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Politique institutionnelle

Rencontre PS – EELV – PCF – LFI : l’« union de la gauche » à la sauce néo-libérale ?

Samedi 17 avril les responsables de toutes les organisations dites de gauche ou presque, du PS à LFI en passant par le PCF et EELV, se sont réunis avec l'objectif de discuter d’une perspective unitaire pour 2022. Un projet qui constitue évidemment une impasse, mais qui révèle les ambigüités de ceux qui, comme LFI, ont accepté de s’asseoir autour de la table d’ennemis des travailleurs tels que le PS.

Mahdi Adi

21 avril 2021

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Crédits photo : AFP

A un an des élections présidentielles de 2022, tous les sondages ou presque prévoient une redite du second tour Macron – Le Pen. C’est dans ce contexte qu’à l’initiative de Yannick Jadot, les représentants des principales organisations du PS à LFI en passant par le PCF, EELV et Génération.s se sont réunis ce samedi 17 avril à Paris. L’objectif annoncé : réaliser « l’union de la gauche » pour éviter un éparpillement des voix qui profiterait à LREM et au RN, main dans la main avec ceux qui leur ont activement préparé le terrain.

Une union avec le PS : la gauche néo-libérale en marche

Au premier des partisans de cette réunion on trouve le PS. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure s’est d’ailleurs illustré à la sortie en affirmant à BFM que « dans un an il y aura pour les écologistes, les socialistes, les radicaux (PRG), Place Publique, Nouvelle Donne, Génération.s, un candidat et un projet commun ». Si un des principaux intéressés, Julien Bayou (EELV), a démenti affirmant que « ce n’est pas ce qui a été discuté », le PS a ainsi tenté d’apparaître comme un acteur central pour réaliser « l’union de la gauche » pour 2022. Or, la présence de ce parti de gouvernement suffit à elle seule à révéler la nature de l’union en question.

En effet, le PS et la « gauche de gouvernement » ont bien mis leur pierre à l’édifice des réformes néo-libérales en adoptant à coup de 49.3 la Loi Travail en 2016, ou encore la Loi Macron de 2015. A l’époque c’est d’ailleurs dans le gouvernement Hollande-Valls qu’Emmanuel Macron avait été nommé ministre de l’Économie, un poste qui lui servira de tremplin pour 2017. C’est également ce gouvernement qui a inscrit l’État d’urgence dans la Constitution et remis sur la table la déchéance de nationalité, reprenant ainsi la rhétorique sécuritaire et raciste portée par la droite de Nicolas Sarkozy.
Depuis, le PS continue sur la même ligne anti-sociale et sécuritaire. Au moment où la droite et l’extrême-droite s’en sont pris à l’UNEF en exigeant sa dissolution, la maire PS de Paris et possible candidate aux élections de 2022, Anne Hidalgo a cautionné les attaques contre le syndicat étudiant, qualifiant de « très dangereuses » les réunions non-mixtes. De même, à l’occasion du passage de la loi séparatisme au Sénat, les sénateurs PS ont voté « l’amendement UNEF » qui prévoit la dissolution de toute organisation qui organiserait des réunion non-mixtes. Une mesure qui menace l’ensemble des organisations anti-racistes, de gauche et d’extrême-gauche, et qui répond à l’agenda réactionnaire du gouvernement qui prépare la voie à un second tour Macron – Le Pen en 2022 en plaçant le débat sur ce terrain. Ultime preuve, s’il en fallait encore, que le PS se situe à l’opposé des aspirations sociales et démocratiques des travailleurs et des classes populaires, en novembre Anne Hidalgo s’était déclarée pour l’article 24 de la loi Sécurité Globale contre laquelle des centaines de milliers de personnes avaient battu le pavé.

