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Du fric pour les facs !

Rennes 1. La détresse étudiante, révélatrice du manque de moyens criant à l’université

Nous relayons un texte co-écrit par deux membres de l’université de Rennes 1, qui atteste de l’inaction de la direction de l’université quant à la détresse étudiante qui s’exprime actuellement, notamment concernant la question du maintien des examens dans le contexte de crise actuel.

Correspondant-e-s de Rennes

28 janvier 2021

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Crédit photo : Site de Rennes 1

Constat partagé d’une situation de détresse

Le 1er décembre 2020 le président de l’université Rennes 1, David Alis, a envoyé un courrier destiné aux directrices et directeurs des différentes composantes de formation. Il y mentionne des signalements du service de santé des étudiant.es (SSE) qui alerte sur la situation psychique catastrophique qui touche de plus en plus d’étudiant.es y compris « des étudiants ni isolés, ni précaires, ni en difficultés universitaires, qui font part de troubles préoccupants allant de crises d’angoisse aux pensées suicidaires  ». Le premier confinement avait déjà eu de graves conséquences sur les étudiant.es souffrant de troubles psychologiques antérieurs. David Alis cite aussi une enquête de la Vice-présidente en charge de la qualité de vie étudiante, Colleen Estrade, corroborant les alertes lancées par le SSE. Il reste malgré tout difficile d’évaluer l’impact réel de la crise sanitaire. Comment avoir des nouvelles d’un.e étudiant.e qui décroche ? d’un.e étudiant.es qui ne communique pas son mal-être ? d’un.e étudiant.e qui n’a pas accès à une connexion internet stable ?

À la détresse psychologique viennent s’ajouter les difficultés matérielles. La liste des oublié.es est longue. Entre les mauvaises connexions internet, le partage d’un unique ordinateur familial avec un parent qui télétravaille et un frère ou une sœur qui doit aussi suivre un cours en ligne, la perte d’une source de revenu et les nombreuses conséquences qui peuvent en découler etc. Quel.le enseignant.e avait le même nombre d’étudiant.es avant et à la fin du confinement ?

Une direction irresponsable

Le président de Rennes 1 annonce que « le Conseil Académique a validé la possibilité d’alléger les examens » (épreuves plus courtes, moins nombreuses ou communes à plusieurs matières) et « demande aux conseils des composantes de se saisir de cette possibilité ». Est-ce qu’une simple demande est à la hauteur de compenser, ne serait-ce que symboliquement, les dégâts et les injustices observés pendant cette crise ? Rien n’oblige les responsables des différentes composantes à jouer le jeu. Nous voyons ce semestre fleurir des sujets de la même difficulté que ceux des autres années, avec des étudiant.es moins bien préparé.es et fragilisé.es mentalement.

En se contentant d’encourager un « allègement » des sujets, David Alis délègue sa responsabilité de protéger les étudiant.es des troubles dont il est parfaitement conscient. Les enseignements à distance étant pour la plupart de moins bonne qualité qu’en présentiel, il était parfaitement cohérent d’exiger des sujets plus accessibles. Mais le conseil académique contourne la prise en charge du problème et décharge sa responsabilité sur le bon-vouloir des équipes pédagogiques. Laissée à l’arbitraire de certain.es professeur.ses qui dirigent ces équipes, la question des examens reste exposée aux pressions élitistes et de compétition à l’intérieur d’une faculté, mais aussi entre elles.

Si rien n’oblige les facs à remodeler les examens en fonction de la situation, alors le jeu de la concurrence pour la meilleure réputation se poursuit. Dans cette période délicate, le conseil académique aurait pu couper court à ces dynamiques de concurrence et d’élitisme en imposant l’assouplissement des conditions d’examens. Cette instance détenait la position adéquate pour garantir à toutes et tous de telles conditions. A défaut de n’avoir rien fait de conséquent, le conseil académique a démontré encore une fois son décalage complet avec les enjeux des étudiant.es.

Une crise pas seulement périodique mais engendrée par des tendances de long cours

Outre ces événements ponctuels, la politique de casse de l’université, toujours plus sélective et soumise aux intérêts du patronat, et relayée par le président Alis depuis plusieurs années n’a fait que préparer le terrain à de tels dangers psychologiques : sélection avec Parcours Sup’, marchandisation de l’enseignement supérieur avec la LPR, etc.. Son message alarmant est d’ailleurs paradoxal pour un gestionnaire ayant toujours eu pour valeurs cardinales le rayonnement international de Rennes 1 et la valeur des diplômes sur le marché de l’emploi. Mais ce n’est pas de son seul ressort : le manque de moyens publics et de perspectives après les études est un problème qui découle de la place même qu’occupe l’université au sein d’un système capitaliste régi par la course aux profits et la mise en concurrence.

Les politiques de casse de l’université ne sont pas anodines, car malgré ses défauts, l’université reste ce qui est le plus accessible. Face aux écoles privées, d’ingénieur-s-es, de commerce et les multiples classes prépas, les moyens alloués à la fac sont toujours plus réduits et ne font pas le poids. L’enseignement supérieur à double-vitesse, qui se révèle au grand jour dans la période, n’est pas un état de fait à déplorer pour cet unique moment de crise, mais reste à dénoncer de manière permanente. L’abîme qui sépare les moyens engagés dans les facs et ceux des autres établissements doit être dépassé pour assurer à toutes et tous des conditions d’études viables et cesser cette gestion à géométrie variable : l’enseignement supérieur devrait être accessible et gratuit pour toutes et tous !

La crise sanitaire qui nous frappe est certes difficile à gérer, mais il semblerait que ce soit toujours les mêmes épaules qui doivent en porter tout le poids. Où sont les effectifs supplémentaires d’aide psychologique aux étudiant.es ? Mais surtout : où sont les effectifs supplémentaires de personnels d’enseignement et les moyens pour mettre un terme à la sélection croissante et la dégradation des conditions d’études ? Le cas échéant, où est la rémunération des heures supplémentaires que fait le personnel pour tenter de limiter les dégâts ? Le poids que fait porter le gouvernement sur les personnes les plus précaires se fait ressentir, sans surprise, sur les étudiant.es quand, dans le même temps, il gave les entreprises du CAC40 d’ « argent magique ». L’Etat oriente sa politique vers des « solutions » uniquement répressives, au détriment d’un investissement massif dans le système éducatif et de santé : la LSG et les mesures sécuritaires de la loi contre les soi-disant « séparatismes » en sont des exemples criants.
Jusqu’où nous laisserons-nous voler notre santé mentale, nos rêves, nos belles années par un système qui ne nous considère qu’en terme de main d’œuvre, de rentabilité et de valeur marchande en oubliant celles et ceux qui ne parviennent pas à tenir le rythme infernal qui nous est imposé ?

Exigeons pour tou.tes les étudiant.es la validation inconditionnelle de leur année d’étude !


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