que l’on n’avait pas vu depuis longtemps. Après la forte mobilisation du 5, hier encore, selon les chiffres des syndicats, ce ne sont pas moins de 50% des enseignants du primaires et 65% des professeurs de secondaire qui se sont mis en grève.

Manuela, CPE au lycée Bergson, raconte comment son lycée qui habituellement se mobilise peu est aujourd’hui l’un des lycées parisiens les plus mobilisés, « nous sommes encore aujourd’hui plus de 100 grévistes », dans une cité scolaire qui compte plus de 200 professeurs. Il en va de même dans le lycée Maurice Ravel où enseigne Bénédicte, professeure de SES, et où la grève tient depuis le 5 décembre avec un mininum de 10-20% de grévistes et jusqu’à 80% de grévistes les jours de mobilisation comme le 5 décembre ou ce mardi 17 décembre.

Au-delà de cette grève qui tient dans le temps, nombre de grévistes dans l’éducation nationale sont à la pointe de l’organisation d’assemblées générales dans leurs établissements mais également de la coordination avec les établissements voisins et de la région parisienne, ainsi qu’avec les autres secteurs comme la RATP. Virginie qui est institutrice dans une école primaire du 13ème arrondissement raconte le travail quotidien d’organisation et de coordination : « on fait des assemblées générales souvent dans une école du 13ème. On essaye de regrouper au maximum les enseignants du 13ème pour discuter de la suite du mouvement ».

De même, ces grévistes racontent comment dans leurs arrondissements ou départements se construisent petit à petit des liens de solidarité entre les différents secteurs mobilisés et des assemblées générales interprofessionnelles. Au lycée Ravel, les personnels vont régulièrement à la rencontre des grévistes de la RATP du dépôt de Lagny à l’image de ce qu’on a pu voir sur d’autres dépôts comme au dépôt d’Aubervillliers, où un enseignant a d’ailleurs été violemment interpellé par les forces de police alors qu’il participait à un blocage pour empêcher les sorties de bus.

Une colère dans l’éducation nationale qui va bien au-delà de la réforme des retraites

Nombre des grévistes de l’éducation nationale ont commencé à se mobiliser contre la réforme des lycées l’année dernière et ont fait la grève du bac. Une réforme qui, à la suite d’autres, vient changer profondément le métier d’enseignant et conduit à une souffrance accrue au travail. Ce à quoi s’ajoute une précarisation toujours plus grande du côté des personnels mais aussi des élèves. Fabien, enseignant dans un lycée professionnel dans le 91, relate le quotidien difficile du personnel et des élèves. Pour lui, la réforme des retraites a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : « On voit la population d’élèves qui s’appauvrit ce à quoi s’ajoutent les réformes de l’éducation nationale. Les histoires de retraites c’est le truc en plus. On a des boulots durs, avec une population précaire, ce n’est déjà pas gai alors savoir qu’en plus à la fin du train on va finir avec une retraite qui sera au niveau par exemple pour moi de mon salaire au début de ma carrière, ça veut dire qu’au bout du bout tu ne vas pas pouvoir vivre ».

Ce témoignage retranscrit bien l’ampleur de la crise, de la colère et de la souffrance dans l’éducation nationale. En effet, nombreux sont ceux à insister sur le fait que cette grève contre la réforme des retraites est l’occasion de se mobiliser contre un gouvernement qui veut finir de privatiser l’école, les hôpitaux, et qui veut niveler tout vers le bas au détriment des plus précaires. Pour Virginie, il s’agirait en réponse à cette logique de niveler les retraites vers le haut « on veut un retour à 60 ans, 40 annuités, oui à la pénibilité du travail, oui aux régimes spéciaux, s’ils existent ce n’est pas pour rien ». C’est contre ce projet là que se mobilise aujourd’hui les personnels de l’éducation nationale pour eux mais aussi pour leurs élèves, et la majorité de la population. Comme le résume Romain, enseignant dans un lycée à Bondy dans le 93, « La réforme des retraites c’est l’occasion de se rassembler, réfléchir ensemble plus largement, à comment organiser, répartir les richesses et sortir de l’exploitation capitaliste qui détruit les travailleurs, la planète ».

Dans le même sens, pour Juliette, Adèle, Noémie aussi lycéennes au lycée Maurice Ravel, il s’agit de se mobiliser contre la réforme mais pas que car « c’est un ensemble de choses, un grand coup de gueule » et « c’est notre futur qui est menacé (…) Ils ne veulent pas que les gens survivent ». Elles aussi sont aux côtés des grévistes de la RATP et de la SNCF : « plus il y a de gens qui font grève mieux c’est, plus le message passe. Oui une grève ça passe par des désagréments mais c’est fait pour ça ».

Les femmes, grandes gagnantes de la réforme des retraites ?

Parmi ces grévistes de l’éducation nationale, on retrouve de nombreuses femmes, à l’image de la féminisation de ce métier, surtout dans le primaire. Alors l’inquiétude est aussi grande pour elles-mêmes, leurs collègues et pour leurs enfants car, contrairement à ce que déclare le gouvernement pour qui les femmes vont être les grandes gagnantes de la réforme, elles savent qu’elles vont être plus impactées que les hommes sur plusieurs plans.

Suite aux annonces du gouvernement qui a promis d’augmenter les primes, ces dernières réagissent vivement et estiment qu’elles n’en bénéficieront pas étant donné que ce sont des primes liées à des activités particulières pour lesquelles les femmes sont moins sollicitées en raison du fait qu’elles restent celles qui majoritairement prennent en charge dans leur vie personnelle les tâches domestiques, d’éducation et de soin de leurs enfants. Manuela insiste sur le fait que les congés parentaux, les arrêts maladies, qui touchent particulièrement les femmes correspondent déjà à des trimestres en moins. Le fait de prendre en compte toute la carrière pour calculer la retraite ne peut que pénaliser les femmes qui sont celles qui touchent déjà 25% de salaire en moins que les hommes dans l’éducation et sont les plus employées à temps partiels.

Les raisons de la colère et de se mobiliser sont donc multiples. Tous et toutes voient aujourd’hui la possibilité de gagner et la nécessité d’aller jusqu’au bout. Au-delà du retrait de la réforme des retraites, l’enjeu pour Manuela c’est la démission du gouvernement dans son ensemble, et pour Romain, l’espoir aussi que ce soit des idées de justices sociales, anticapitalistes qui puissent, pour remplacer le gouvernement et les politiques libérales, gagner du terrain.


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