Délégitimé par des années de trahisons et de politiques néo-libérales, le PS voit donc dans la séquence actuelle et le risque d’un second tour Macron – Le Pen en 2022, la possibilité de se mettre à la tête d’une union de la gauche autour du plus petit dénominateur commun. C’est en ce sens qu’Anne Hidalgo a expliqué en sortant de la réunion que « face au risque de l’extrême-droite nous avons besoin de construire une offre politique pour la rentrée prochaine », avant d’appeler à une « coalition commune » et à un « candidat commun pour 2022 ».

Le capitalisme vert d’EELV, conciliation de classe et rhétorique sécuritaire du PCF

Si le PS s’est enthousiasmé de l’initiative, c’est Yannick Jadot d’EELV, autre figure de cette gauche néo-libérale dans le paysage politique français, qui l’a impulsée. Celui qui a été la tête de liste d’Europe Écologie – Les Verts pour les élections européennes de 2020, s’est rendu cette année à l’université d’été du MEDEF où il a défendu le « capitalisme européen » face aux « modèles chinois ou américain ». Une manière de prêter allégeance au patronat et de préparer sa candidature pour 2022, tout en canalisant les revendications écologiques exprimées massivement par la jeunesse ces dernières années, en faisant croire à la possibilité d’un capitalisme vert.

Quant au PCF qui a également participé à cette rencontre, les déclarations de son secrétaire national, Fabien Roussel, en faveur d’un « pacte entre Macron et le peuple » pour « faire accepter des sacrifices » aux classes populaires parlent d’elles-mêmes. Tout comme la surenchère sur le plan sécuritaire : après qu’Emmanuel Macron ait annoncé le renforcement de l’arsenal policier avec le recrutement de 10.000 policiers supplémentaires, Fabien Roussel a annoncé qu’il souhaitait mettre en œuvre « un corps spécifique dédié à la police nationale de proximité doté de 30.000 hommes et femmes » dans les quartiers populaires. Une perspective à mille lieux des revendications défendues par les dizaines de milliers de jeunes descendus dans les rues contre les violences policières et le racisme d’État. Dans la même veine, le PCF s’est également illustré par le soutien apporté au durcissement de loi séparatisme au Sénat en s’abstenant ou en votant majoritairement par exemple pour « l’amendement UNEF » dans le sillage des déclarations de Fabien Roussel contre les réunions non-mixtes.

Si EELV comme le PCF affirment pour le moment par les voix de leurs responsables respectifs, vouloir porter une candidature indépendante, en participant à cette rencontre ils gardent malgré tout la porte ouverte à un accord électoral pour les élections présidentielles puis législatives en fonction des sondages et du rapport de force qui en résultera dans les semaines et mois à venir. A l’image des listes pour le prochain scrutin des régionales en Pays de la Loire, où le PCF s’est rangé sans surprise derrière le candidat PS tandis que EELV soutient Mathieu Orphelin, député ex-macroniste, avec l’aval de La France Insoumise.

La France Insoumise pour une union avec la gauche néo-libérale derrière Jean-Luc Mélenchon

C’est Eric Coquerel qui a représenté La France Insoumise lors de la rencontre de ce samedi 17 avril avec les autres formations dites de gauche. A l’issue de la réunion, le député de Seine-Saint-Denis s’est félicité d’avoir obtenu « un accord de respect mutuel » tout en prenant ses distances vis-à-vis d’un accord électoral dans l’immédiat, en déclarant : « ne laissons pas croire aujourd’hui que nous aurions résolu les questions qui se posent et qui font qu’à gauche certains continuent de penser qu’on peut s’accommoder avec le système, avec le libéralisme ». Des déclarations dans la lignée des commentaires réalisés par Jean-Luc Mélenchon sur son blog avant la réunion : « Nous ne croyons pas un moment possible ni même attractive une candidature commune qui fermerait les yeux sur les questions essentielles pour lesquels les choix de EELV et PS ont conduit aux désastres électoraux bien connus de la « gauche » dans la période récente. Nous irons cependant à sa réunion. Ce sera avec un but bien précis. Nous irons pour y plaider la conclusion d’un pacte de non-agression et d’unité d’action pour la défense des libertés face à la dérive autoritaire du régime macroniste. »

