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Relaxe de l’organisme de contrôle défaillant TÜV RHEINLAND

Prothèses PIP, le scandale continue. La « justice » toujours au service des patrons voyous

Christian GROSZ En 2010 le scandale des prothèses PIP avait défrayé la chronique. La société qui avait mis en danger de mort des milliers de femmes pour une pure question de profit, avait été condamnée en 2013. Aujourd’hui le scandale des organismes de contrôle s’ajoute à celui des fabricants : ce 2 juillet la cour d’appel d’Aix-en-Provence a relaxé l’organisme de contrôle TÜV RHEINLAND qui avait certifié que le fabricant avait agi dans les règles. A la clé, la possible impunité totale du patron voyou, qui est maintenant légitimé à contester le verdict de 2013 qui lui était défavorable. Avant d’aborder la question des « organismes notifiés » européens et de leur complicité avec les patrons voyous de l’industrie des dispositifs médicaux, nous revenons d’abord sur ce scandale de 2010 et sur les agissements de Jean-Claude MAS, PDG de PIP.

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Les prothèses mammaires implantables

C’est en 1961 que la firme américaine Dow Corning mit sur le marché des prothèses mammaires implantables constituées d’une enveloppe en silicone souple renfermant un gel de silicone. Celles-ci remplaçaient les prothèses en paraffine, puis les injections directes de silicone.

Il existe actuellement deux principaux types d’implants : les enveloppes de silicone remplies de sérum physiologique et les enveloppes de silicone remplies de gel de silicone. Les deux sont utilisés en chirurgie réparatrice et en chirurgie esthétique.

Le silicone est un caoutchouc (polysiloxane) constitué de grosses molécules. Il peut se présenter sous la forme liquide (huiles, gels) ou solide, de dureté variable. Lorsqu’il est de « grade médical » et notamment de « grade implantable », il est particulièrement bien toléré par l’organisme et peut rester en place de nombreuses années. Le gel interne des prothèses ne doit pas fragiliser l’enveloppe et cette dernière doit être résistante et empêcher toute fuite du gel dans l’organisme.

Le marquage CE

Pour être mis en vente sur le marché européen, les dispositifs médicaux doivent être marqués CE. La procédure pour obtenir le marquage CE dépend de leur classe de dangerosité (1, 2A, 2B, 3). Les prothèses mammaires sont actuellement en classe 3 et nécessitent, pour être marquées CE, un audit documentaire (système qualité de l’entreprise) et un audit portant sur la fabrication, les contrôles finaux, la stérilisation, la recherche et développement (RD). Cet audit (payant) est réalisé par un « organisme notifié » (organisme certificateur), qui peut être choisi par l’entreprise dans n’importe quel pays de l’UE et dont les tarifs et la sévérité sont très variables (d’où concurrence). La base de ces audits : les « exigences essentielles » de la directive européenne portant sur les dispositifs médicaux et dentaires : 93 42/CEE. Pour prouver la conformité à ces exigences essentielles, il suffit de démontrer le respect des « normes harmonisées européennes ». Celles-ci sont élaborées par les organismes de normalisation (en France par AFNOR), des fabricants, des utilisateurs, des représentants des ministères concernés au sein de commissions françaises et européennes.

Ce beau dispositif pourrait paraître très sécurisant. Il présente en réalité des failles, tant au niveau de l’élaboration des normes que des contrôles. Ces failles sont directement liées à la recherche du profit maximum pour les fabricants, avec la tolérance, pouvant parfois inclure la corruption des experts et des organismes publics de contrôle. Nous les évoquerons après avoir décrit les agissements criminels de la direction de « Poly Implant Prothèse », société dissoute en 2010, et de son directeur, Jean-Claude Mas.

Les escroqueries criminelles d’un patron voyou

Le marquage CE des prothèses PIP par l’organisme notifié allemand Tüv Rheinland s’est fait sur la base d’un produit contenant du gel implantable. Coût du gel implantable en 2009 : 35 € le litre. Le coût du « gel PIP » (contenant du gel industriel, des huiles lubrifiantes pour carburant et des produits pour l’enrobage des câbles électriques) : 5 € le litre. Le gain pour PIP : un million d’euros par an !

La rémunération de Jean-Claude MAS était de 30000 € par mois. 100.000 prothèses produites par an, 400 à 500.000 femmes porteuses dans le monde, cela fait frémir !

