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Casse sociale

Réforme des retraites 2.0. Régimes spéciaux, retraite à points, 64 ans : quelle attaque prépare la macronie ?

Dans une séquence politique marquée par les échéances électorales, la réforme des retraites est remise sur le devant de la scène par le gouvernement. Parmi les scénarios à l’étude, une réforme paramétrique éclaire est sur la table et pourrait marquer un nouveau pas dans la mise en œuvre des politiques d’austérité.

Hélène Angelou

29 juin 2021

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Crédist photo : Stephanie LECOCQ/POOL/AFP

Réforme centrale du projet néolibéral macronien, la réforme des retraites se trouve à nouveau au cœur de l’agenda politique. Considérée comme la réforme phare du quinquennat Macron, le gouvernement et les ambitions patronales s’étaient heurtés à l’hiver 2019-2020 à un mouvement de grève historique emmené notamment par les travailleurs de la RATP et de la SNCF et massivement soutenu. Si le risque de contestation sociale est majeur voire se renforce devant les conséquences des crises sanitaire et économique, la réforme des retraites reste cruciale dans l’agenda des classes dominantes. C’est pourquoi à dix mois des présidentielles de 2022, dans une séquence politique marquée par les élections régionales qui ont vu s’éroder en partie les certitudes du duel Macron – Le Pen, la capacité à mener à bien une telle réforme est un enjeu politique de taille.

Vers une réforme des retraites d’ici à la fin du quinquennat Macron ?

Régulièrement remise sur le devant de la scène par l’exécutif depuis le gel de la réforme des retraites issue du rapport Delevoye avec la crise sanitaire, le scénario d’une réforme 2.0 adoptée en urgence d’ici à la fin du quinquennat Macron semble aujourd’hui gagner en consistance.

En effet, depuis la sortie de Macron dans le Lot, à l’occasion de son « tour de France », la question d’une nouvelle réforme des retraites se précise. Et elle pourrait bien être menée par l’exécutif d’ici la fin du mandat Macron. Le ministre de l’économie Bruno Le Maire plaide notamment pour une réforme dès maintenant. « On n’a jamais intérêt en politique à remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui », affirmait-il en ce sens sur Cnews. Il défend aux côtés d’autres ténors de la majorité une réforme revue et corrigée, à mener au pas de charge et centrée essentiellement sur le report de de l’âge légal de départ à la retraite.

« Selon des sources concordantes, les pro-réformes poussent à frapper un grand coup en repoussant l’âge de la retraite à 64 ans dans un délai très bref, même si la mesure n’entrerait en vigueur qu’après la présidentielle. Alexis Kohler, Bruno Le Maire et Sébastien Lecornu sont parmi eux, tandis que Jean Castex est plus prudent, et a fortiori Richard Ferrand. », précise le journal Les Echos.

Le scénario privilégié semble donc bien être celui d’une réforme « paramétrique », c’est-à-dire une réforme des paramètres du système de retraite actuel visant prioritairement à diminuer les dépenses publiques dans le cadre de politiques austéritaires. A ce titre, le report de l’âge légal de départ à la retraite constitue un aspect fondamental et figurait d’ailleurs en bonne place dans les préconisation du rapport sur la stratégie de sortie de crise concernant les finances publiques de la Cour des Comptes.

Pour faire passer la réforme de façon accélérée, l’exécutif pourrait intégrer le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans dans le prochain budget de la Sécurité sociale qui sera voté dès octobre prochain et pourrait prévoir dans un délai très bref de retarder l’ouverture des droits à 62,5 ans pour la génération née en 1961, puis de six mois supplémentaires pour chaque année, la génération 1964 inaugurant donc un âge de départ légal à 64 ans. Cette modalité permettrait au président de la République de faire passer la réforme, dont l’application serait prévue pour le prochain mandat présidentiel et d’accélérer considérablement le rythme de report de l’âge de départ à la retraite, y compris par rapport aux scénarios étudiés jusque-là.

De la réforme « systémique » à la réforme « paramétrique » ?

Si l’idée d’une réforme paramétrique rapide s’affirme, différents scénarios sont pour autant encore à l’étude. Emmanuel Macron a notamment reçu récemment le rapport des économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole qui, à l’inverse du rapport de la Cour des Comptes, préconise une réforme systémique » :

« "Cette réforme ne doit pas se résumer à une série de modifications techniques des paramètres du système de retraite", expliquent-ils. "Nous proposons une vision holistique. Il s’agit de simplifier le système. ».Parmi leurs propositions figurent la retraite à points, l’augmentation de l’âge moyen de départ à la retraite, la suppression des régimes spéciaux… des propositions qui rappellent fortement la réforme issue du rapport Delevoye. En tout état de cause, Macron a demandé à Laurent Pietraszewski, ministre des retraites fraîchement battu à plates coutures dans les Hauts-de-France, de proposer plusieurs pistes de réformes, avant d’arbitrer.

Une réforme à haut risque et sous tensions

La macronie est en effet divisée sur le sujet, non seulement concernant le timing mais aussi à propos des modalités de la réforme, tant il s’agit d’une réforme risquée politiquement. Les oppositions au sein du gouvernement traduisent aussi les doutes de la bourgeoisie. Le Medef notamment c’est prononcé en faveur d’une réforme après les présidentielles de 2022, et veut en faire un sujet central de la campagne présidentielle.

« Pour faire cette réforme, il faut un capital politique. Le temps est passé depuis 2017. Pour moi, c’est un débat de la présidentielle, il faut que tous les candidats se positionnent. […] Il faudra agir dès septembre 2022, sans attendre », déclarait le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux au début du mois. Ces hésitations témoignent en premier lieu de la crainte d’un retour de la mobilisation sociale, dans la lignée de la grève de l’hiver 2019-2020 mais aussi des doutes de la grande bourgeoisie concernant la capacité politique du macronisme à mener à bien une réforme aussi risquée socialement.

D’un autre côté, la relative solidité de la droite traditionnelle au sortir des régionales peut aussi être vu par la bourgeoisie comme un gage d’alternance pour 2022, lui ouvrant la possibilité d’oser une réforme accélérée à hauts risques. Dans ce cadre, et après le passage, pour l’instant seulement retardé par le Conseil Constitutionnel, sans véritable mobilisation des directions syndicales de la réforme de l’assurance-chômage, il est plus essentiel que jamais que le mouvement ouvrier clame haut et fort sa volonté de se mobiliser face à toute tentative de faire payer la crise aux travailleurs, et se prépare aux futurs affrontements.


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