Pourtant, en dépit de cette opposition apparente au PS, la perspective d’une alliance à gauche semble moins écartée que soumise à une condition : qu’elle se fasse derrière Jean-Luc Mélenchon. En effet, si Eric Coquerel assure que les insoumis participeront à la prochaine rencontre fin mai « pour voir comment résister par rapport aux attaques du gouvernement », les ambitions du leader de LFI font peu de mystère. Fin mars, Jean-Luc Mélenchon déclarait dans Libération se sentir « la vocation d’un candidat commun » à la gauche en 2022, PS compris.

C’est ainsi que pour LFI, le scrutin pour les élections régionales fait office de rampe de lancement pour apparaître comme la force politique la plus capable de réaliser « l’union de la gauche ». Dans une lettre adressée aux militants insoumis du Pays de la Loire où LFI s’est rangée derrière l’ex-macroniste Mathieu Orphelin, les chefs de file régionaux expliquent qu’à travers ces alliances « La France insoumise fait la démonstration dans ces élections régionales qu’elle est le plus grand dénominateur commun des forces dîtes de gauche ». La direction du mouvement tente ainsi de convaincre sa base, parmi lesquels de nombreux anciens électeurs du PS déçus par le tournant néo-libéral, de la justesse de cette politique.

LFI ne ferme pas les portes aux alliances électorales avec la gauche néo-libérale, mais à condition d’y tenir une position hégémonique. C’est en ce sens que le coordinateur de LFI, Adrien Quatennens, déclare samedi soir sur Europe 1 : « ne faisons pas l’erreur de croire qu’il pourrait y avoir une quelconque dynamique qui exclurait le candidat qui aujourd’hui est en tête dans les sondages à gauche, Jean-Luc Mélenchon », comme pour affirmer le rôle de LFI en tant que principal interlocuteur à même de réaliser « l’union de la gauche », PS compris.

L’union de la gauche : entre manoeuvre politique et tentative de canalisation institutionnelle

Si la réunion du 17 avril tient en grande partie de la manoeuvre politique, chacun voulant afficher son aspiration à l’unité, elle n’en réunit pas moins des acteurs qui, présents pour des motifs variés, aspirent à proposer une perspective institutionnelle. Un projet qui rend envisageable les compromis les plus larges, même du côté de LFI qui aime à mettre à distance le projet d’une union de la gauche mais reste ouverte à cette perspective. Or, peu importe qui en prendrait la tête, il est impossible d’espérer transformer ce système aux côtés de ceux qui ont porté les mesures néo-libérales et produit l’alternative politique pourrie actuelle.

La seule opposition conséquente à Macron et Le Pen ne pourra se construire que sur le terrain de la lutte des classes, loin des institutions qui annihilent la puissance de notre camp social et cantonnent les travailleurs à déposer un bulletin dans l’urne une fois tous les cinq ans. A ce titre, il s’agit d’interpeller l’ensemble des organisations politiques et syndicales qui se revendiquent de notre camp social pour construire la riposte dans la rue et par la grève contre les attaques anti-sociales, islamophobes et liberticides qui précarisent les travailleurs et s’en prennent à nos droits démocratiques, à l’instar de la réforme de l’assurance-chômage, ou de la loi séparatisme et de la loi Sécurité Globale.
Face aux illusions portée par une union électorale avec la gauche néo-libérale, il n’en demeure pas moins central de faire entendre une autre voix. Nous avons besoin d’une candidature ouvrière et révolutionnaire pour 2022 en toute indépendance de classe, à l’image de celle qu’entend incarner Anasse Kazib, pré-candidat au sein du NPA, qui œuvre à lutter pour la construction d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs au service de notre camp social et à rebours de toute illusion conciliatrice avec le grand patronat et le régime bourgeois.


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