Ignoble individu ? Certes ! Mais comment cela a-t-il été possible malgré les contrôles et les plaintes des patientes et des chirurgiens ?

Des normes aux contrôles : le profit omniprésent

A commencer par les commissions de normalisation nationales, européennes et internationales (ISO), la présence des « fabricants » transforme celles-ci en armes de guerre contre la concurrence et pour la défense de leurs profits : chacune des entreprises participantes cherche à inclure dans les normes les caractéristiques de ses propres produits et à limiter les coûts. Au niveau des contrôles, le marquage CE s’obtient par des audits dont les dates sont prévues très à l’avance, conjointement entre le fabricant et l’organisme notifié. Dans le cas d’une tricherie volontaire, la direction de l’entreprise a tout le temps de camoufler les composants non conformes et de fabriquer les dispositifs avec des composants conformes, le jour de l’audit. Et ceci, en terrorisant le personnel pour qu’il ne parle pas. C’était le cas de PIP.

L’AFSSAPS (Agence Française de sécurité Sanitaire des Produits de Santé), remplacée par l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé) depuis 2012 était une véritable passoire : depuis 2006, des plaintes avaient été déposées en France par des patientes et des chirurgiens et il a fallu attendre 2010 pour qu’elle s’inquiète ! En 2005, PIP avait pourtant été condamnée, en Grande-Bretagne, à verser 1,4 millions d’euros pour rupture de ses prothèses ; et déjà en 2000 aux USA, la FDA avait dénoncé PIP pour le dégonflement de ses prothèses salines et la non-prise en compte de 120 plaintes en France. Des tentatives de corruption des plaignantes par PIP, en 2008 et 2009, ont pu être mises en évidence.

Mais il faut également signaler que les experts de l’AFSSAPS n’étaient souvent pas neutres. Certains venaient des entreprises censées être contrôlées et parfois y retournaient avec des salaires plus que confortables. De plus, dans toutes les réunions organisées par le ministère de la santé, le syndicat patronal SNITEM (Syndicat National de l’Industrie des Technologies Médicales) est présent pour défendre les profits des industriels du dispositif médical.

Relaxe en appel du TÜV RHEINLAND par la cour d’Aix-en-Provence : un jugement scandaleux

En première instance, en 2013, le tribunal de commerce de Toulon avait estimé que l’organisme notifié TÜV RHEINLAND avait failli à sa mission de contrôle et l’avait condamné à verser 3400€ à chacune des victimes, à titre de provision, en attendant les expertises. Ce chiffre est ridiculement bas quand on sait que 1600 femmes porteuses (dont 1500 colombiennes et 70 françaises) réclamaient 16.000€ chacune, au titre du préjudice moral et d’anxiété. Certes, il y avait eu tromperie volontaire lors de l’audit initial de la part de PIP, mais à aucun moment TÜV RHEINLAND n’a effectué d’audit de contrôle impromptu, qui lui aurait permis de détecter à coup sûr la présence de silicone de grade industriel dans les prothèses.

Le TÜV RHEINLAND ayant fait appel, la cour d’Aix-en-Provence a rendu son jugement le jeudi 2 juillet 2015 : « le TÜV RHEINLAND a rempli ses obligations ». Les 5,8 millions d’euros versés aux victimes devraient théoriquement lui être remboursés !

Ce jugement immonde témoigne de la duplicité de la « justice » de classe avec les patrons voyous, les organismes certificateurs corrompus et de leur mépris de la santé publique.

Quelles solutions pour la santé publique ?

Pas plus que dans les autres secteurs, il n’existe de solution miracle pour garantir la sécurité des patients, l’efficacité des dispositifs médicaux, l’efficacité des contrôles, si le système basé sur le profit, le système capitaliste, continue d’exister.

Actuellement, malgré la compétence et l’honnêteté de nombreux professionnels de la santé, techniciens, médecins, chercheurs qui participent à l’élaboration des normes médicales et aux processus de contrôle, c’est bien tout le système qui est complètement corrompu et pourri ! Ministères, organismes d’état, organismes de certification sont gangrenés.

Seule la nationalisation, sans indemnité ni rachat, de l’ensemble de l’industrie pharmaceutique et des dispositifs médicaux, ainsi que des organismes de surveillance, sous le contrôle des travailleurs, permettra d’utiliser l’immense savoir scientifique actuel au profit de la santé publique.


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