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BLACK LIVES MATTER

Procès du tueur de Georges Floyd : les témoins racontent l’impunité de Derek Chauvin

Ce lundi 29 mars s’ouvrait le procès de Derek Chauvin, le meurtrier de Georges Floyd. Les premiers témoins ont raconté leur version des faits, prouvant la responsabilité du policier et l’impunité dans laquelle il a agit.

Erell Bleuen

31 mars 2021

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« Je ne peux pas respirer !  ». Ces mots, répétés 27 fois, furent les derniers prononcés par Georges Floyd, assassiné par la police américaine à Minneapolis le 25 mai dernier. La vidéo de son interpellation, où l’on voit le policier Derek Chauvin écraser le cou de Floyd pendant neuf longues minutes, avait fait le tour du monde. C’est au lendemain de sa mort que débutait une énorme mobilisation internationale sous le signe du « Black Lives Matter », venue questionner le rôle coercitif joué par l’institution policière et son caractère profondément raciste, et ce au cœur de la première puissance impérialiste mondiale.

Aux Etats-Unis, de nombreuses nuits de révoltes se sont succédées dans plusieurs villes du pays, exigeant la justice pour Georges Floyd mais aussi pour toutes les victimes du racisme et des violences policières, poussant même Trump à se réfugier dans un des bunkers de la Maison Blanche lors de l’une d’entre elles. Si le meurtre de Floyd a entraîné une vague de contestation contre le racisme sans précédent dans le pays, il a également joué un rôle de politisation pour toute une génération, qui subsiste toujours à l’heure actuelle.

Le procès de Derek Chauvin, qui s’est ouvert ce lundi 29 mars 2021 après trois semaines de sélection des jurés, est donc un procès sous haute tension. Déjà il y a trois semaines, la veille de l’ouverture de la procédure, plusieurs milliers de manifestants s’étaient rassemblés à Minneapolis. La ville a d’ailleurs été militarisée, avec le tribunal barricadé par des clôtures en béton ornées de barbelés, et 2000 soldats de la Garde nationale sollicités pour l’occasion. Un procès jugé « historique » par Al Sharpton, militant des droits civiques ayant fait le déplacement à Minneapolis pour l’occasion, déclarant que « Chauvin est sur le banc des accusés, mais c’est l’Amérique qui est en procès  ».

L’émotion des témoins face à l’impunité

L’avocat Jerry Blackwell a ouvert les débats en déclarant qu’il comptait « prouver au-delà du doute raisonnable que Derek Chauvin est loin d’être innocent  ». L’accusant d’avoir « trahi son serment » et fait « un usage excessif et déraisonnable de la force », il a rapidement appuyé son propos en diffusant la vidéo du meurtre de Georges Floyd dans la salle d’audience.

Plusieurs témoins, qui ont assisté en direct aux neuf minutes d’agonie de Floyd, se sont succédés à la barre. Parmi eux, Darnella Frazier, lycéenne qui a filmé et diffusée sur les réseaux sociaux l’interpellation, qui raconte que « certaines nuits, je reste éveillée et je m’excuse auprès de George Floyd de ne pas avoir fait plus, de ne pas m’être interposée, de ne pas l’avoir sauvé ». A ses côtés, sa cousine de 9 ans Judeah Reynolds se dit « triste et en colère  », décrivant Derek Chauvin comme ayant «  l’air de l’empêcher de respirer et lui faisait mal  ».

Donald Williams, qu’on entend crier sur la vidéo à l’attention du policier : « vous êtes en train de lui faire un étranglement sanguin ! » est également venu témoigner. Ex-combattant de MMA, il explique que les mouvements du genou de Derek Chauvin sur le cou de Georges Floyd augmentaient la pression sur sa carotide, bloquant donc l’accès du sang au cerveau. Quant à Genevieve Hansen, pompier et secouriste à Minneapolis, elle n’a pas pu retenir ses larmes pendant l’audience. Elle raconte que les policiers ont refusé de la laisser intervenir, puis ne l’ont pas écoutée quand elle voulait les guider dans les gestes de secours. Elle répond à la défense, qui tente de la décrédibiliser en lui disant qu’elle a insulté les policiers de « bitch », que : « je me suis mise en colère après que Mr Floyd a été chargé dans l’ambulance. Cela ne servait plus à rien de tenter de leur faire entendre raison. Ils venaient de tuer quelqu’un ».

Les premiers témoins attestent tous d’une même version : celle du meurtre de Georges Floyd. Derek Chauvin, inculpé pour meurtre et homicide involontaire et risquant entre 10 et 40 ans de prison, est difficilement défendable face à ces déclarations, même au sein de la justice bourgeoise. Mais ce lundi, la défense continuait de défendre l’hypothèse « l’overdose de fentadyl », alors même que l’autopsie révélait que l’écrasement du cou de Georges Floyd était un « facteur significatif » provoquant sa mort. Seulement, le plus significatif dans les arguments avancés par la défense, c’est bien ceux décrivant « l’usage de la force  » comme « composante nécessaire au maintien de l’ordre », et défendant Derek Chauvin en rappelant qu’il « avait fait exactement ce qu’il a été formé à faire au cours de ses dix-neuf ans de carrière ». Deux justifications qui incarnent à elles seules l’impunité des policiers qui répriment, mutilent et tuent tous ceux qui dérogent au fonctionnement du système, parfois simplement de part leur couleur de peau.

Un coup de pied dans la fourmilière des violences policières

Ce procès de longue haleine, qui se tiendra pendant quatre semaines, pourrait avoir des conséquences sur le mouvement contre le racisme et les violences policières. Si l’incarcération de Derek Chauvin est plausible, cela pourrait jouer un certain rôle de réhabilitation de la justice, qui condamnerait un coupable après des milliers d’impunis. Car ce que les témoins de la mort de Georges Floyd expriment, c’est le sang froid avec lequel Derek Chauvin s’est comporté tout au long de l’interpellation, qui sans le mouvement BLM, serait sûrement tranquille à l’heure qu’il est. En témoigne tristement le cas de Daniel Prude, mort asphyxié par la police et dont les meurtriers ont été innocentés, et ce alors que la scène avait été filmée.

Aussi, si la condamnation de Derek Chauvin serait une victoire, elle n’effacerait pas les milliers de crimes racistes commis aux Etats-Unis et à l’international par la police, contre lesquels il est impérieux de continuer à se battre. Car si les avocats de l’audience ont déclaré que l’affaire ne doit pas être « le procès de la police ou des méthodes policières  », nous pensons qu’à l’inverse, le mouvement Black Lives Matter est venu mettre en lumière le rôle de l’institution policière et son caractère structurellement raciste, et qu’il doit continuer à se battre pour le faire.


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Erell Bleuen

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