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Tribune libre

Quand la SNCF fait appel à l’armée pour débarquer des réfugiés

Au mois de Juillet, les français voyagent. Ils se déplacent d’une ville à une autre, de la ville à la campagne, prennent le train, la voiture ou l’avion. Pour le travail, pour les loisirs. Les touristes étrangers également sillonnent la France en Juillet, c’est une belle destination. Tout irait bien si tout le monde pouvait voyager, sauf que ce n’est pas le cas, n’en déplaise aux droits de l’homme.

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En gare de Marseille ce 9 Juillet 2017 il fait 35 degrés et les robes légères, les brumisateurs et les valises à roulette forment un ballet à peu près harmonieux. Les trains sont pleins, les tarifs également, avec bien d’autres j’embarque pour Paris. Le voyage se déroule normalement jusqu’à la première gare desservie, Aix-en-Provence. Le train reste à quai bien au-delà des 3 minutes consenties d’habitude aux exigences horaires des TGV. Passé 20 minutes je descends du wagon pour aller fumer et découvre 7 militaires en faction, la mitraillette de l’un à 30 cm de moi, sur le quai. Etonnée je sors voir ce qu’ils font là et découvre qu’ils gardent deux hommes noirs d’environ 30 ans, qu’ils viennent de débarquer du train. L’un des hommes s’adresse aux militaires : « Nous n’avons nulle part où dormir ici. S’il-vous-plaît, laissez nous monter dans le train. » Réponse du plus petit des soldats : « Ca ne me concerne pas ».

Le signal du train résonne, j’y retourne, un anglais me demande si le prochain part bien à 18h et trois femmes s’hystérisent dans la crainte de rater leurs correspondances, elles ont pourtant assisté à toute la scène de débarquement forcé d’une dizaine de migrants, mais ce n’est pas leur problème, car leur problème, c’est leur voyage et leur correspondance. Le train repart. Remontée dans un autre wagon que le mien, je vois un groupe de voyageurs discuter entre eux de ce qui vient d’arriver. Manifestement une vingtaine d’hommes ont été débarqués, dont deux dans ce wagon et devant eux. Un voyageur à l’accent espagnol explique aux 5 français que les contrôleurs n’ayant pas fait de barrage en gare de Marseille, tout le monde a pu monter dans le train et que sans doute les hommes emmenés par les militaires ont été dénoncés par des passagers dans le rapide intervalle Marseille-Aix. J’entre dans la discussion en demandant aux témoins quel était le motif de cette intervention. Etait-ce que ces hommes n’avaient pas de titre de transport ? C’est surtout qu’ils étaient dans une situation de migration, me répond un gros type en costard l’air d’une méchante peluche à 35 ans. Ah oui. Et personne n’a rien dit, évidemment ? Vous savez Madame en soi je suis d’accord mais c’est pas évident quand une mitraillette vous approche à 50 cm de prendre la parole, se défend une femme, en plus ils ne nous ont pas informés de la situation, on ne savait pas ce qu’avaient fait ces hommes pour être traités comme ça, et les militaires les cachaient de nous, c’aurait pu être des gens… Quoi ?... Dangereux, ils auraient pu être dangereux. Tous dans ce petit groupe avaient compris de quoi il retournait : ces hommes noirs étaient des migrants qui tentaient de continuer leur voyage vers une vie meilleure, et ils avaient été débarqués parce que, trop pauvres pour payer leur ticket entre 110 et 200 euros comme tous les autres hommes égaux à eux en droit, ils ne pouvaient en pratique prétendre ni à ce voyage, ni à cette vie meilleure. Tous les passagers l’avaient compris mais aucun n’était intervenu. Et maintenant, chacun se justifiait de sa non-intervention : « Si ça se trouve, d’autres voyageurs vont monter en gare d’Avignon, et ces hommes prenaient leur place, alors bon… », « De toutes façons ça sert à rien de s’interposer, on n’y peut rien ». « Non, c’est faux, ça ne sert jamais à rien de prendre la parole, nous sommes dans un pays où nous avons le droit de prendre la parole, où personne ne va nous arrêter et nous jeter en prison parce que dans un train, à 17h24, nous avons exprimé notre opinion, il y a des pays où ce n’est pas le cas, la Turquie d’Erdogan par exemple, alors ici, tant que nous en avons encore le droit, il faut parler ». « Oui c’est vrai. » Ils sont d’accord en théorie avec tout ce que je leur dis, mais pas en pratique. Leur dernier argument est bien évidemment celui des « places occupées illégitimement ». Ecoeurée et perdant mon sang-froid je glisse à l’Espagnol que si il veut mon avis, dans un monde où l’argument de la réservation des places prime sur l’humanité tout est déjà trop tard, sur ce je me casse en courant du wagon.

Au wagon-restaurant la collaboration bat son plein. Le train à peine reparti le serveur du bar n’a pas hésité à faire une annonce appelant à venir se restaurer, passant intégralement sous silence ce qui venait de faire perdre à 400 voyageurs 30 minutes de transport. Quand je lui demande de me dire ce qui a eu lieu il me rapporte que « ces hommes étaient agressifs, qu’ils ont mal parlé aux contrôleurs qui en ont eu marre et ont appelé l’armée. » Sentant qu’il ment pour couvrir ses collègues et effarée de sa voix mielleuse je sens me frôler le souffle des collabos de tous les temps et plie en souriant comme une idiote. « Hum ça a l’air délicieux ce croque-monsieur. Oh vous vous êtes une gourmande. On ne peut rien vous cacher. » Pendant tout le trajet j’aurai envie de décharger une pleine kalachnikov sur ma voisine d’en face, de brûler le siège social de la SNCF, de penser aux 6 millions d’euros dépensée par cette même SNCF deux jours plus tôt à l’occasion de l’inauguration présidentielle de la ligne Paris-Bordeaux et au fait que plus jamais je ne voudrai donner un centime ni même avoir de près ou de loin quelque rapport avec cette funeste entreprise de transport ferroviaire, pendant tout le trajet je me demanderai comment ne plus jamais prendre le train dans cette France là, celle de 2017, la nôtre.

J’ai payé 80 euros pour m’entendre dire 5 minutes après le départ de mon train raté que je ne pourrai pas en prendre un autre gratuitement étant donné que mon billet relevait de la société IDTGV qui n’était pas la SNCF et que d’ailleurs il n’était pas remboursable puis 110 euros pour assister à cette séquence traumatisante : je refuse fondamentalement de vivre dans un monde de cette sorte, de frayer avec des gens de cet acabit, de donner le moindre centime à une entreprise de cet ordre. Certes l’avion c’est trop cher, les compagnies aériennes c’est pas mieux, l’autoroute c’est du béton payant qui sert aussi à construire des prisons et le covoiturage c’est chiant mais en attendant de devenir un point fixe et un cadavre je préfère encore ne pas, je préfère ne plus jamais :

Tes rails Frankreich, fous les toi dans le canon de tes armes, o pays de la liberté, deuxième exportateur d’arme de l’Univers, pays natal, que deviens tu ? Qui sommes nous ? Et où aller ?


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